L’ex-maire du Plateau et Secrétaire exécutif du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) chargé de l’organisation et de la mobilisation, Noël Akossi Bendjo, s’est montré sans pitié pour le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, dans une récente interview réalisée par Sud Radio, en France où il est exil.
Est-ce que c’est à la France d’assurer la sécurité du Sahel, 60 ans après l’indépendance de l’immense majorité de l’Afrique ?
Akossi Bendjo : L’idéal aurait été que les Africains, eux-mêmes, prennent leurs responsabilités, ne serait-ce qu’au niveau de l’Union africaine. Malheureusement, on a assisté à la déroute des Forces régionales suite à la descente des djihadistes. Donc, je pense que dans le cadre de tout ce que nous vivons en ce qui concerne le terrorisme, il est important que le problème de sécurité soit un problème qui soit pris en charge par l’ensemble de la communauté internationale.
Ce qui est surprenant pour les Français, c’est maintenant qu’il y a des manifestations notamment au Mali, où on dit les Français dehors. Comment expliquer la montée de ce sentiment anti-français, alors que les Français sont là-bas pour protéger les populations des djihadistes ?
Les Maliens étaient heureux. Ils l’ont manifesté à Hollande. Malheureusement, au fur et à mesure qu’on avance, on se rend compte que le problème du terrorisme demeure. Les gens sont soucieux de voir des solutions efficaces mises en œuvre. C’est la raison pour laquelle nous, en tant que politiques africains, nous sommes heureux de ce qui s’est passé à Pau. Puisque des décisions ont été prises, qui ont d’abord confirmé la nécessité de la France de rester pour aider les Africains à prendre le dessus sur les terroristes. La deuxième des choses, c’est quand même la nécessité de concentrer les efforts sur trois pays : le Mali, le Burkina et le Niger. Pour la Côte d’Ivoire, c’est bien parce qu’on a la même frontière. C’est heureux de se concentrer pour arrêter la descente des djihadistes. Il y a quand même deux ou trois choses qui ont été introduites. C’est surtout la nécessité de ramener toute l’administration. On ne peut pas avoir un pays où il n’y a pas d’administration. C’est important que toutes ces solutions soient trouvées pour qu’après, on s’intéresse au développement de toute cette zone dans l’intérêt des populations. Les populations sont mécontentes tout simplement parce que les solutions n’arrivent pas et elles sont inquiètes. Ce sont des réactions de personnes qui ont peur.
Est-ce que la Françafrique, ça existe toujours ?
La Françafrique exister, c’est trop dire. On a connu les réseaux Foccart, mais ça ne se manifeste plus de cette façon. Il y a une coopération, depuis les indépendances, entre la France et la plupart des pays africains. Je pense que ce qui surprend un peu les Ivoiriens, c’est de voir de quelle façon lorsque des chefs d’État comme Ouattara sont dans une dérive dictatoriale, qu’ils soient adoubés par un président français. Qui va fêter son anniversaire et qui se promène avec quelqu’un qui, logiquement, est en désamour avec son peuple. La France, c’est un pays de droit de l’Homme et Ouattara, c’est rien, vraiment rien de démocratique.
Justement en Côte d’Ivoire, on assiste à un durcissement du régime. Vous vous êtes exilé en France, Guillaume Soro a été contraint à l’exil, le 23 décembre. La France a beaucoup misé sur Ouattara pour rétablir une vraie démocratie. Est-ce que c’est un pari perdu ?
C’est un pari perdu. Nous tous, puisque je suis du Pdci, nous avons pensé que compte tenu de son profil, de son parcours à la Banque mondiale, c’était un démocrate. Surtout quand on a vécu aux États-Unis. Malheureusement, ce monsieur n’est pas loin de Mobutu. Et cela se manifeste par un recul de tous les acquis démocratiques : la caporalisation des médias d’État, l’instrumentalisation de l’ensemble des institutions au profit d’un homme et de son clan… On ne peut pas se permettre, dans un pays, d’avoir un chef d’État venu de la Banque mondiale, avoir un comportement aussi rétrograde. C’est quelque chose pour laquelle nous nous battons et nous espérons que le plus tôt possible, les Ivoiriens vont se débarrasser de ce dictateur...
Akossi Bendjo n’a pas été tendre avec le chef de l’Etat ivoirien.