Il réapparaît sur la scène médiatique par une interview à polémique dans l’hebdomadaire Jeune Afrique début juin 2017. Comme Guillaume le conquérant, Soro Guillaume ne s’arrête plus. Ce 11 juillet 2017, il est élu vice-président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Ses hommes et ses réseaux s’activent. A une vitesse vertigineuse. Jusqu’où ?
Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale (PAN) ivoirienne pose davantage ses jalons dans la vie politique. S’il ne l’annonce pas officiellement, l’opinion est convaincu qu’il a dans le viseur, la présidentielle de 2020. Il occupe le terrain, les réseaux sociaux et les médias, avec un enchevêtrement de réseaux biens huilés. Décryptage.
Les SORO-philes
En tête d’affiche, Guillaume Soro himself. Il multiplie les rencontres, aime se mettre en scène sur les réseaux sociaux et surtout, depuis quelques temps, se raconter. Dans un récit quotidien auto-diégétique sur sa page Facebook, il conte et raconte le paradis et l’envers de son enfance. Son récit tente d’attirer la sympathie. On y décèle un « monsieur tout le monde ». Dr Paul Agoubly, professeur de littérature à l’université Félix Houphouët- Boigny analyse le récit du PAN : « Par ce choix énonciatif, il se rapproche des gens. Il établit une proximité telle que les résultats s’en ressentent », commente l’enseignant-chercheur interrogé par PoleAfrique.info.
Vient ensuite l’activisme politique affiché par ses soutiens, notamment à travers deux derniers nés des mouvements de soutien.
L’Union des soroïstes (UDS) conduite par Marc Ouattara est la plus en vue après sa sortie officielle le samedi 8 juillet dernier dans un hôtel à Abidjan devant des personnalités proches de Guillaume Soro.
Il faut aussi compter avec le député Alain Lobognon, le « twitto » de la réconciliation. Il conduit « l’Alliance du 3 avril 2017 ». Ce mouvement qui regroupe des députés se réclame proche du PAN et entend agir pour la réconciliation dans le pays.
Il faut également noter les intellectuels acquis à sa cause, le réseau de cyberactivistes et autres associations qui inondent la toile et les médias en vantant les mérites de leur champion.
Les SORO-compassionnels
Ce sont ceux qui sont partis et revenus. La plus en vue est l’ex-ministre de la Communication, Affoussiata Bamba Lamine. Son invitation à la mobilisation, à l’occasion du récent anniversaire de l’attentat du fokker 100, la remet en scelle. Elle avait gardé le silence depuis son éviction du gouvernement et sa défaite aux législatives face à Yasmina Ouégnin dans la circonscription de Cocody.
On classe parmi les SORO-compassionnels, également, ceux qui misent sans véritablement miser. Les « on ne sait jamais ». Des observateurs veulent qu’on y inclut Henri Konan Bédié, lequel avait proclamé « Soro est mon protégé ». En acceptant de recevoir par deux fois à Paris le PAN, il lui donne une certaine légitimité, analyse-t-on.
Les SORO-compatibles
Cette catégorie s’exprime autour de l’appel à la réconciliation. La Soro-compatibilité trouve écho auprès de certains caciques de l’ancien pouvoir d’Abidjan, individuellement contactés ou des figures intellectuelles en disgrâce avec les autorités actuelles. Ce sont, entre autres, Toussaint Alain, ancien conseiller de Laurent Gbagbo ou encore l’écrivain Tirbuce Koffi.
La SORO-compatibilité ne fait pas l’unanimité au sein de l’opposition politique. Si en privé, Soro rêve de rencontrer Abou Drahamane Sangaré, chef de fil des inconditionnels de Laurent Gbagbo, dans la pratique, la tâche n’est pas aisée. Selon nos informations, les proches de Sangaré lui déconseillent d’accepter une telle rencontre. « Nous ne voulons pas intervenir dans la crise interne au RDR. Le FPI est une alternative crédible pour les Ivoiriens et doit la rester. Pas question en ce moment de s’afficher avec Soro. Nos militants nous en voudraient », confie une ponte de la tendance Sangaré.
L’internationale SORO-intéressée
Elle désigne les réseaux internationaux favorables à la SORO-existence. En ligne de mire, le Mouvement « La République en Marche »(LAREM) du nouveau président Français, Emmanuel Macron. GSK prend part à la première Convention du mouvement politique français le 8 juillet 2017 à Paris. Un mois plutôt, il reçoit en Côte d’Ivoire, une visite de courtoisie de M. M’jid El Guerrab, candidat LAREM aux Législatives françaises. Une rencontre, hier, avec le SG de l’Elysée est évoquée dans l’entourage de l’ancien Premier ministre ivoirien.
Bien avant, fraîchement élu pour son premier mandat parlementaire, il enclenche une « diplomatie parlementaire » active. Son élection à la vice-présidence de l’Assemblée nationale parlementaire de la Francophonie en est un résultat éloquent.
Ce 11 juillet, on considère que la détente entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso s’étend au locataire du parlement, après l’affaire des écoutes téléphoniques. Un entretien de deux heures a lieu entre lui et son homologue burkinabé Salifou Diallo. Soro rencontre ensuite Xavier Bettel, Chef du gouvernement luxembourgeois. Des rencontres dont ses proches s’en enorgueillissent sur la toile.
L’avis des spécialistes
On le voit, Soro pose des pas décisfs dans toutes les sphères de la vie politique en Côte d’Ivoire, et dévoile ses circuits internationaux. Il agit comme pour se retrouver dans une position médiane dans le débat politique. Il se centralise, se « macronise » pour ainsi dire.
Pour le journaliste ivoirien Sylvain Namoya, la démarche SORO s’inscrit dans le jeu des alliances. « C’est le jeu des alliances qui se constitue. On a connu la gauche dite démocratique dans les années 90, puis Laurent Gbagbo s’est désolidarisé de ses camarades pour se présenter seul devant Houphouët en 1990. Depuis les alliances se font et se défont. Il y a eu le front patriotique FPI-PDCI contre le RDR, ensuite le front républicain RDR et FPI contre le PDCI et récemment le RHDP : RDR, PDCI puis Forces Nouvelles de Soro contre Gbagbo. Ce qu’on voit venir ressemble à du Bédié, Soro et FPI tendance Sangaré contre le RDR », analyse le journaliste.
Auprès des sympathisants du RDR, le parti d’Alassane Ouattara, on est convaincu être à la veille d’un parricide. Réagissant à la création de l’UDS, Koné Sidi Mohamed, le départemental RDR de Koumassi suggère de mettre de l’ordre « Il faut que les cadres fassent bloc autour de Alassane Ouattara pour l’aider à tirer la Côte d’Ivoire vers l’émergence. Il ne faut pas que les ambitions personnelles ramènent la Côte d’Ivoire 20 ans en arrière. Les ivoiriens ne l’accepteront pas », tance-t-il la SORO-sphère dans le Patriote de ce mardi 11 juillet. « Soro veut faire la courte échelle à ses doyens. Il se compare à Macron. Il oublie que Macron est dans son temps. Lui Soro doit encore attendre. On le regarde faire pour le moment. Mais on n’a pas encore dit le dernier mot », s’indigne un proche d’Alassane Ouattara joint par PoleAfrique.info.
Si l’organigramme de Soro semble huilé, son probable programme de gouvernance, lui, n’est pas connu. Soro devra aussi convaincre ceux de l’opposition qui estiment qu’ « il ne fait rien de concret pour libérer les prisonniers proches de Laurent Gbagbo en proclamant la réconciliation». Si la rébellion assumée de 2002 a réglé une injustice selon ses instigateurs, des Ivoiriens estiment qu’elle a aussi déréglé. Soro devra dealer avec les mécontents pour mieux être en marche.
Nesmon De Laure
Décryptage / Côte d’Ivoire, la SORO-sphère se met en marche, ses hommes et ses réseaux