CPI : Bensouda : «Je ne suis pas prête...»

  • 27/12/2013
  • Source : L'Inter
La magistrate gambienne, Fatou Bensouda qui a en charge les poursuites contre Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI), ne lâche pas prise.

 Elle a divulgué récemment, les 18 et 19 décembre 2013, une vingtaine d'éléments à charge contre l'ancien président ivoirien, poursuivi pour crimes contre l'humanité. Bien que déterminée à couler M. Gbagbo, le successeur de Luis Moreno Ocampo peine à boucler son document contenant les charges (DCC), conformément à la décision du 03 juin 2013 prise par la Chambre préliminaire I. 

La juge unique, Silvia Fernandez de Gurmendi et ses pairs avaient en effet ajourné l'audience de confirmation des charges et demandé à l'Accusation de fournir des preuves supplémentaires.Mais Bensouda n'est pas encore prête, et elle ne le sera surtout pas avant la date du 13 janvier 2014, fixée par la Chambre préliminaire I pour la présentation du document modifié des charges, la liste des éléments de preuve. 

«L'Accusation ne serait pas en mesure de présenter une version publique expurgée (du DCC) le 13 janvier 2014. Le Procureur va déposer dès que possible, une version publique expurgée du DCC amendé avec les notes », soutient-elle. Les raisons d'un tel recul sont diverses, et Bensouda les a compilées dans un document daté du 19 décembre 2013 et acheminé aux juges de la Chambre.

Ce document est intitulé "Prosecution's request for an extension of the page limit for the Amended document containing the charges '' (Requête du procureur pour une extension de la limite de pages pour le document amendé contenant les charges ndlr).L'Accusation y fait observer que le 18 décembre 2013, la Chambre a exprimé sa volonté de recevoir le document modifié avec des notes en bas de page, se référant aux éléments de preuve exposés. La Chambre a également demandé à être informée du nombre de pages qui seraient nécessaires pour présenter une telle version avec des notes.

Pour Fatou Bensouda, son bureau est en effet « capable de déposer la version modifiée du DCC avec les notes en bas de page. Cependant, en tenant compte des nombreuses notes ( plus de 700 ), le nombre de mots serait bien au-delà de la limite de 300 mots par page comme requis par le règlement 36 », lit-on dans le document.

« Prenant en compte ces exigences de forme pendant le calcul du nombre de pages requis, le Procureur estime qu'il faudrait entre 240 et 245 pages afin de fournir à la Chambre une version modifiée du DCC avec les notes. En conséquence, (…) conformément à la règle 37 ( 2 ) du règlement de la Cour, le Procureur demande une extension de la limite des pages applicables au DCC modifiée avec des notes de bas de pages à 245 pages ou à 100 pages si le document est présenté sans des notes de bas de pages ». 

Bensouda argue par ailleurs que le document modifié est rédigé en français. « Cependant, la version avec des notes en bas de page, (...) contient des notes qui sont principalement rédigées en anglais. Cela parce que la langue anglaise est principalement utilisée pour l'enregistrement des métadonnées dans le e-Court ( ou Ringtail ) base de données. Les principales informations contenues dans ces notes se réfèrent à l' ERN ( ou numéros ) d'un document, d'une page ou le numéro de la ligne (…) Par conséquent, des notes avec des textes en anglais, ne causent aucun préjudice à la Défense, quant à son droit d'être informé des faits et circonstances de ces accusations », fait valoir la magistrate gambienne. 

 Des nouvelles preuves et la confidentialité
 
Elle tient également au caractère confidentiel de certaines informations contenues dans les notes. « Puisque les notes concernent et décrivent souvent des preuves qui doivent être traitées comme confidentielles, l'Accusation indique la nécessité de procéder à des suppressions afin de déposer une version publique du DCC modifiée avec des notes. Pour présenter une telle version publique, le Procureur aurait besoin d'un délai raisonnable pour examiner comme il se doit chaque note et procéder aux suppressions nécessaires. 

Malheureusement, en raison de la suspension des audiences judiciaires en cours (ce sont les vacances judiciaires à la CPI jusqu'au 6 janvier, ndlr) et les tâches concurrentes, l'Accusation ne serait pas en mesure de présenter cette version publique expurgée le 13 janvier 2014. Le Procureur va déposer dès que possible, une version publique expurgée du DCC amendé avec les notes », martèle-t-elle, de demander une extension du nombre de pages fixées pour le document amendé contenant les charges à 245 avec des notes et à 100 sans les notes de bas de page.

Bensouda fait aussi remarquer dans son document que l'affaire '' le Procureur c Laurent Gbagbo '' « continue d'être très complexe » depuis la décision du 3 juin 2013.Elle souligne que depuis cette décision, elle a présenté plus de 1400 documents à charges à la Défense, parmi lesquels l'on trouve des transcriptions d'entrevues et des déclarations de plus de 30 témoins. « Dans la version modifiée du DCC, l'Accusation s'efforce de répondre aux préoccupations soulevées par la Chambre  dans sa décision du 3 juin 2013, en incluant entre autres, les éléments suivants :
a-des preuves supplémentaires sur le fond et le contexte ; 
b-des preuves supplémentaires sur le caractère généralisé ou systématique de l'attaque ; 
c- des preuves supplémentaires sur la structure organisée du pouvoir et sur le clan interne ; 
d- des preuves supplémentaires sur la composition et la structure des forces pro-Gbagbo, et l'influence de Laurent Gbagbo sur ces forces ;
e- des preuves supplémentaires relatives au contenu des réunions ; et f- des preuves supplémentaires portant sur d'autres formes de responsabilité, conformément à l'article 28.
 
Par conséquent, la demande d'extension du nombre de pages fixées est nécessaire pour décrire, en détail, les faits et circonstances pertinents, et fournir ainsi à la Défense une copie détaillée des charges », conclu la magistrate gambienne.
 Hamadou ZIAO