Alors que les partisans de l’ancien président ivoirien, s'attendaient à une bonne nouvelle pour ce 11 novembre 2013, la Cour pénale internationale (CPI) a, contre toute entente, suspendu le calendrier de présentation des charges supplémentaires.
Cette nouvelle décision intervient deux semaines après le rejet, mardi 29 octobre dernier, de la demande de liberté provisoire formulée par les avocats de M. Gbagbo. Deux tâches indélébiles donc dans le camp des supporteurs de celui qui vient de passer 945 jours en détention. Toute chose qui amène les membres de l’ex- majorité présidentielle à ne plus croire pour si tôt en la libération de leur leader même s’ils gardent toujours espoir.
«Le Fpi exhorte les juges de la Chambre Préliminaire I de la Cpi à aider la Côte d’Ivoire à sortir définitivement de la crise en ordonnant la mise en liberté du président Laurent Gbagbo», soutient Laurent Akoun, porte-parole et secrétaire général du FPI.
Dans le camp adverse, c'est-à-dire du côté des partisans du pouvoir, les différentes décisions de la Cour ont été, par contre, accueillies avec un ouf de soulagement, tant sont incalculables les conséquences politiques d'une libération, même provisoire, du «frère ennemi».
«Le RDR se réjouit du fait que le droit des victimes et le désir de mettre fin à l'impunité constituent le socle des décisions de justice relatives au drame qu'ont vécu les populations ivoiriennes.
Le RDR souhaite une accélération des procédures en cours contre tous ceux qui ont de manière directe ou indirecte été à la base des différents crimes commis lors de la crise post-électorale afin de créer un climat social apaisé pour une véritable réconciliation entre les ivoiriens », avait déclaré dans un communiqué, le porte-parole principal du RDR, le ministre Joël N'Guessan.
Mais, qu'est-ce qui, dans la balance de la CPI, a bien pu peser contre le dossier Gbagbo que bien d'analystes jugeaient cependant recevable au strict plan du droit ? Secret de la délibération oblige, officiellement on ne connaîtra pas les motifs qui ont poussé les juges à maintenir cette détention en attendant la suite du procès. Mais, sans doute qu'ici, plusieurs facteurs ont concouru à la décision des magistrats de la Haye.
Parmi lesquels la politique, la diplomatie et bien sûr le droit. La politique d'abord : une mise en liberté provisoire du ''Woody'' de Mama aurait entraîné un effet de séisme dans le microcosme politique ivoirien. Elle aurait constitué une importante victoire, même d'étape, pour le FPI qui continue de donner du fil à retordre au président Alassane Ouattara. Sans compter qu'elle aurait revigoré un parti qui, même décapité, n'a jamais perdu l'espoir de revenir un jour aux affaires.
«On attend simplement la libération de notre président pour se faire entendre. Ce qui est sûr la CPI même sait que s’il est libéré, c’est gâté », clament les partisans de l’ex-président à qui veut l’entendre.
Au niveau de la diplomatie, la décision du 29 octobre est intervenue dans un contexte de fronde des Etats africains qui menaçaient de quitter la CPI si elle n'arrête pas sa chasse aux présidents noirs. Ce refus peut être un message de la Cour à ses détracteurs : pas question de se laisser intimider par les Africains. La tête de file de ses Etats africains n’était autre que le Kenya.
En effet, les députés ont même approuvé en septembre une motion demandant au gouvernement de Nairobi de faire sortir le Kenya du Statut de Rome, texte fondateur de la Cour pénale internationale.Un sommet extraordinaire de l'Union africaine s’est tenu début octobre à Addis-Abeba et a examiné une résolution demandant l'ajournement des procédures ouvertes par la CPI contre des dirigeants africains en exercice.
Enfin, s'agissant des raisons juridiques, en juin dernier, les juges avaient exigé de la procureure, Fatou Bensouda, des preuves supplémentaires à l'accusation de Laurent Gbagbo, poursuivi comme «coauteur indirect de crime contre l'humanité». Les éléments apportés à la première audience de confirmation des charges ayant été jugés insuffisants.
Alors, pourquoi au lieu d'accorder maintenant à l'accusé la liberté provisoire, ne pas attendre début 2014, date de la prochaine audience de confirmation des charges, pour accorder, qui sait, la liberté définitive à Laurent Gbagbo. Ainsi, la CPI suspend le calendrier de présentation des charges supplémentaires, donnant plus de chance à Bensouda dans la confirmation des charges ou non contre Laurent Gbagbo.
CPI/ Rejet de la liberté provisoire: Les facteurs qui jouent contre Laurent Gbagbo - Photo à titre d'illustration