Monique Kobri, présidente des victimes de guerre de Côte d’Ivoire et présidente de l’Association d’entraide pour la paix et la réconciliation, s’est confiée à « L’Intelligent d’Abidjan ». Elle aborde tous les sujets, notamment l’absence des femmes dans le processus de réconciliation nationale.
En 2003, vous étiez à la tête d’une association de victimes de guerre dont l’avocate principale était maître Hamza. Peu de temps après vos relations se sont dégradées. Pouvez-vous revenir sur l’origine de ce clash ?
Effectivement en 2002 quand nous sommes venus des zones assiégées, il y a eu un collectif d’avocats composé des maîtres Patricia Hamza, Chrysostome Blessi et Michéline Bamba qui nous ont approché pour nous aider. Leur initiative étant noble, je me suis engagée avec eux pour avoir un soutien juridique. Toutes les victimes malades ou qui étaient en souffrance, ont placé leur espoir sur le collectif. Les litiges entre maître Hamza et moi ont commencé, quand j’ai su qu’elle voulait s’appuyer sur nos souffrances pour s’enrichir. J’ai aussi constaté que ce collectif abusait de notre situation pour se faire de l’argent et une place politique. C’est l’égoïsme qui tue ce pays.
Les femmes ne sont pas les seules victimes, mais vous semblez être plus préoccupée par la gente féminine pourquoi ?
Je suis une femme. Nous subissons toutes les atrocités des conflits et après, nous sommes laissées pour compte. Voyez-vous, les femmes victimes des crises devraient occuper les premières places dans le processus de réconciliation. Malheureusement dans la réconciliation les gens font de la politique. C’est dangereux pour la Côte d’Ivoire.
Il y a la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR) qui a été créée pour réconcilier les Ivoiriens, votre regard sur les actions entreprises par cette structure dirigée par Charles Konan Banny ?
Cette structure a échoué. Dire le contraire c’est mentir. Elle pouvait réussir si elle s’était appuyée sur les victimes. Quelqu’un qui n’a pas été victime que peut-il apporter ? La CDVR n’a rien apporté. Son président Banny écoute trop tout ce que les gens viennent raconter. Or un sage doit avoir le dos large. Il a rejeté des personnes qui se sont saignées pour qu’il réussisse. Moi je prie pour ce pays qui réussira la réconciliation entre ses fils, sans les politiques. Si les Ivoiriens pensent que les politiciens veulent les réconcilier, il n’y aura jamais de réconciliation en Côte d’Ivoire. Ce sont les politiciens qui ne veulent pas de la réconciliation. Cela ne les arrange pas. J’ai toujours dis la vérité aux hommes politiques. Ils sont indifférents aux souffrances des Ivoiriens et c’est dommage.
Pourquoi dites vous cela ?
Après la crise postélectorale, nous avions un centre qu’on louait pour les orphelins de la crise, et comme nous éprouvions des difficultés pour payer le loyer, je suis allée solliciter de l’aide à une autorité de ce pays. J’ai été chassée. C’est un artiste congolais, de passage à Abidjan dont je tais volontairement le nom qui nous est venu en aide. Nous avons par la suite trouvé un centre à Agboville. L’Ivoirien a perdu le sens de la solidarité. Et c’est dangereux.
Il y a quelques jours vous avez annoncé que les femmes démunies de votre organisation recevront une subvention pour qu’elles puissent s’adonner à des activités créatrices de revenus. Où en est-on avec ce projet ?
Nous avons des actions à mener envers les veuves qui ont fui leur village. Le projet est en cours. Pour le réussir, je demande aux Ivoiriens de venir en aide à ces démunies en faisant parler leur cœur, afin de leur permettre d’avoir des ressources pour investir dans les projets de leur choix. Les orphelins de guerre ne doivent pas être délaissés.
Propos recueillis par A.H
Entretien / Monique Kobri, présidente des victimes de guerre de Côte d’Ivoire prend position : ‘‘Il y a des politiciens qui ne veulent pas de la réconciliation’’ - Photo à titre d'illustration