En Côte d’Ivoire, les victimes de la crise post-électorale ont pris la parole publiquement depuis hier, et ce pendant les deux mois à venir. La Commission dialogue-vérité et réconciliation (CDVR) a lancé les audiences publiques, ce qui constitue la dernière étape de son mandat.
La première séance s’est donc ouverte à la mi-journée hier. Cinq victimes doivent passer devant les commissaires pour cette première journée. En tout, ce sont 130 personnes qui sont censées témoigner dans les deux mois qui viennent. Des « cas emblématiques », comme les appelle la CDVR. Des cas qui devraient permettre à tous les Ivoiriens de se reconnaître dans ces souffrances.
Un délai qui pourrait aussi être étendu selon des membres de la CDVR qui ne donnent pas plus de précision. Il y a surtout des victimes venues de tout le pays, mais il devrait aussi y avoir quelques bourreaux. Tous seront entendus par neuf commissaires, des représentants de la CDVR au niveau central et local.
Lors de ces audiences, la victime doit répondre aux questions du commissaire, citer les bourreaux si elle les connaît. Une rencontre et une tentative de conciliation seront alors entreprises si d’aventure le bourreau a fait le déplacement. Il devra présenter ses excuses et les commissaires sont censés encourager la victime à pardonner pour faire la promotion du vivre ensemble.
Ce qui ressort depuis quelques semaines, c’est l’improvisation de ce processus d’audiences publiques. Son ouverture a été mainte fois repoussée et beaucoup d’ONG partenaires n’ont pas été informées de son lancement ce lundi.
Les journalistes tenus à l’écart
Ces audiences seront filmées, mais pas par des journalistes. La CDVR a sa propre équipe média qui remettra un montage vidéo tous les jours à la RTI, la télévision nationale. Un journaliste espère avoir accès à la salle, mais ce n’est pas garanti, car moins de 80 personnes peuvent tenir dans l’assistance.
Ces audiences ne sont pas vraiment publiques et beaucoup déplorent le manque de transparence de ce processus sur le papier, comme chez les experts en justice transitionnelle qui citent d’autres expériences sur le continent africain. Au Togo par exemple, les journalistes accrédités pouvaient filmer. Tout était retransmis sur des écrans pour ceux qui ne pouvaient pas entrer dans la salle, sauf bien sûr pour les cas où les victimes demandaient un huis clos dans le cas de violences sexuelles notamment.
Critiques des commissions locales
Des commissaires de commissions locales – il y en a 37 au total - regrettent aussi que tout se fasse à Abidjan. Beaucoup soulignent l’importance pour les victimes de pouvoir s’exprimer face à des gens de leur région, victimes comme bourreaux. Ils assurent être en mesure d’organiser de telles sessions avec des cas représentatifs, même si la protection des victimes peut devenir rapidement problématique. Si cette solution d’organiser des audiences localement a bien été au programme de la CDVR il y a plus d’un mois, elle ne l’est apparemment plus aujourd’hui.
Une trentaine de personnes seulement ont été sélectionnées par la Commission. Toutes les victimes ne vont donc pas pouvoir s’exprimer. Au total pendant ces deux mois que vont durer ces audiences, il est prévu que seule une centaine de personnes sont entendues publiquement alors que 64 000 personnes ont été auditionnées par les commissions locales entre mai et août 2014. Toutes ont été enregistrées dans une base de données qui permettra à ces victimes d’obtenir réparation. Il est aussi question que les commissaires de la CDVR fassent des suggestions de sanctions pénales.
Les victimes de la parlent