Loukimane Camara et Issiaka Fofana ont été convoqués dans le cadre d’enquêtes sur des soupçons de malversations dans des entreprises publiques qu’ils dirigeaient. L’entourage des deux hommes, proches de Guillaume Soro, dénonce des manœuvres d’intimidation.
En l’espace de quelques jours, deux proches de Guillaume Soro ont reçu des convocations de la part de la police économique et financière. Le premier, Loukimane Camara, député de Bouna, est l’ancien directeur général de la Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière (Sicogi). Le second, Issiaka Fofana, ex-directeur général de la Loterie nationale de Côte d’Ivoire (Lonaci), est député de Worodougou (Nord).
Loukimane Camara a été convoqué mercredi 12 septembre à la Direction de la police économique et financière d’Abdijan, mais aucun motif ne figurait sur le document qui lui a été remis. Le député du Rassemblement des républicains (RDR, parti d’Alassane Ouattara) a argué de son immunité parlementaire, refusant de se présenter en personne devant les enquêteurs sans une autorisation préalable du bureau de l’Assemblée nationale.
Onze heures d’audition pour l’ancien patron de la Sicogi
Le lendemain, jeudi 13 septembre, Loukimane Camara a par contre accepté de répondre à une convocation émanant de la Haute autorité pour la bonne gouvernance (HABG). Selon nos sources, l’audition a duré onze heures, au cours desquelles Camara a dû s’expliquer sur une transaction de 600 millions de FCFA (916 000 euros), réalisée lorsqu’il dirigeait la Sicogi.
La somme, destinée au départ à financer un projet immobilier en faveur des militaires, a finalement été utilisée dans une autre opération immobilière, en l’occurrence la construction de la cité ADO de Yopougon. Dans son enquête, la HABG se base sur un audit commandité par le ministère du Budget en 2016, à la suite du limogeage de Camara.
« C’est un faux prétexte », affirme un proche de Loukimane Camara, qui souhaite garder l’anonymat. « L’argent utilisé pour la cité ADO n’a pas été détourné, comme le reconnaît d’ailleurs le rapport du ministère du Budget, appuyé par un autre rapport, celui de l’Inspection générale d’État. Les fonds ont juste été affectés à la réalisation d’un autre projet, avant d’être remboursés. Ce n’est ni une malversation, ni un détournement. C’est un acte ordinaire de gestion, et tout le monde le sait. »
L’ex directeur de la Loterie nationale également dans le viseur
Le dossier pour lequel Issiaka Fofana devait être entendu n’est, en revanche, pas connu. Il n’a pas encore répondu à la convocation de la police économique, pour cause de pré-campagne dans sa circonscription électorale du Worodougou, où il est candidat indépendant contre le représentant officiel du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, mouvance présidentielle). Il est fort probable qu’il adopte une stratégie similaire à celle de Loukimane Camara et refuse d’y répondre personnellement, étant couvert lui aussi par l’immunité parlementaire.
Mais l’ancien directeur de la Loterie nationale devrait recevoir, lui aussi, une convocation de la HABG, face à laquelle il ne pourra cette fois pas brandir son immunité parlementaire, l’instance étant une structure administrative.
Pour les proches des deux hommes – qui restent officiellement membres du RDR -, ces convocations relèvent de l’« intimidation ». Ils soulignent également qu’Issiaka Fofana avait été démis de son poste à la tête de la Lonaci, en juillet 2017, après avoir activement participé à une rencontre de partisans de Guillaume Soro, à Abidjan, au cours de laquelle le président Alassane Ouattara avait été durement critiqué.
« Loukimane Camara et Issiaka Fofana sont deux proches de Guillaume Soro. Ils ne le cachent pas. Ce sont des mesures visant à les faire taire et à faire peur à tous ceux qui seraient tentés de prendre leurs distances vis-à-vis de la mouvance présidentielle », commente un fidèle des deux hommes, sous couvert d’anonymat.
Guillaume Soro, absent du pays depuis un mois, n’a pas encore réagi à la convocation de ses deux fidèles. De même que les autorités.
Deux députés proches de Soro convoqués par la police économique - Photo à titre d'illustration