Ce n’est plus un secret. L’ancien leader des « jeunes patriotes », Charles Blé Goudé, est sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par la Cour pénale internationale (CPI). Ce mandat qui date de décembre 2011, soit bientôt deux ans, a été rendu public le 1er octobre par le bureau du procureur Fatou Bensouda. Peu avant, c’est le ministre ivoirien de la Justice, Gnénema Coulibaly, qui l’avait annoncé avant d’être recadré par le porte-parole du gouvernement qui parlait plutôt d’une bourde.
C’est donc désormais clair. L’ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo est poursuivi pour « meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains » commis lors de la crise post-électorale de 2010 qui avait mis la Côte d’Ivoire sens dessus dessous. Ce n’est que justice. L’histoire a fini par rattraper celui-là que l’on avait surnommé le Général de la rue et qui, au temps fort de sa gloire, se croyait l’alpha et l’oméga de tout en Côte d’Ivoire. Charles Blé Goudé, pour ainsi dire, ne jurait que par son mentor Laurent Gbagbo, tant il était prêt à tout pour le défendre.
On se rappelle encore son tristement célèbre article 125 (entendez 100 F d’essence et 25 F d’allumettes), qui a causé trop de dégâts en Côte d’Ivoire sous le règne de Gbagbo. Ce serait un exercice fastidieux de vouloir inventorier les cas de destruction de biens privés commis par Charles Blé Goudé et sa bande qui, mus par une haine aveugle, n’épargnaient ni étrangers ni autochtones.
Alors que fera donc le président Ouattara ? Va-t-il l’extrader à La Haye ou va-t-il le juger en Côte d’Ivoire ? That is the question. Entre deux maux, il faut choisir le moindre. Ce serait une grave erreur politique que de vouloir juger un homme comme Charles Blé Goudé en Côte d’Ivoire, ce d’autant que cela pourrait provoquer un véritable chahut homérique à même de compromettre le fragile processus de réconciliation en cours.
Le fait même d’avoir gardé jusque-là Blé Goudé dans un endroit tenu secret est la preuve que l’homme continue de jouir d’une grande considération dans beaucoup de milieux ivoiriens et que son jugement sur le sol ivoirien peut provoquer de grands remous sociaux aux conséquences difficilement mesurables. Il faut donc extrader Charles Blé Goudé pour qu’il réponde, aux côtés de son maître Gbabgo, des faits qui lui sont reprochés. Dans le cas contraire, ce serait une manière de se fourrer le doigt dans l’œil puisque, quel que soit le verdict qui sera prononcé à l’encontre de Blé Goudé, on ne manquera pas de ressortir l’antienne de la « justice des vainqueurs ».
En tout cas, le cas Blé Goudé constitue un véritable casse-tête pour le président Ouattara qui, on le sait, fait preuve d’une grande prudence dans le traitement judiciaire des dossiers consécutifs à la crise post-électorale qu’a connue la Côte d’Ivoire. Une prudence d’autant plus justifiée que le traitement de ce dossier peut impacter, dans un sens ou l’autre la nouvelle dynamique de la réconciliation nationale. Car, transférer Blé Goudé suppose que Ouattara en fera autant le jour où la CPI en viendrait à demander la tête d’un membre de son camp.
C’est d’ailleurs l’une des raisons qui expliquera le refus du pouvoir ivoirien de transférer l’ex-première dame, Simone Gbagbo, dont la CPI, depuis des lustres, réclame la tête. Cela participe d’une stratégie politique visant à laver le linge sale en famille et ce après avoir mis hors d’état de nuire l’ancien président Laurent Gbagbo dont l’audience de confirmation des charges aura lieu, en principe, le 9 octobre prochain.
Boundi OUOBA
Demande d’extradition de Blé Goudé: un casse-tête pour ADO - Photo à titre d'illustration