Au micro de la Radio Spreaker, Cuno Tarfusser, l’ex-juge de la CPI, est revenu sur l’acquittement définitif de Gbagbo le 31 mars 2021.
« Eh bien, connaissant les actes, je ne pouvais pas imaginer un résultat différent. De toute évidence, les faits graves encadrés dans le contexte des crimes contre l’humanité se sont certainement produits et ont également été prouvés. Cela ne fait aucun doute. Le problème était de voir si ces crimes sont imputables aux deux accusés. Ici, de ce point de vue, il n’y avait tout simplement aucune preuve », indique Cuno Tarfusser.
« Il ne s’agit pas de crimes unilatéraux, mais commis dans le contexte d’un conflit auquel les deux composantes politiques ont pris part. Par conséquent, il ne fait aucun doute qu’ils se sont produits et qu’ils ont été d’une gravité sans précédent. Le problème est que je dois alors, du point de vue de la responsabilité pénale qui est personnelle, renvoyer ces responsabilités à l’accusé. Ici, de ce point de vue, j’ai soutenu – et maintenant la chambre d’appel l’a également confirmé – qu’il n’y avait aucune preuve. Point », poursuit-il avant de revenir sur la faiblesse du dossier présenté par l’accusation.
« Faiblesse exceptionnelle des preuves. Je ne peux pas inventer des choses qui ne figurent pas dans les disques. Les preuves recueillies et jugées par le procureur de la République étaient pour le moins rares. »
Toujours selon lui, « Et ces intérêts étaient personnifiés par la France, dont la Côte d’Ivoire avait été une colonie et sur laquelle Paris exerçait une domination politique et militaire (…) Je peux affirmer avec certitude qu’aucune preuve n’a été apportée pour condamner les deux accusés. Alors si on le voit sous l’aspect politique, il y a d’autres considérations. Évidemment, j’ai une opinion assez précise sur ce point. Mais en tant que juge du tribunal, je me limite à évaluer le matériel qui m’est soumis. Ce que j’ai appris dans ce processus, c’est que la politique que Gbagbo voulait préconiser était une libération progressive de Paris. Tandis que Ouattara, qui était un ami du président français de l’époque (Sarkozy NDLR), voulait préserver le statu quo. Eh bien, je pense que cela peut être dit avec une tranquillité absolue ».
« Il est clair que lorsque j’incrimine un président de la république, il est plus difficile de trouver des preuves que c’est lui qui a ordonné le crime. C’est un type de processus compliqué. Mais justement parce que c’est compliqué, je pense que le professionnalisme des sujets qui sont enquêteurs, procureurs et juges doit être très élevé. Et ce que je me plains, c’est qu’il y a aussi des lacunes dans l’IPC, appelons-les ainsi », explique-t-il.
« Partout. Mais le cœur de la procédure est le parquet, et c’est là que les failles sont les plus visibles par rapport aux autres secteurs de la Cour », a-t-il conclu.
Pour la petite histoire, le juge Italien, Cuno Tarfusser, avait prononcé l’acquittement de Laurent Gbagbo et Blé Goudé en janvier 2019 après que la Procureure Fatou Bensouda n’interjette appel contre ce verdict.
CPI : le juge Cuno Tarfusser revient sur la libération de Gbagbo, « c’était un procès politique, aucune preuve n’a été apportée » - Photo à titre d'illustration