Crise post-électorale/Procès de Simone Gbagbo : Le N°2 du GPP livre Gbagbo, Simone et Blé Goudé

  • 29/06/2016
  • Source : Lebabi.net
Le numéro 2 du Groupement patriotique pour la paix, n’a pas hésité à mettre sur la place publique des secrets chers au camp Gbagbo.

C’est un témoin précieux pour l’accusation mais redoutable pour l’ex-Première dame, Simone Ehivet Gbagbo. Appelé à la barre, hier, Mètche Metchro Harold Moïse alias Colonel ''H'', numéro 2 du Groupement patriotique pour la paix (GPP), une branche de la galaxie patriotique de Charles Blé Goudé, n’a pas hésité à mettre sur la place publique des secrets chers au camp Gbagbo.

Le témoin qui a décrit le GPP comme une «force paramilitaire» au service du maintien de Laurent Gbagbo au pouvoir, est revenu longuement sur les pratiques mafieuses de cette milice lors de la crise post-électorale.

«Notre mission était de donner une réponse aux forces venues en soutien contre Laurent Gbagbo. Le GPP était une force paramilitaire. On avait des cartes professionnelles et des laissez-passer qui étaient reconnues par les forces régulières», introduit le témoin. «Portiez-vous des armes et des tenues militaires? », demande le juge.

«Oui. Et on avait des munitions qui provenaient des dotations de l'armée», confie Colonel ''H'', qui a fait figure de ‘’chef d’état-major adjoint’’ du GPP entre 2009 et 2011. A l'en croire, ces forces procédaient par intimidation dans les quartiers notamment dans les mosquées. «Nous recevions les ordres de Boizo Herman, notre président. Nous étions chargés d'exécuter les décisions politiques», poursuit-il.

Et c'est en vertu de ces pouvoirs que ces ‘’jeunes patriotes’’ ont participé, aux côtés des éléments du Cecos (Centre de commandement et de sécurité), à la répression de plusieurs marches ou regroupements des sympathisants du RHDP d'Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié.

«En décembre 2010, nous sommes intervenus pour disperser la marche que le RHDP devait effectuer sur la RTI», explique Mètche. «Quels types d'armes utilisiez-vous pour faire ce travail?», s'enquiert le juge Bouatchi Kouadio.

«Ce jour là (Ndlr, le 16 décembre 2011), on avait des cordelettes, des gourdins, etc. Notre mission était la répression des marcheurs qui fuyaient les forces de l'ordre qui tiraient. On les tabassait et on les tailladait (Ndlr, les marcheurs). Ils étaient ensuite gardés dans nos locaux non loin du 7ème arrondissement, à Adjamé», rappelle-t-il.

Avant de poursuivre : «Les éléments du Cecos venaient prendre les marcheurs appréhendés et on ignorait le sort qui leur était réservé». Selon Colonel ‘’H’’, la répression de la marche qui a fait plusieurs morts et des blessés a été pilotée depuis le sommet.
 
Comment la marche de la RTI a été mâtée

«Lorsque cette marche a été annoncée par Monsieur Guillaume Soro, Boizo Herman et les autres responsables de groupes d’auto-défense ont tenu une réunion avec l’ancien ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, qui a donné des instructions fermes : ‘’considérez tous ceux qui allaient participer à la marche comme des ennemis’’ », rapporte l’ancien homme fort du GPP.

Il rappelle que des ‘’équipes’’ ou sections de ces forces pro-Gbagbo existaient dans tous les quartiers d’Abidjan et à l’intérieur. «Les ordres venaient du pouvoir. C'est Ahoua Stallone que Charles Blé Goudé envoyait vers nous. On recevait les instructions du président Gbagbo car le GPP est né dans le but de maintenir Gbagbo au pouvoir», explique-t-il.

«C'est Gbagbo qui vous donnait les ordres directement ? », interroge à nouveau Bouatchi Kouadio. «Non. Charles Blé Goudé envoyait Ahoua Stallone vers nous», insiste l'ex-milicien. Indiquant que leur travail consistait à faire du renseignement pour le compte de l'ancien pouvoir.

«On faisait des repérages sur tous les lieux où les membres du RHDP tenaient leurs réunions mais également dans les lieux où on soupçonnait les ressortissants du Nord d'héberger les assaillants», enfonce l’homme qui dit avoir travaillé de connivence avec la Brigade de maintien de l'ordre (BMO) du Cecos.

Au cours de son audition, il a plusieurs fois fait référence aux anciens leaders de la galaxie patriotique notamment Charles Blé Goudé, Touré Moussa dit Zéguen, Ahoua Stallone et Charles Godié.

«Le GPP était financé par le pouvoir (Ndlr, l’ancien régime). Notre existence était devenue officielle à partir de 2003 où on nous a casés à l’ex-Institut Marie-Thérèse d’Adjamé. Nous recevions des perdiems mensuels de 40.000 Fcfa chacun. On avait des escadrons, un commandant de camp », confesse Mètche Metchro Harold Moïse.

Ces mensualités, ajoute-t-il, venaient de la présidence. «C’est la Première dame (Ndlr, Simone Gbagbo) qui finançait toutes nos activités au même titre que les Parlements, Agoras, la CRAC et la Fesci. Tout le monde savait d’où venait notre financement. C’était un secret de Polichinelle. Depuis la création du GPP en mars 2001, nous étions financés par la Première dame. Chaque fois qu’il y avait des mouvements (Ndlr, remous politiques), on nous sollicitait comme des cellules dormantes», insiste Colonel ‘’H’’.
 
 600 jeunes miliciens recrutés
 
En octobre 2010, révèle-t-il, le GPP a reçu instruction de former de nouvelles recrues acquises à la cause du pouvoir. C’est de cette façon que plus de 600 jeunes ont été recrutés et formés pour servir de ‘’chair à canon’’ à Laurent Gbagbo dans sa tentative de se maintenir au pouvoir. «Avant les élections d’octobre 2010, beaucoup d’éléments étaient venus de l’intérieur en renfort à ceux d’Abidjan», confie Mètche Metchro Harold Moïse alias Colonel ''H''.

Il explique par ailleurs que le recrutement se faisait sur la base du courage des candidats mais aussi et en fonction de leur appartenance politique et ethnique.

«On avait un vivier dans lequel on puisait. La plupart des éléments étaient sélectionnés sur la base ethnique. On recevait des jeunes issus de la Fesci aussi. Des noms à consonances nordiques étaient écartés d’office. Plus de 600 jeunes ont été recrutés et formés. Ils ont été intégrés régulièrement dans l’armée et recrutés au 1er BCP, le bataillon d’infanterie militaire», dévoile le témoin.

Avant lui, Kéhi Monpeho a été entendu à titre de renseignement. Le gendarme a indiqué à la barre que deux de ses collègues avaient été enlevés et assassinés par les éléments du GPP en faction à Yopougon-Azito.
 
Ben Ayoub