Le vendredi 17 août 2018, il est 13h 15. La prière précédée d’un sermon vient de prendre fin, à la la mosquée Al Houda Wa salamd’Adjamé-pailler. Aguib Touré, imam principal, en liberté provisoire depuis le 14 août 2018, après avoir été écroué à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) pour des prêches ‘’incitant à la haine, à la discrimination tribale, religieuse et scolaire’’, sort par une petite porte, du côté gauche du lieu de culte. Les fidèles sont encore nombreux à attendre dehors. Il est littéralement envahi. Les uns et les autres sortent leurs téléphones portables pour immortaliser l’instant.
Le guide religieux a du mal à se frayer un chemin pour aller à son véhicule, un 4x4 de couleur verte, stationnée à une vingtaine de mètres, un peu plus haut. Il finit tout de même par y parvenir. Et l’engin prend la direction de son domicile, non loin. Là encore, un nombre impressionnant de fidèles, composé à majorité de femmes, attend. Le salon s’anime. L’imam fait un tour dans sa chambre avant d’en ressortir. Il prend place dans un fauteuil. Après une introduction faite par son adjoint, la parole lui est donnée. Le guide religieux revient sur son sermon à la mosquée, fait pendant une vingtaine de minutes, après avoir remercié les autorités, le président de la République qui l’a fait partir au pèlerinage à la Mecque, ‘’à l’époque’’, des personnes qui de près ou de loin l’ont soutenu en prison, en ces termes:'’‘’ Quand Dieu nous donne des idées, le diable vient nous diviser (…)En réalité, ce que Dieu veut de nous, le jour de la résurrection, c’est de savoir si nous sommes soumis, qu’on soit chrétien ou musulman. Nul n’est au-dessus de la loi mais la parole de Dieu est au-dessus de tout. La parole d’Allah est supérieure à toute parole. Peu importe ce que tu es aujourd’hui, ça finira demain. Les premières personnes à respecter, ce sont les autorités. Cela n’empêche pas la liberté d’expression des uns et des autres. Si on ne nous comprend pas aujourd’hui, on finira par nous comprendre, demain. Le diable a occasionné la division entre nous’’, relève l’imam Aguib Touré, non sans intermèdes de cris louant Dieu et d’ étonnements ‘’Lahila hilala'’.
Par la suite, l’imam lance un appel aux musulmans : ‘’Nous ne devons pas oublier nos frères en prison. Moi, je suis en liberté provisoire, j’ai un pied dedans, un pied dehors, mais j’ai confiance en la justice de mon pays. Ils sont délaissés. Nous devons chercher des avocats pour eux. On a beaucoup de nos frères là-bas. Nous interpellons les autorités. Le jour où le décret d’amnistie a été signé, c’était la joie dans la prison ; mais quand les prisonniers ont appris que ce n’était pas général, la joie est partie. N’oublions pas de prier pour Tariq Ramadan (ndlr, théologien mis en examen en France, depuis le 2 février 2018 pour violet viol sur personne vulnérable) pour qu’il soit libéré. C’est un Oustaz (ndlr, maître), on ne doit pas dire que c’est bien fait pour lui'’. Pour lui, personne ne détient le monopole de la vérité.
Après l’enseignement à son domicile où il ne cesse de recevoir des visiteurs, l’imam Aguib bénit tout le monde. Ce après quoi, il demande que de la nourriture soit servie à ses hôtes, notamment les femmes, une rencontre avec les jeunes étant au menu. Ce qui est fait. Mais individuellement, des ouailles s’inclinent pour lui expliquer des préoccupations suivies de bénédictions qu’elles reçoivent.
Au moment où nous quittions les lieux, peu après 14h, le domicile de l’imam ne désemplissait pas.
Il faut souligner que les fidèles écoutaient le sermon de l’imam adjoint, Djémory Kanté, à la mosquée d’environ 300 m2, non loin de la clôture Est de l’université Nangui Abrogoua (Una), au moment où arrivait l’imam Aguib. Ils étaient nombreux à s’installer dehors, parce que l’intérieur refusait du monde.
En liberté provisoire : L’imam Aguib envahi à Adjamé