« Le Père de la Nation, le Président Félix Houphouët-Boigny, disait qu’il n'y a pas de sacrifice trop grand pour la paix. C’est pourquoi, en raison de mon attachement à la paix et à une réconciliation vraie, j'ai procédé, ce lundi 06 août 2018, à la signature d’une ordonnance portant amnistie. Cette amnistie bénéficiera à environ huit cents (800) de nos concitoyens, poursuivis ou condamnés pour des infractions en lien avec la crise postélectorale de 2010, ou des infractions contre la sûreté de l’Etat commises après le 21 mai 2011, date de ma prestation de serment en qualité de Président de la République ». Extrait de l’adresse à la nation du Chef de l’Etat, Alassane Ouattara à l’occasion de la célébration du 58ème anniversaire de l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance.
Dans un communiqué en date du 8 avril, des organisations membres de la Fidh ont indiqué avoir saisi la Cour suprême ivoirienne demandant l’annulation de l’ordonnance d’amnistie du 6 août 2018. La note précise que le recours en annulation a été déposé le 4 avril 2019.
« Nous demandons donc à la Cour suprême de rappeler au pouvoir politique que le droit international ne permet pas d'absoudre (...) les auteurs présumés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité », a déclaré Me Yacouba Doumbia avocat des victimes et président du Mouvement ivoirien des droits humains (Midh).
Pour Pierre Adjoumani, président de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (Lidho), ce recours vise à obtenir l’annulation de l’amnistie. Et faire prévaloir l’État de droit. « Les autorités politiques ne peuvent à la fois poursuivre la "course à l’émergence" et essayer de s’affranchir du droit dans le même temps», a-t-il souligné.
Pour les défenseurs des droits de l’homme, l’amnistie tout comme la décision de la Cpi qui se prononçait sur l’existence d’un plan commun mis en place pour éliminer des civils pro-Ouattara « oublie les victimes des violations des droits humains que la Côte d'Ivoire a connu ».
Ils estiment que l'amnistie place la Côte d'Ivoire en porte à faux avec ses obligations et engagements internationaux. Et empêche l'appareil judiciaire de poursuivre les procédures entamées depuis plusieurs années. Selon eux, des dizaines d'auteurs présumés de crimes de droit international - parmi lesquels de hauts responsables militaires - ont été formellement mis en cause et inculpés.
« Qu'elles aient témoigné devant des juridictions nationales ou devant la CPI, les victimes et leurs familles voient aujourd'hui leurs espoirs de justice suspendus. Ni la Côte d'Ivoire, ni la justice internationale n'ont été capables pour l'instant de désigner et condamner les coupables de la crise de 2010-2011, qui a fait plus de 3000 morts », fait remarquer Me Drissa Traoré, avocat des victimes et vice-président de la FIDH. Avant d’ajouter : « Nous utiliserons toutes les voies de recours, nationales et internationales, pour que les procès attendus finissent par aboutir ».
Salif D. CHEICKNA
Côte d’Ivoire/Recours en annulation de l’amnistie présidentielle : Des organisations membres de la FIDH saisissent la Cour suprême