Aéro-Canal, un quartier de fortune, aux alentours de l’aéroport d’Abidjan était jeudi le théâtre d’une opération de déguerpissement des habitants, sommés de quitter les lieux, suite au décès d’un adolescent ivoirien, trouvé mort dans le puits d’atterrissage d’un vol reliant Abidjan-Paris, le 7 janvier 2020.
Sous des décombres, des hommes et des femmes tentaient, en début d’après-midi de récupérer des restes et des objets de valeurs ensevelis après le passage de deux Caterpillars, qui ont rasé le quartier crée ex nihilo par des communautés étrangères et autochtones.
Pour empêcher des grabuges, des forces de l’ordre ont été déployées sur les voies d’accès du quartier et à Aéro-Canal à 5 h GMT (heure locale), selon des témoins. Impuissants, ces habitants, observaient leurs constructions détruites par les fourches des Caterpillars.
Jacques Dindané, un fermier, qui conserve son vélo, son moyen de déplacement, affiche un air désabusé. Ce jeune chef de famille et père de sept enfants a vu sa maison cassée. Il s’inquiète pour ceux qui vont à l’école, mais la présence des gendarmes sur les lieux l’oblige à se déporter.
Assis au coin d’un banc, Dominique Ban (40 ans), éleveur de porcs, depuis deux ans, vêtu d’un débarder blanc et un jean bleu, réfléchit où aménager pour mettre en sûreté ses bêtes. Son investissement entamé avec 300 000 Fcfa, prend un coup dans l’aile.
Plus de 100 porcs, dit-il, se sont évadés dans la nature. Ses bêtes et celles de certains éleveurs sont introuvables. En dépit de leur plaidoirie, un pan du mur de l’enclos a été ouvert par les engins qui depuis 7h, effectuaient le déguerpissement des bâtisses. Dominique a perdu huit porcs sur 15 bêtes.
« On n’a plus de lieu où partir », lance Hamidou Koudougou (70 ans), un jardinier, qui avec ses deux femmes et neuf enfants, se dit surpris de ce décor parce que des négociations devraient permettre de « casser 50 mètres et dans 45 jours étendre l’opération ».
Sur ses cinq enfants qui vont à l’école, trois sont au collège. Cette nuit, il ne sait où passer la soirée avec cette nombreuse famille. Arrivée au niveau de son habitation en bois, la machine a connu une panne, un brin d’espoir qui se présente à lui, s’il devrait rester quelques heures dans ce logis.
Du côté d’Adjouffou, un autre quartier à proximité de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, des mises en demeures ont été faites aux habitants. La présence des forces de l’ordre, dépêchées sur les lieux ce jour sonne comme un ultimatum.
Ici, les habitants situés dans un rayon de plus de 50 mètres commencent à quitter les lieux. Serge Nguessan (24 ans), élève en classe de terminale, et des voisins déménagent leurs affaires et décoiffent leurs habitations de fortunes.
« On n’a nulle part où aller en ce moment, on est déjà sous le choc », affirme Serge qui s’interroge sur la probabilité de son succès au BAC cette année. Francis Kablan, un doyen du quartier, né vers 1960, présent sur ce sol depuis des décennies, demande aux autorités de faire un effort pour les « sauver ».
L’opération de déguerpissement des populations des alentours de l’aéroport d’Abidjan prévue mercredi 15 janvier a été reportée au lundi 20 janvier 2020, selon une note de la direction de la communication de la mairie de Port-Bouët (Sud d'Abidjan), cité abritant l'aéroport Félix Houphouët-Boigny.
Ce déguerpissement qui devrait débuter dès le lundi 20 janvier devrait s’étendre sur une « durée d’une semaine et partir de la zone Aéro-canal jusqu’à Kamboukro », ainsi que « de la clôture de l’aéroport jusqu’à 50m du côté d’Adjouffou ».
Un délai de 45 jours à partir du même lundi 20 janvier devrait être accordé aux populations pour la deuxième phase de déguerpissement.
Le déguerpissement des populations autour de l’aéroport, a été annoncé par le ministre des Transports, intervient après la mort d’un adolescent ivoirien sur un vol d’Air France. Il a été retrouvé sans vie à l’aéroport de Roisy dans le puits du train d’atterrissage de l’appareil reliant Abidjan-Paris.
AP/ls/APA
Début du déguerpissement des habitants aux alentours de l’aéroport d’Abidjan