Culture : bilan médias 2013 / L’espoir était permis

  • 27/12/2013
  • Source : Le Patriote
L’année 2013 qui tire sa révérence dans quelques jours, a été, pour le monde des médias en Côte d’Ivoire, une année d’espoir et d’espérance. Cela, au regard des avancées notables constatées dans le milieu au cours des années précédentes.

Et avec l’avènement de 2013, beaucoup d’acteurs et observateurs du monde des médias croyaient que cette année serait la bonne. C’est-à-dire celle au bout de laquelle le pas serait franchi pour la viabilité qui donnerait à ce secteur de sortir du marasme économique devenu endémique pour tendre vers sa professionnalisation. Et le tout donnerait aux travailleurs de sortir du ghetto salarial pour un mieux-être social et professionnel. Mais, une fois encore, les hommes de médias doivent attendre, scruter l’horizon tout en ayant espoir en l’avenir.
 
L’un des événements majeurs ayant marqué l’année 2013 c’est, indubitablement, l’action du Conseil national de la presse (CNP). En effet, après la nomination, en mai 2012, de Raphaël Lakpé, l’une des icônes de la presse écrite en Côte d’Ivoire, à la tête de cet organe de régulation, lui et le conseil qu’il préside ont cru bon de prendre le taureau par les cornes pour assainir le secteur.

C’est ainsi qu’en sa session du 10 juin dernier, le CNP frappe 35 journaux d’interdiction de parution, parce que les entreprises auxquelles ces journaux sont adossés ne respectent pas les normes d’une entreprise de presse conformément à la loi N°2004-643 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la presse en Côte d’Ivoire. Outre cette interdiction, 20 autres titres ont été mis en demeure. Cette décision du CNP, faut-il le préciser, vise à assainir le paysage médiatique où, au moment de cette décision, 9 entreprises seulement, étaient en conformité vis-à-vis de la loi sur plus d’une soixantaine de parutions.
 
L’autre point de satisfaction et d’espoir, c’est le maintien du cap des dons et subventions de l’Etat aux médias par le truchement du Fonds de soutien au développement de la presse (FSDP). En début de ce mois, à la Maison de la presse au Plateau, le FSDP remettait du mobilier de bureau, des logiciels de comptabilité et autre matériel de travail aux entreprises de presse. Selon Bernise N’Guessan, Directrice exécutive du Fsdp, c’est la rondelette somme de 726 millions qui a été injectée pour l’acquisition de tout ce matériel et le financement de séminaires et autres modules de renforcement de capacités des agents des médias. 
 
L’autre événement majeur qui a marqué l’année, dans le monde médiatique, c’est la mise en place du comité de suivi des Etats généraux de la presse. Après des travaux pilotés par le ministère de la Communication, les 30 et 31 août 2012 à Yamoussoukro, le ministère de tutelle, pour une célérité dans l’application des résolutions, a cru bon de mettre en place un comité de suivi. C’est ainsi qu’en septembre dernier, ce comité a été installé. Et les conclusions de ses travaux suscitent beaucoup d’espoir dans leur mise en application.
 
Dans le domaine audiovisuel, c’est la nomination du nouveau Directeur général de la RTI (Radiodiffusion Télévision Ivoirienne), en l’occurrence, Ahmadou Bakayoko, en remplacement d’Aka Sayé Lazare qui est l’élément majeur. Avec le changement de commandement à la tête de ce médium d’Etat, les téléspectateurs disent percevoir « des soupçons de changements».

Même si les émissions de débats, les journaux télévisés laudateurs sur les actions gouvernementales restent de mise, il faut noter que les Ivoiriens reprennent langue avec leur télévision. Justement dans ce domaine, la libéralisation et le basculement à la Télévision numérique terrestre restent des visées à court terme.

Quelques tâches noires
 
L’année 2013, si elle a connu quelques événements marquants qui portent à croire que l’espoir est permis, il y a eu, des événements que l’on peut relever au nombre de tâches noires.
C’est-à-dire des activités qui ont assombri cette marche des médias en Côte d’Ivoire. Au nombre de ces événements, l’on note l’assassinat, en novembre dernier à son domicile par des quidams, de Désiré Oué, Rédacteur en chef de « Tomorrow Magazine ». Outre ce crime, il faut noter, en novembre dernier, l’enlèvement de Dieusmonde Tadé du « Nouveau Réveil » par des inconnus à Cocody-Les Deux Plateaux, avant d’être abandonné dans la broussaille sur l’autoroute du nord plusieurs heures plus tard.
 
Déjà, en août dernier, des vandales cambriolaient les locaux du CNP. Entrés par effraction dans les locaux de l’organe de régulation, les voyous se sont attaqués aux points névralgiques de cette institution qui, dans sa politique d’assainissement des médias, avait sanctionné plusieurs entreprises de presse qui exerçaient sans tenir compte de la loi régissant le milieu des médias.
Ils ont réussi à emporter outre l’ordinateur du Président de l’institution, Raphaël Lakpé, mais également ceux de la salle de documentation et de la presse. Lieu de conservation de précieux documents du CNP.
 
Bien avant, il faut noter les braquages, le 14 février dernier précisément, des journalistes Jean-Antoine Doudou du Patriote et Koné Saydoo de l’Intelligent d’Abidjan. Au sortir du vernissage d’une exposition d’arts plastiques à la Galerie Donwahi à Cocody-Les Deux Plateaux, les deux journalistes ont été, sous la menace de bâillonnâtes, embarqués de force par des individus en treillis, à bord d’un taxi.

Séquestrés, promenés à travers des rues de ce quartier, avant d’être délestés de tout: ordinateurs portables, téléphones, dictaphones, appareils photos numériques et bien d’autres documents précieux ... A cela s’ajoute, quelques semaines plus tard, le braquage des confrères Issa Yéo et Landry Kouhon, tous deux, de Fraternité Matin.
 
L’autre point de l’espoir déçu du monde des médias, c’est la non application entière de la convention collective de la presse. C’est en février 2008 que la première mouture de cette convention a été paraphée entre le Groupement des éditeurs de la presse en Côte d’Ivoire (GEPCI) présidé à cette époque par M Dénis Kah Zion et Guillaume Gbato, SG du Syndicat National des agents de la presse privée de Côte d’Ivoire (Synappci).

Depuis lors, c’est à tatillon que le dossier de l’application entière de cet accord avance. L’année 2013 était considérée comme celle de l’entrée en vigueur de cette convention. Mais, de turpitudes en turpitudes, les journalistes et autres professionnels de la Communication qui pensaient sortir du ghetto salarial doivent attendre encore.

Le temps que les chefs des entreprises de presse qui disent attendre « un geste significatif de l’Etat » soient d’accord pour l’appliquer. Pendant ce temps, plus les années passent, plus les points d’accord de la valeur de 1800 deviennent caducs. C’est dans ce lapse de temps que le Gepci fait un plaidoyer pour obtenir six mois d’impression et fonde tout son espoir sur la réaction du Président de la République.
 
En somme, au-delà de ces quelques points sombres, il faut relever que la marche des médias vers la professionnalisation et la viabilité des entreprises auxquelles ces journaux sont adossés est perceptible. La presse ivoirienne, comme le souhaite le Chef de l’Etat, ne doit pas rater le coche de la marche de la Côte d’Ivoire vers son émergence à l’horizon 2020.

Et il l’a souligné lors de la cérémonie de présentation de v?ux de la presse en janvier dernier : « Le gouvernement, pour sa part, continuera de soutenir toutes les actions visant à l’amélioration des conditions de vie et de travail des journalistes et des professionnels de la communication. Nous continuerons aussi de favoriser les initiatives pour renforcer la liberté d’expression notamment en apportant notre soutien aux associations de presse et de medias».
 
A entendre ces propos, il est clair que le meilleur reste encore à venir pour les médias en Côte d’Ivoire. Surtout que la volonté politique y est. Mais, tous les acteurs et observateurs de la presse sont confiants et espèrent que l’an 2014 qui pointe à l’horizon ne passera pas sans que les sujets et autres dossiers qui conduiront à la viabilité et à la professionnalisation de la presse n’aient eu d’issue heureuse. Car l’espoir fait vivre et l’espoir est permis.
 
Jean-Antoine Doudou