L’ex-Première dame, Simone Ehivet Gbagbo, a été interrogée, avant-hier, sur les activités des milices qui avaient érigé des barrages et commis de nombreuses exactions pendant la crise.
C’est n’est pas de gaieté de cœur que l’épouse de Laurent Gbagbo s’est prêtée aux questions du tribunal sur les activités des ‘’jeunes patriotes’’ et groupes de milices qui faisaient la pluie et le beau temps pendant la crise post-électorale, notamment à Yopougon.
Appelée à la barre, Simone Ehivet Gbagbo a refusé d’aborder ce chapitre de la crise ivoirienne avant de se raviser face à l’intransigeance du juge. La prévenue qui proposait de se prononcer mardi ou mercredi, voulait en effet s’informer davantage sur «le contenu de ce dossier», vu que ni elle, ni ses avocats ne semblaient pas y avoir été assez préparés.
Mais elle a fini par se prêter au jeu. «Etiez-vous au courant que des exactions étaient commises à Yopougon ? », demande le juge Bouatchi Kouadio. Simone Gbagbo reste sur ses gardes.
«Non, je n’ai pas entendu parler de miliciens à Yopougon », répond-elle. « Vous n’avez pas entendu parler de Maguy Le Tocard ? », insiste le président du tribunal qui l’accule de questions.
L’accusée ne peut plus continuer à nier longtemps ce qui semble évident. Elle qui disait, il y a quelques instants, ne pas connaître ‘’l’Article 125’’ -utilisé pour brûler vif d’innocentes personnes pendant la crise- admet qu’il pourrait s’agir d’un acte d’auto-défense.
«Je n’étais pas au courant de ce qui se passait à Yopougon. Au niveau du Fpi, Yopougon était géré par d’autres personnes qu’on appelait des DDC (Ndlr, Directeurs départementaux de campagne).
Moi, je gérais Abobo. Je ne sais pas non plus qui finançait les activités de Charles Blé Goudé dont vous parlez », explique Simone. Indiquant que ‘’c’est maintenant que le débat s’ouvre’’ car, dit-elle, de «graves accusations» ont été portées contre elle.
L’accusée reconnait et assume alors qu’elle avait appelé, au plus fort de la crise, les Ivoiriens notamment les ‘’jeunes patriotes’’ à la résistance.
«La Côte d’Ivoire a été attaquée à plusieurs reprises. Au niveau du Fpi, nous avons estimé et nous estimons encore aujourd’hui qu’il fallait que tous les Ivoiriens dans leur totalité et dans leur intégrité se lèvent pour que la souveraineté de la Côte d’Ivoire qui a été souillée lui soit restituée», revendique-t-elle.
«Mais si ceux que vous avez appelé à sortir commentent des actes répréhensibles, vous sentiriez-vous responsable ? », lui demande Me Odi Yabo Siméon, l’adjoint du Procureur général.
«Je n’ai appelé personne à commettre des actes répréhensibles. Ceux qui ont commis ces actes doivent être punis mais il faut qu’on me prouve que c’est mon appel qui a conduit à ces actes répréhensibles», soutient l’ex-Première dame.
«Qui avait armé les jeunes patriotes ?», poursuit le magistrat. «Je ne sais pas», répond Simone, d’un ton ferme. Cependant, elle reconnait avoir reçu à plusieurs reprises l’ex-leader de la galaxie patriotique, Charles Blé Goudé, à son cabinet sis à la résidence présidentielle à Cocody.
«Oui, je confirme l’avoir reçu plusieurs fois pour des séances de travail et lorsqu’il était venu me demander de venir assister à ses meetings », avoue-t-elle. Et au magistrat d’ajouter : «Pourquoi Blé Goudé qui n’était pourtant pas membre du Fpi, comme vous l’avez indiqué ici, tient à ce que vous assistiez à ses activités».
La réponse de Simone ne se fait pas attendre : «c’est à Blé Goudé qu’il faut demander cela. Je suppose que c’est parce qu’il a de la considération pour moi».
Avant cela, l’épouse de Laurent Gbagbo est revenue sur le massacre des femmes à Abobo, le 3 mars 2011. Toujours selon elle, il est fort probable que ce crime n’ait jamais eu lieu.
Car, dit-elle, il y a beaucoup de supputations sur le nombre de victimes ainsi que les circonstances du drame. «J’aimerais voir les certificats de décès et savoir qui les a signés ? Quel est leur validité ? (…) J’aimerais voir une photo des chars qui ont tiré. Sinon cela signifierait qu’on me fait un procès sur la base des pièces qui sont fausses», dénonce l’accusée.
«Voulez-vous insinuer que le crime n’a pas existé ?», intervient le juge. «Moi, je pense que le crime n’a jamais existé. Des documents dans la presse l’attestent et montrent que tout cela est une pièce de théâtre (…)
Mes adversaires avaient besoin d’un incident de ce genre pour obtenir l’autorisation du Conseil de Sécurité de l’ONU en vue d’une intervention dans la crise ivoirienne», indique Simone Gbagbo.
Ben Ayoub
Photo:AFP