Côte d'Ivoire : Vavoua, la ville martyre

  • 25/07/2014
  • Source : ladepechedabidjan.info
Bonjour chers tous. Je suis rentré ce mercredi de chez moi après un séjour d’une semaine. Depuis la crise politico-armée de septembre 2002, c’est vraiment la toute première fois que je reste aussi longtemps, après deux passages éclairs à la fin de la crise post-électorale. Je suis encore bouche bée.

Sachez que Vavoua est le seul département de la région du Haut Sassandra (avec Daloa comme chef-lieu) qui est tombé dans l’escarcelle de la rébellion armée le 2 octobre 2002. Il faisait partie de la zone centre, nord, ouest (CNO, ex-zone assiégée) et ses immenses ressources agricoles (café, cacao, bois, banane…) ont enrichi les chefs de guerre.  Et en 2014, les séquelles sont là et profondes. 
 
Des résidences privées sont encore occupées quand des maisons poussent comme champignon dans une ville poussiéreuse où les routes sont impraticables. Et les voies sont encombrées de commerce.

Les motos de toutes marques (Sanya, KTM, Yamaha…) vendues en contrebande, donc sans pièce, sont hyper nombreuses; ici des villages, en raison de la dégradation avancée des pistes, sont enclavés et ces engins à deux roues servent, dans ce département sinistré, de moyen de transport en commun avec même des taxis-motos; les éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et ceux apparentés sont partout visibles, cohabitant avec les forces de l’ordre; et si les contrôles, en dehors des corridors, ont disparu des routes nationales reliant Vavoua à Daloa et Vavoua à Séguéla, les barrages fleurissent sur les pistes rurales avec, naturellement, les extorsions de fonds. 
 
 
Exemple, de Vavoua à Néouléfla (sous-préfecture de Séitifla faisant frontière avec Kouibly à l’ouest), distant d’une vingtaine de kilomètres, il y a aujourd’hui quatre barrages après le démantèlement de celui des dozo : dès la sortie de Vavoua, il y a un barrage des FRCI, à Gatifla (village de la commune de Vavoua), un deuxième barrage des policiers avec les FRCI (et ici, ce sont les FRCI qui ont le dernier mot), à Raphaëlkro (un campement d’allogènes), un troisième barrage des FRCI et à l’entrée de Néouléfla, un quatrième barrage, mais des gendarmes. 
 
Les « Bakô», ces motos faisant le transport en commun avec deux passagers et bagages, les «tchamassaires», ces camions de transport de marchandises sur lesquels s’asseyent aussi les voyageurs au risque de leur vie, et les motocyclistes mettent la main à la poche à chaque barrage. Ces barrages sont multipliés par deux ou trois pendant la «traite», c’est-à-dire l’abondante période de vente du café et du cacao durant le dernier trimestre de l’année où, en rackettant, ils s'en mettent plein les poches. 
 
Et quand, en parlementant, l’élément FRCI pense que vous voulez faire de la résistance, il menace de mettre votre moto en fourrière, …à l’état-major. Il y a donc, à Vavoua, un état-major des FRCI, c’est-à-dire un haut commandement militaire qui régente, en réalité, toutes les activités. Et les éléments des forces de l’ordre, désarmés, rasent les murs.

Et les autorités préfectorales, impuissantes, subissent le diktat des éléments FRCI. «Plus rien ne sera comme avant, ici à Vavoua,» me confie, fataliste, un responsable sous-préfectoral qui déplore que, «malgré la fin de la guerre et le retour de la paix», le département reste encore une sorte de no man’s land où les FRCI et autres apparentés font, impunément, la pluie et le beau temps. 
 
Bally Ferro