Crédité d’un bon bilan économique à la tête de la Côte d’Ivoire, le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) , doit faire face une recrudescence de troubles socio-politiques, dont une mutinerie au sein de l’armée ainsi qu’une grève générale des fonctionnaires.
Depuis le début de la nouvelle année, une succession de révoltes plombent la vie du pays : Bouaké, Yamoussoukro, San Pedro, Abidjan, aucune des grandes villes n’est épargnée par la grogne de ceux qu’on appelle communément en Côte d’Ivoire les « corps habillés » : comprenez les forces de défense ou de sécurité.
Exemple : le 17 janvier 2017, des gendarmes se sont insurgés dans la capitale politique Yamoussoukro. Ceci, moins de 24 après l’annonce du début d’un paiement de primes pour une partie de l’armée qui s’était mutinée à Bouaké (centre) entre le 5 et 6 janvier 2017.
Pour calmer la colère des soldats souvent présentés comme d’anciens « rebelles » intégrés dans l’armée ivoirienne, le président Ouattara a vite trouvé un accord avec eux, dès le 13 janvier, décidant du versement en deux tranches : de 12 millions FCFA à chacun des 85000 « soldats » concernés.
Cette décision fut très critiquée par une partie de l’opinion : « Ouattara a un pistolet sur la tempe ; Ado ouvre la boite de Pandore », étaient, entre autres, le genre de commentaires suscités par la décision et fortement relayés par des internautes ivoiriens dont certains analysent l’actuelle situation comme le résultat du compagnonnage du président Ouattara avec les « anciens » rebelles au moment où il convoitait le pouvoir.
Erreur politique ou pas, la décision a entrainé des frustrations au sein d’autres segments des forces de défense et de sécurité et avivé la colère des fonctionnaires en grève. Après la venue au pouvoir de Ouattara, plusieurs milliers d’anciens « rebelles », qui avaient aidé à combattre les forces loyales au président Laurent Gbagbo durant la crise postélectorale de 2011 ont été intégrés dans l’armée ivoirienne.
Erreur de calcul
Acculé le gouvernement ivoirien a dû sortir de son mutisme, le 18 janvier 2017. Selon le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné, qui a fait face à la presse à l’issue du conseil des ministres, ces primes ne concernent que « les ex-Forces armées des forces nouvelles désignés pour sécuriser le processus de sortie de crise entre 2007 et 2011 ». Selon lui, ces soldats n’avaient perçu ni primes, ni salaires durant cette période.
Les Forces armées des forces nouvelles (FAFN) sont une coalition de mouvement « rebelles », qui ont occupé le nord de la Côte d’Ivoire entre 2002 et 2007 et dont Guillaume Soro, l‘actuel président de l’Assemblée nationale fut le secrétaire général. Ces ex-rebelles pour la plupart ont été intégrés dans l’armée ivoirienne par le président Ouattara.
Selon des affirmations qui reviennent souvent dans les médias ivoiriens, ces primes sont réclamées au titre des efforts de guerre de 2000, 2002, 2004 et 2011.
Vrai ou faux, toujours est-il que l’annonce par le gouvernement du déblocage de ce montant
a attisé la colère ailleurs.
Jusque-là épargné par les remous, la capitale économique, Abidjan, a vu la fermeture de son port, dans la journée du 18 janvier 2017, suite à des tirs en l’air de gendarmes mécontents. Ces gendarmes réclamaient tout simplement la généralisation de ces primes à toutes les forces de défense.
Ebullition du front social
Au moment où l’Etat a les yeux rivés sur l’armée, la grève des fonctionnaires ivoiriens, lancée le 09 janvier 2017, s’amplifie.
Sous la houlette de la Plateforme Nationale des Organisations Professionnelles du Secteur Public de Côte d’Ivoire et l’Intersyndicale des Fonctionnaires de Côte d’Ivoire, les grévistes réclament des arriérés de salaires qui remontent à 2009, ainsi que le retrait de l’ordonnance sur « l’abattement » des pensions de retraite.
Dans un communiqué parvenu à Ouestafnews, le gouvernement déclare avoir arrêté « un certain nombre de mesures, qui seront présentées aux partenaires sociaux le jeudi 19 janvier 2017, avant d’être rendues publiques ».
Pour l’opposant Pascal Affi-Nguessan du Front patriotique ivoirien (FPI, ex-parti au pouvoir) la solution à cette crise passe par la mise en place d’un « gouvernement d'union nationale » dont la mission « sera de conclure une trêve avec toutes les organisations politiques, militaires syndicales impliquées dans la crise ».
Ces troubles sociaux perturbent le pays qui espérait amorcer un nouveau tournant avec l’adoption d’une nouvelle constitution et la tenue successive d’élections apaisées, toute largement remportées par la coalition au pouvoir.
Photo d'archives à titre d'illustration