Le nouvel homme fort du Zimbabwe est de retour au pays. Emmerson Mnangagwa, qui est appelé à succéder à Robert Mugabé, aura fait durer le suspense ce mercredi 22 novembre à Harare. Les responsables de la Zanu-PF auront même joué au chat et à la souris avec les Zimbabwéens qui souhaitaient accueillir leur futur président de transition, en donnant des informations erronées sur l'heure et le lieu de son arrivée.
Après une journée entière d’attente, Emmerson Mnangagwa a effectué un retour discret. Ce n'est qu'en fin de journée qu'il est apparu en public. Ses partisans l’attendaient à l’aéroport ce mercredi midi, mais les militaires les ont évacués, leur demandant de retourner dans le centre-ville, au quartier général du parti au pouvoir, la Zanu-PF.
Le nouvel homme fort du Zimbabwe est arrivé quelques heures plus tard, s’adressant à la foule entouré d’une dizaine de gardes du corps, certains positionnés devant lui, signe d’une inquiétude toujours vive quant à sa sécurité. L'ex-vice président avait fui il y a deux semaines juste après avoir été limogé par Robert Mugabe, disant craindre pour sa vie.
« Aujourd’hui, nous voyons naître une nouvelle démocratie »
Emmerson Mnangagwa a été accueilli par des réactions de joie à son arrivée et pendant son discours, même si seulement quelque 500 personnes au maximum étaient présentes devant le quartier général de la Zanu-PF. Une faible affluence qui s’explique notamment par les longues heures d’attente à l’aéroport qui ont fini par décourager de nombreux sympathisants.
« Aujourd’hui, nous voyons naître une nouvelle démocratie », a-t-il lancé à la foule, vilipendant « ceux qui depuis deux semaines tentent de faire dérailler le processus constitutionnel ». « La volonté du peuple vaincra toujours », a-t-il ajouté.
Mnangawa est notamment revenu sur l'économie du pays, alors que l'activité tourne au ralenti, l'argent manque et le chômage frappe 90% de la population. « J'en appelle à tous les Zimbabwéens patriotiques de se rassembler, de travailler ensemble. Personne n'est plus important que l'autre. Nous sommes tous Zimbabwéens. Nous voulons développer notre économie. Nous voulons la paix dans notre pays. Et nous voulons du travail, du travail ! », a-t-il lancé.
Dans la foule, beaucoup de jeunes, membres de la Zanu-PF, qui voit en lui le changement. « Donnons lui une chance, réagit une Zimbabwéenne. Nous espérons qu'il fera une différence, si ce n'est pas le cas et bien nous pourrons toujours le limoger, comme nous l'avons fait avec Robert Mugabe. »
« Je pense que l'on doit le soutenir à 100 %, estime un homme. C'est l'homme de la situation. Cela fait longtemps qu'il est en politique, il a de bonnes relations avec tout le monde. D'une certaine façon c'est un visionnaire à sa façon. »
Des élections en 2018 ?
Pour le MDC, le principal parti d'opposition, la transition qui s'annonce doit s'attacher à organiser des élections dès juillet prochain, comme le prévoit la Constitution. Le Mouvement pour le changement démocratique voudrait que cette transition soit dirigée par un « mécanisme inclusif » qui reste à déterminer.
« Le MDC n'a pas participé au renversement de Mugabe pour la beauté du geste, explique Douglas Mwonzora, le secrétaire général du Mouvement pour le changement démocratique. Nous voulons changer le système. C'est pour cela que nous voulons un mécanisme de transition pour faire deux choses : d'abord, mettre un terme au déclin économique du Zimbabwe qui se poursuit. Ensuite, préparer le terrain à des élections libres et transparentes. Quand je parle d'un mécanisme de transition, je ne pense pas forcément à un gouvernement de transition. Il pourrait s'agir d'un comité, un comité inclusif, pour discuter des sujets qui s'imposent. Mais cette instance devra avoir assez d'autorité et être assez neutre pour chapeauter les élections de 2018. »
« Il ne nous appartient pas de décider qui sera le nouveau président. En vertu de la Constitution, il revient à la Zanu-PF de le désigner. Nous ne sommes pas le parti au pouvoir. Nous ne soutenons personne de la Zanu-PF, mais nous leur reconnaissons le droit de désigner le chef d'Etat et nous allons respecter M. Mnangagwa en tant que chef d'Etat, affirme Douglas Mwonzora, secrétaire général du MDC. Mais nous sommes ses opposants. Nous sommes le MDC. Nous ne sommes pas la Zanu-PF. Nous attendons des élections libres et transparentes pour élire un président qui soit aimé du peuple. »
Et pour cela, le MDC voudrait qu'elles soient organisées sous l'égide de la communauté internationale. « Nous voulons que les forces de sécurité, l'armée et la police, nous donnent l'assurance dès maintenant qu'elles mettront un terme à toute forme de violence et d'intimidation,insiste Douglas Mwonzora. Et nous voulons qu'elles nous expliquent comment elles ont l'intention de prévenir toute forme de violence et d'intimidation avant les élections de 2018. Nous voulons que l'armée n'ait rien à voir avec les élections. Les militaires ont fini leur boulot. Nous voulons qu'ils retournent dans leurs casernes. Ils ne doivent en aucun cas se mêler au processus électoral. Et nous demandons à communauté internationale de s'en assurer. Nous voulons que ce processus électoral soit chapeauté par les Nations unies, la SADC et l'Union africaine, parce que, sans ce regard de la communauté internationale, nous craignons que l'armée soutienne la Zanu-PF comme elle l'a toujours fait. C'est pour cela que nous voulons une autorité indépendante pour encadrer le processus électoral. »
L'espoir des classes populaires
Alors qu'une page se tourne, les attentes des classes populaires sont immenses. Elles veulent croire qu’un nouveau pouvoir ramènera les investisseurs dans le pays, et que des prêts pourront être accordés plus facilement au Zimbabwe.
L'ancien vice-président zimbabwéen et nouvel homme fort du pays Emmerson Mnangagwa a tenu un discours à Harare à son retour d'exil, le 22 novembre 2017. © REUTERS/Mike Hutchings