La femme de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a été jugée non coupable des crimes qui lui sont reprochés, mardi, par la Cour d’assises d’Abidjan.
De quoi Simone Gbagbo était-elle accusée ?
L’épouse de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo était jugée depuis le 31 mai 2016 pour des faits de crimes contre l’humanité et crimes de guerre pendant la crise post-électorale qui a frappé la Côte d’Ivoire entre 2010 et 2011. Elle était accusée d’être liée à une cellule responsable de crimes commis par les forces régulières ivoiriennes ou les patriotes pro-Gbagbo contre des civils soutenant Alassane Ouattara, rival de son époux.
La cour a examiné particulièrement son implication dans deux épisodes sanglants. Le premier, la répression de la marche des partisans d’Alassane Ouattara vers le siège de la Radio-Télévision ivoirienne (RTI), dans le quartier du Vieux-Cocody, à Abidjan, le 16 décembre 2010. Les forces de l’ordre avaient ouvert le feu sur les manifestants, tuant une trentaine de personnes.
Le second concerne les tirs d’obus, le 17 mars 2011, qui avaient frappé le marché d’Abobo, quartier populaire du nord d’Abidjan réputé favorable à Alassane Ouattara. 25 à 30 civils avaient été tués dans cette attaque à l’arme lourde attribuée par la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire (Onuci) aux forces armées fidèles à Laurent Gbagbo.
Pourquoi a-t-elle été acquittée ?
Alors que le procureur général du tribunal d’Abidjan avait requis une peine d’emprisonnement à vie à son encontre, le jury en a décidé autrement : « Le jury à la majorité déclare Simone Gbagbo non coupable des crimes qui lui sont reprochés, prononce son acquittement et ordonne qu’elle soit remise immédiatement en liberté si elle n’est retenue pour d’autres causes », a déclaré le juge Kouadjo Boiqui, président de la Cour d’assises.
Les membres du jury ont estimé que l’accusation n’a pas su établir avec certitude le lien entre les actes commis et sa supposée commanditaire : les enquêtes sur la culpabilité de Simone Gbagbo se sont révélées peu approfondies et peu rigoureuses ; les preuves exposées à la cour, discutables et contestables.
Ce verdict est une surprise, tant la justice ivoirienne est soupçonnée d’être aux ordres du palais présidentiel. Toutes les ONG internationales de défense des droits de l’homme soulignent combien elle se contente de poursuivre les vaincus de la crise post-électorale, se gardant de juger les crimes commis par les partisans d’Alassane Ouattara.
Sera-t-elle libérée ?
Son acquittement dans ce dossier ne lui ouvre pas les portes de la liberté. Simone Gbagbo restera en prison, en vertu de sa condamnation, en 2015, à une peine de 20 ans de prison. Elle avait été jugée coupable de « complot contre l’autorité de l’État, participation à un mouvement insurrectionnel et troubles à l’ordre public ».
Par ailleurs, la défense peut encore contester le jugement du jury : elle a « 60 jours pour introduire un pourvoi contre cette décision », a souligné le juge Kouadjo Boiqui. Elle peut enfin encore être traduite devant la Cour pénale internationale (CPI), qui la réclame depuis 2011 pour ces mêmes faits. Une perspective que refuse, pour l’heure, le président Ouattara : il a préféré la juger en Côte d’Ivoire. Reste à savoir ce que fera son successeur, sachant que cette solution est réclamée par la défense et par les ONG internationales de défense des droits de l’Homme comme Human Rights Watch (HRW).
Laurent Larcher
Côte-d’Ivoire, pourquoi Simone Gbabgo a-t-elle été acquittée ?