Assise sous un cocotier, Fatou, un agent recenseur affirme subir des « agressions verbales » de certaines personnes résidentes à Marcory (Sud Abidjan), qui à l’appel de leur parti politique, « refusent » de se faire enrôler en dépit de la prorogation du recensement de la population.
Sur le terrain, les agents recenseurs rencontrent beaucoup de difficultés. « Je suis rentrée dans une cour de vingt ménages et j’étais en train de numéroter les portes, le temps que je finisse, les gens ont effacé après moi », raconte Fatou quelque peu dépitée.
« Je suis venue pour recommencer la numérotation et il y a un monsieur qui est sorti pour me menacer : Madame, c’est votre maison ? Tout à l’heure vous avez écrit et vous revenez écrire encore », alors « j’étais obligée de laisser », dit-elle.
Les gens « ne veulent pas se faire recenser » parce qu’ils « politisent la chose », et d’autres clament même que le Front populaire ivoirien (Fpi, opposition), le parti de l’ancien chef d’Etat Laurent Gbagbo, a appelé à « ne pas se faire recenser », affirme-t-elle.
Dans une liste de populations estimées, « j’ai au moins 1.045 personnes à recenser, dont sept îlots, j’ai déjà recensé cinq îlots, mais je n’ai pas encore atteint 200 personnes » après plus d’un mois, confie Fatou, ajoutant « la nuit, c’est encore pire », parce que certains estiment qu’on les poursuit.
Visiblement déçue, elle ne cache pas avoir marqué sur sa fiche de recensement quelques 200 refus sur 1.045 personnes à enrôler, tout en faisant observer que « quand on demande l’ethnie, certains disent sortez madame », insinuant qu’il fut un moment où elle a failli abandonner.
Dans le périmètre, une femme de la cinquantaine, cheveux grisonnant, qui observe les gestes des clients dans une buvette de fortune, dont des pailles servent de toitures, laisse entendre ne pas être intéressée par le recensement général de la population et de l’habitat.
« D’après eux, ils sont passés ici » pour le recensement, mais « un pays comme la Côte d’Ivoire, on peut connaître combien de personnes » y vivent avec des frontières poreuses, « ce sont des conneries », lance la quinquagénaire, sous couvert de l’anonymat.
« Pour qu’un pays aille au recensement, il faut que les populations soient à l’aise, on ne peut même pas manger » parce que « le marché est devenu cher », estime-elle, insistant que « tout est cher ».
Francis, un gendre de la quinquagénaire, trouve que c’est plutôt « un acte citoyen », car cela permet de savoir le nombre de personnes qui vivent dans la communauté, cependant la campagne de proximité devrait être renforcée.
« II ne suffit pas seulement de proroger l’opération, mais de voir dans quel sens orienter la communication parce que les spots qui passent à la télévision, c’est juste pour amener les gens à ne pas boycotter le recensement ».
De retour à la maison, dans le sous-quartier « Sicogi », Chérif Nabintou, un autre agent recenseur, tente de se mettre quelque chose sous la dent. La mi-journée n’a pas été aussi fructueuse comme attendue parce que « les gens refusent de se faire recenser » dans sa zone.
« J’ai l’impression » que les populations trouvent que le recensement est « politisé » et « ce sont les pro-Gbagbo qui refusent de se faire recenser », tout en soutenant qu’ »ils ne sont pas concernés » et « quand tu insistes, ils te disent que ce n’est pas forcé », alors « je mets devant leur nom refus et je passe », avoue Nabintou.
En plus de ces difficultés, Nabintou note que les téléphones « smartphone », remis pour l’opération « ne peuvent même pas enregistrer deux ménages par jour, donc il faut des questionnaires ménages » qu’elle réutilise après avoir gommé les mentions.
Pour elle, la « prorogation est bien venue », mais l’Institut national des statistiques, en charge du recensement de la population et de l’habitat devrait « revoir » sa stratégie.
Tout à l’heure, le chef d’une famille et son épouse ont « refusé de se faire recenser, c’est leur petit fils, un jeune homme de la trentaine, qui a accepté de se faire recenser sur environ dix personnes », déplore Nabintou.
Concernant ce « prolongement, il faut qu’on signe un deuxième contrat », soutient Nabintou, qui révèle que « pour le premier mois, 20% a été réglé, sur 100.000 Fcfa » et les agents n’ont même « pas encore perçu (leur) prime de transport qui s’élève à 10.000 Fcfa ».
PAL
Des abidjanais « refusent » de se faire enrôler malgré la prorogation du RGPH - Photo à titre d'illustration