Dadis Camara peut-il rentrer en Guinée ?

  • 15/06/2017
  • Source : latribune.fr
De sa tentative d'assassinat à son transfert au Burkina-Faso en passant par ses retours avortés en Guinée : depuis 2009, la vie de Moussa Dadis Camara n'a pas été un long fleuve tranquille. Peu après la retentissante arrestation de Toumba Diakité, il se dit prêt à répondre à la justice guinéenne mais la convocation se fait attendre. Quels enjeux recouvrent le retour de Dadis Camara ?

A la suite des massacres perpétrés par la garde présidentielle le 28 septembre 2009, dans le stade de Conakry, où plus de 157 personnes ont perdu la vie selon les Nations Unies, Moussa Dadis Camara devient indésirable aux yeux de la communauté internationale. Ce n'est qu'à l'intervention du président sénégalais Abdoulaye Wade, qu'il échappe in extremis à une intervention militaire organisée par la CEDEAO en octobre 2009. Aussi, sa tentative d'assassinat du 3 Décembre 2009 par son ancien aide de camp Toumba Diakité, est l'occasion opportune pour l'écarter durablement du pouvoir. Comme le révèlent le câbles de WikiLeaks « il serait mieux pour la Guinée qu'il ne rentre pas dans son pays » selon Patricia Moller, ambassadrice des Etats-Unis à Conakry, dans un télégramme diplomatique relayé par Le Monde du 9 décembre 2010.

Touché par balle à la tête à deux reprises, Dadis Camara est hospitalisé au Maroc. Malgré les pressions exercées par Paris et Washington, le royaume chérifien décide de le transférer au Burkina Faso, le 12 janvier 2010. Médiateur dans la crise guinéenne d'une part et proche de son homologue guinéen d'autre part, le président burkinabè Blaise Compaoré, accepte d'accueillir le général. Toutefois, il « ne sera mis au courant que peu de temps avant (son) arrivée». Dadis Camara était bien le seul à penser qu'il regagnerait la Guinée. Le 15 janvier 2010, les Accords de Ouagadougou entérinent la destitution de Moussa Dadis Camara. L'intérim est assuré par le général Konaté, en charge d'organiser des élections libres et transparentes.

Une popularité qui ne faiblit pas

C'est dans le quartier de « Ouaga 2.000 » que Dadis Camara réside depuis 2010. Ayant renoncé à sa solde de l'armée lorsqu'il arrive au pouvoir, et dépourvu du statut d'ancien Président, il subsiste grâce aux deniers burkinabè et change de vie. Le 22 août 2010, il se convertit au christianisme à l'Eglise Notre-Dame des Apôtres de la Patte d'Oie. Son mariage avec Jeanne Saba est célébré le soir même, en présence du ministre de la Jeunesse et de l'Emploi, Justin Koutaba et de Maria Goretti Sawadogo, juge constitutionnelle burkinabè.

En avril 2011, profitant d'un déplacement chez Blaise Compaoré avec lequel il a tissé des liens ténus au fil des années, Alpha Condé rencontre Dadis Camara. La popularité du général ne faiblit pas.

En Guinée forestière, les femmes lui manifestent un soutien appuyé, en organisant plusieurs « happening ». Le départ de Blaise Compaoré fin octobre 2014, fragilise le pays des hommes intègres et Dadis, incertain de son avenir burkinabè et las de son exil, saisit l'occasion pour chercher à peser sur l'échiquier politique guinéen. A l'approche des présidentielles d'octobre 2015, tous les regards se tournent vers Ouagadougou...

En dépit d'un passage éclair sous contrôle burkinabè - comme en témoigne la présence du Général Gilbert Diendéré - aux funérailles de sa mère en avril 2013, Dadis est ostracisé hors des frontières nationales. Cependant, selon une étude sur la réconciliation nationale et la justice transitionnelle, réalisée en mai 2013 par l'ONG guinéenne AGSP et conduite à Conakry à travers un panel de 1.950 personnes, Dadis reste très populaire. A la question des « réalisations » des anciens présidents : Dadis Camara recueille 15,9% des suffrages devant Alpha Condé (5,4%)...