À quelques mois des élections locales et à deux ans de la présidentielle, les grands partis se disputent un électorat de taille : les 800 000 producteurs de café et de cacao.
Depuis ses plantations de l’est du pays, Stéphane Boua se lamente. Cela fait maintenant huit semaines que son café est bloqué dans le port d’Abidjan : 240 tonnes qu’il ne parvient pas à exporter, soit des dizaines de millions de F CFA de revenu en suspens. « Je multiplie les coups de fil, mais personne n’accepte de prendre notre marchandise », s’agace ce quadragénaire, président d’une coopérative de 700 planteurs de la région d’Abengourou.
Peu lui importent les raisons de ce blocage – les problèmes de tarifs douaniers avec l’Algérie, le manque de bateaux, la production plus importante que prévu – et les messages optimistes des autorités. « On nous demande d’être patients, mais ce n’est plus possible, martèle-t-il. L’année dernière, il y avait des problèmes avec le cacao, cette année, c’est le café. Nous, les planteurs, nous sommes fatigués ! »
Depuis un an, la grogne se fait entendre dans les campagnes ivoiriennes. En avril 2017, répercutant la forte chute des cours mondiaux du cacao, le gouvernement a baissé le prix d’achat des fèves aux planteurs de 35 %, le faisant passer de 1 100 à 700 F CFA le kilo (de 1,70 à 1,10 euro) après cinq années consécutives de hausse. Un coup dur qui a ravivé des rancœurs. Appels à la grève, manifestations… Les syndicats donnent de la voix. S’estimant « oubliés », ils rappellent les heures de labeur dans la chaleur, les chemins de terre abîmés chaque jour arpentés, les nombreux villages encore dépourvus d’électricité, si loin du développement des quartiers cossus d’Abidjan.
Les campagnes ivoiriennes en colère
Un mécontentement pris très au sérieux au plus haut niveau de l’État. « Les planteurs sont une préoccupation majeure du gouvernement. La baisse des prix du cacao a été une décision difficile à prendre. Je me souviens de l’émotion du président », se rappelle un ministre du gouvernement. Face aux défaillances et pour calmer la fronde, Alassane Ouattara a limogé Massandjé Touré-Litsé, la directrice générale du Conseil café-cacao, l’instance de régulation du secteur, en août 2017. Il a également fait une priorité du rapprochement avec le Ghana : s’entendre sur la fixation des prix du cacao doit permettre aux deux premiers producteurs mondiaux de peser face aux spéculateurs...
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