Attirés par de juteux profits et des retours sur investissements compris entre 300% et 1 000%, près de 37 000 personnes auraient souscrit à des investissements dans des sociétés de l'agroalimentaire. Problème : les autorités ivoiriennes en soupçonnent aujourd'hui une partie d'avoir organisé une vaste escroquerie. Une grande manifestation des souscripteurs est prévue à Abidjan le 18 février.
Ils sont chefs d’entreprise, chômeurs ou petits commerçants. De l’avis de certains, de grands commis de l’État feraient également partie de ces quelque 37 000 souscripteurs ayant investi dans l’une des 28 entreprises dites d’agrobusiness désormais dans le collimateur des autorités.
Après que le procureur de la République a gelé les comptes de ces sociétés à la mi-janvier, la colère est montée d’un cran chez des milliers de petits investisseurs, à qui des retours sur investissements (RSI) particulièrement juteux avaient été promis. Craignant de ne pas récupérer leur argent, bon nombre prennent désormais l’État à témoin.
L’État nous a donné confiance.
« Nous ne sommes pas contre une enquête car nous sommes conscients que certaines de ces entreprises ne sont pas sérieuses, mais les investigations auraient pu être menées sans bloquer nos RSI », déplore Guy Roland Nahounou, gérant d’une agence de marketing et secrétaire d’organisation du Syndicat des investisseurs indépendants de l’agrobusiness en Côte d’Ivoire (SIIABCI).
Comme les 37 000 autres souscripteurs, le trentenaire a été séduit par les juteux profits promis. C’est ainsi que début 2016, il investit 3,7 millions de francs CFA (5 640 euros) pour des plantations de tomates. « Six mois plus tard, quand j’ai reçu mon RSI, je l’ai pris en photo tellement je n’en croyais pas mes yeux », poursuit-il en brandissant le cliché sur son smartphone : un chèque de 10,368 millions de Francs CFA. Soit près de trois fois sa mise de départ. Guy Roland Nahounou réinvestit donc, cette fois à hauteur de six millions pour des hectares de choux et de piments antillais. « Je dois recevoir plus de 30 millions le 29 avril prochain », espère-t-il toujours, malgré le blocage des comptes.
D’autres en veulent à l’État de leur avoir donné confiance en ces sociétés. « Si nous avons investi, c’est parce que quelque part, l’État a associé son image à ces entreprises et nous a donné confiance. Des publicités pour Monhévéa.com étaient diffusées à la télévision nationale », ne décolère pas un autre souscripteur, Paulin Gnahoua. À 31 ans, ce dernier a vendu son petit commerce de gaz à Yopougon pour tout investir dans Monhévéa.com. « Je n’ai pas reçu mon deuxième RSI, maintenant je n’ai plus rien pour vivre », explique-t-il.
Colère contre les banques
Certains sont dans des situations encore plus précaires. C’est le cas de Guizo, 35 ans, qui préfère rester anonyme. Il y a encore trois ans, ce dernier vendait des téléphones à Abobo, au nord d’Abidjan, jusqu’à ce que les politiques de déguerpissement aient raison de son commerce.
Privé de sa première activité, Guizo réinvestit ses économies dans Monhévéa.com, la plus connue des 28 sociétés incriminées, remisant à chaque fois une partie du RSI touché. De 875 000 francs CFA placés en 2014, l’ancien petit commerçant a perçu près de 11 millions lors de son dernier versement. De quoi améliorer son train de vie, louer une maison, payer les frais de gardiennage, ou encore un abonnement à une chaîne cryptée.
Mais en novembre dernier, le versement des 24 millions attendus n’est jamais venu. Depuis quatre mois, ce père de famille est désormais dans l’incapacité de payer son loyer. « Si je ne trouve pas l’argent à la fin du mois, je serai expulsé. Dans ce cas, j’irai dormir devant le palais pour me faire entendre », assure-t-il...La suite sur Jeune Afrique
Plants de cacaoyers à Pokola. Photo d'illustration. © Muriel Devey Malu-Malu