Nommé il y a un an par le président Ouattara, le chef d’état-major veut faire rentrer les militaires dans le rang. Une mission particulièrement délicate…
Il a beau dominer d’une bonne tête la plupart de ses pairs, le général Sékou Touré passe toujours inaperçu. Voir sans être vu, n’est-ce pas une qualité pour un militaire ? Oui, sauf que lui n’est autre que le patron de l’armée ivoirienne.
Humble et discret pour les uns, l’homme manque de charisme et d’autorité, selon les autres. « Sékou Touré ? Qui ça, le président guinéen ? », rit un bon connaisseur de l’armée, soulignant l’anonymat dans lequel demeure le chef d’état-major. Son port altier et son corps svelte ne parviennent pas à faire oublier son allure frêle et ses épaules qui, pour certains, ne sont décidément pas assez larges pour une si sensible fonction.
Formé en France
À 61 ans, Sékou Touré a pourtant quarante années de service à son actif et le CV d’un des gradés les plus capés du pays. « Il aurait pu devenir chef d’état-major bien plus tôt, mais il s’est fait doubler plusieurs fois. Comme s’il lui manquait ce petit truc en plus qui fait d’un homme un chef », poursuit le spécialiste.
"Si Sékou Touré n’a rallié Alassane Ouattara qu’à la fin de la guerre, il est bien plus républicain que gbagboïste"
Formé en France sur les bancs de la prestigieuse École supérieure de guerre puis de l’Institut des hautes études de défense, il a gravi tous les échelons. Commandant de brigade puis de division, passé pendant six ans par la garde républicaine, il est nommé commandant des forces terrestres au sortir de la crise, en 2011.
Un militaire « normal »
Le président Alassane Ouattara a alors besoin de militaires, des vrais, pour encadrer les anciens rebelles, souvent recrutés dans le civil et dont beaucoup font preuve d’un amateurisme patent. Ils ne sont pas nombreux à pouvoir faire l’affaire : la Côte d’Ivoire ne compte qu’une dizaine de généraux, dont la plupart s’étaient rangés derrière Laurent Gbagbo.
Sékou Touré semble alors avoir le meilleur profil. S’il est toujours resté dans les rangs des Forces de défense et de sécurité et n’a rallié Alassane Ouattara qu’à la fin de la guerre, il est bien plus républicain que gbagboïste. Pendant les dix années de pouvoir de l’ancien président, il est d’ailleurs resté loin des combats, formant les futurs officiers.
"Les maux d’une armée écartelée entre anciens rebelles et militaires fidèles à Laurent Gbagbo éclatent au grand jour"
Loyal, efficace, le général est décrit comme un professionnel sans aspérités. « Dans une armée normale, ce militaire normal aurait un très bon profil. Le problème, c’est que le bourbier ivoirien n’a rien de normal », résume un expert des questions sécuritaires à Abidjan.
Arrivé en pleine crise
L’intéressé est bien placé pour le savoir. C’est le 9 janvier 2017, au lendemain de plusieurs jours de mutineries, qu’il accède au sommet de l’armée. D’anciens rebelles ont bloqué pendant plusieurs jours Bouaké puis Korhogo, Daloa et même Abidjan...
Avec le président Alassane Ouattara, le 4 janvier. © SIA KAMBOU/AFP