Les autorités ivoiriennes ont demandé à la Cour pénale internationale un délai de trois mois pour dire si elles consentent ou non au transfèrement de Charles Blé Goudé vers La Haye. Un an après son arrestation au Ghana, le cas de l'ex-leader des Jeunes patriotes embarrasse toujours Abidjan.
C'est finalement le 13 avril, au plus tôt, que l'on saura où Charles Blé Goudé sera jugé. Sommé par la Cour pénale internationale (CPI) de transférer l'ex-général de la rue à la Haye, les autorités ivoiriennes ont demandé le 13 janvier, par le biais de les deux avocats français de la Côte d'Ivoire, Jean-Pierre Mignard et Jean-Paul Benoît, à la 1ère Chambre préliminaire de la CPI un sursis de trois mois.
Abidjan explique avoir besoin de ce laps de temps pour poursuivre la procédure interne contre Blé Goudé. "Le doyen des juges d'instruction du tribunal de première instance d'Abidjan a fait savoir qu'il entendait procéder intensivement au cour du premier semestre 2014 à des interrogatoires (…), ainsi qu'à l'audition de témoins et à des confrontations entre l'inculpé et d'autres personnes concernées par les poursuites engagées devant les autorités judiciaires internes", ont justifié Jean-Pierre Mignard et Jean-Paul Benoît.
La Cour, qui souhaite juger l’ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo pour "crimes contre l’humanité et crimes de guerre", ne s'est pas encore prononcée sur cette demande. Mais "si les juges de la CPI accordent ce sursis, les autorités ivoiriennes doivent rapidement achever l'enquête et – en cas de preuves suffisantes – poursuivre en justice Charles Blé Goudé et le remettre à la CPI", explique Gaëtan Mootoo, chercheur sur l'Afrique de l'Ouest à Amnesty International.
Me Claver N'Dri, qui dirige le comité de défense de Blé Goudé à Abidjan, accueille favorablement l'action des autorités ivoiriennes. " La présence de mon client en Côte d'Ivoire est nécessaire si nous voulons une justice équitable. Les faits ont été commis ici, les témoins sont ici. Le justice ivoirienne est capable de le juger".
Détenu dans un lieu secret
Autre son de cloche du côté de Me Nicholas Kaufman qui conseille Charle Blé Goudé auprès de la CPI. Ce dernier estime que la demande d'Abidjan est "juridiquement erronée" et dénonce "le mépris des autorités ivoiriennes envers la justice internationale et le droit à disposer d'un avocat".
Car depuis son arrestation au Ghana il y a tout juste un an, Blé Goudé est détenu dans un lieu tenu secret. Surtout, il est privé de visite depuis août 2013. Ses avocats l'avaient alors vu dans le bureau du juge d'instruction à Abidjan.
Depuis rien. En décembre, les autorités ivoiriennes ont même refusé qu'une équipe d'Amnesty international lui rende visite. "Nul ne doit être détenu dans un lieu de détention non officiel, sans accès à un avocat. Cela constitue une violation flagrante du droit international et national. Empêcher Charles Blé Goudé de voir ses avocats ne sert pas la cause de la justice pour les victimes des crimes dont il est accusé", juge Gaëtan Mootoo.
Éminemment politique, le cas Blé Goudé embarrasse le pouvoir. Abidjan doit en effet poursuivre la dynamique de réconciliation avec les partisans de l’ancien chef de l’État ivoirien Laurent Gbagbo (libération des personnalités, dialogue direct…), mais aussi tenir son engagement de coopérer pleinement avec la CPI. Celle-ci avait déjà très mal pris que le président Alassane Ouattara refuse de livrer Simone Gbagbo.
Côte d'Ivoire : Pourquoi Charles Blé Goudé reste emprisonné en Côte d'Ivoire ? - Photo à titre d'illustration