Dur, dur, de se faire établir la Carte nationale d’identité (Cni) lancée depuis quelques semaines par l’Office nationale de l’état civil et de l’identification(Oneci). Il faut le rappeler, depuis la publication des centres d’enrôlement par l’organe en charge de l’opération, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer leurs insuffisances, vu la taille de la population ivoirienne en général, celle des demandeurs mais surtout l’enjeu électoral qui pointe à l’horizon.
Il nous a fallu nous rendre dans certains centres d’enrôlement pour vérifier cette remarque pertinente à la base de la souffrance première des demandeurs. Le 25 février, c’est une foule immense qu’il nous a été donné de voir sous les quelques cinq bâches dressées pour accueillir les demandeurs de la Cni, à la direction de l’Oneci située en face de la Cathédrale St Paul du Plateau. Sur place aux alentours de 10 heures, nous sommes apostrophés par Nadège Dja, une élève venue pour une nouvelle demande. Habitante de la commune de Koumassi, commune qui ne compte qu’un seul centre comme les autres d’ailleurs, elle prend le risque de se déplacer au siège de l’institution, croyant avoir plus de chance de se faire enrôler. C’est donc « à 6 heures du matin que j’ai quitté Koumassi pour le Plateau. Mais depuis je suis dans le rang dans l’espoir qu’on m’appelle mais je me rends compte, vue l’heure et ma position, que cela ne sera pas possible aujourd’hui ». En effet, selon ses explications, elle était sur les lieux, la veille, très tôt, c’est-à-dire le 24 février. Après s’être inscrite sur la liste de présence, elle n’a pas pu se faire enrôler du fait de « la lenteur des machines, aux dires des opérateurs ». « Je rentre à Koumassi tout en croyant que la liste de la veille sera reconduite puisque c’est le matériel qui nous a pénalisé la veille. A ma grande surprise, j’apprends ce matin que la liste du jour est bouclée. J’essaie de me renseigner, on me dit que c’est une nouvelle liste qui a été dressée », regrette Nadège Dja. Avant d’informer qu’elle préfère rester dans la commune de Koumassi pour, désormais, tenter sa chance.
Tout comme cette jeune dame visiblement en colère, de nombreux demandeurs de ce document éprouvent des difficultés pour effectuer l’opération qui, logiquement pour Komelan Paul, un retraité, devrait être le plus accessible. Surtout parce que depuis 2009, il n’y a pas eu d’opération de confection des cartes de masse comme c’est le cas aujourd’hui, mais aussi parce que la Côte d’Ivoire est dans une année électorale. « Le taux de participation à ce scrutin présidentiel doit logiquement dépasser celui de 2015 vu ce qui se passe entre les partis politiques. Mais vu les conditions de production des pièces d’identité, je me demande si les Ivoiriens dans leur majorité pourront disposer de leurs Cni à plus forte raison leurs cartes d’électeurs. Il faut qu'une solution soit trouvée le plus rapidement possible pour satisfaire à la demande », plaide le doyen venu accompagner son fils Tiburce Komélan. Ce dernier (son fils) qui doit se faire établir des documents pour se rendre au Gabon dans le cadre de ses activités est, selon son père, bloqué dans ses démarches à cause de la Cni.
De nombreuses personnes rencontrées sur place étaient dans la crainte et à la fois en colère. Parce qu’elles ne parvenaient pas à se faire faire enrôler pour bénéficier du récépissé d’enrôlement, document nécessaire pour se faire établir une attestation d’identité. Ce, en attendant le retrait de la nouvelle Cni.
Elisa Akoua Boni figure parmi ces personnes. Depuis plusieurs jours, cette fille d’environ 19 ans ne fait que rallier, selon elle, le centre d’enrôlement du Plateau et le domicile familial situé dans le secteur du Cercle des rails. Désireuse de se présenter aux concours administratifs, cette année, elle ne ménage aucun effort pour se présenter au centre de sa commune muni de tous les documents requis à cet effet. Malheureusement, elle n’arrive pas à accomplir cette action parce que, précise-t-elle, toutes les fois qu’elle s’est rendue dans le centre, « Je suis soit sur la liste sans pouvoir être prise en compte malgré le fait que je figure parmi les premiers arrivants. Soit ce sont les machines qui se plantent et m’empêchent de passer mon tour », s’inquiète la jeune fille.
Impossible malgré le « lève-tôt »
Au centre situé au sein du service technique de la mairie de Yopougon sis au quartier Lem, c’est un pétitionnaire, nouveau demandeur, en colère et visiblement fatigué qui s’est confié à nous. Du nom de Edgar Golé Ouamane, il a quitté le quartier Maroc de ladite commune à minuit, sa sœur et lui, pour tenter leur chance après cinq aventures infructueuses, raconte-t-il. Une fois sur les lieux aux environs d’une heure du matin, lui qui se croyait matinal bute sur une file qui compte déjà quelques personnes. Une liste de présence est aussitôt dressée et il figure à la 16e place parce que, dit-il, ses devanciers sont pour la majorité arrivés sur les lieux depuis 23 heures ou minuit pour d’autres.
Après plusieurs heures dans ce 1er rang formé en face du portail de l’établissement, il se retrouve dans la cour des services techniques et ensuite, sous les bâches dressées pour l’attente. Lorsque l’opération démarre à huit heures, « je suis certain de passer avant midi et rentrer chez moi avec ma sœur ». Erreur ! Ce rêve de M. Golé va se transformer en un cauchemar parce que « jusqu’à 16 heures, pas plus de sept personnes des 16 figurant sur notre liste n’avaient encore été pris en compte ». Et pourtant, confie-t-il remonté, « des personnes sont appelées par l’agent chargé de faire entrer dans la salle. Elles sont enrôlées et partent chez elles sous nos yeux ».
En plus de cette situation plus que déconcertante, Bénédicte Loboué, conseillère en assurance, reproche le manque de bon ton de certains agents. A chaque fois qu’elle s’est retrouvée, poursuit-elle, dans ce centre, elle a été confrontée à une mauvaise approche de ces derniers qui, sans état d’âme, « infiltrent leurs protégés ou ceux qui les soudoient sur la liste au point où, notre présence dans le centre devient une perte de temps ».
La lenteur des machines, une grosse épine
Toujours dans le même esprit de mécontentement, ce sont près d’une dizaine de pétitionnaires que nous avons rencontrés dans une atmosphère un peu tendu à l’Annexe de la mairie d’Attécoubé, le 26 février. « C’est tellement lent que je me demande si je pourrai un jour me faire enrôler. Depuis 2 heures du matin, je suis là avec mes amis et à cette heure de la journée, nous n’avons même pas encore été appelés. La vague de quatre qui est entrée dans le bureau n’en ressort pas et il est pratiquement 12 heures. Ce n’est pas croyable que pour cette opération ce soit de ‘’vieilles’’ machines qui soient utilisées en plus du nombre réduit de centre d’enrôlement », dénonce Sangaré Salifou, habitant d’Attécoubé. Il est soutenu par Malick Cissé, qui n’arrive pas à admettre que pour un simple renouvellement de sa Cni, il soit obligé de « se réveiller très tôt et passer toute sa journée sans pour autant être reçu ».
HERVE ADOU
Visiblement fatigués, ces nombreux pétitionnaires assis sur les bancs, espèrent être reçu avant la fermeture du centre d'enrôlement du Plateau. Photo: (HERVE ADOU) Photo2 : Adjamé, malgré la fermeture du point d'enrôlement situé au sein de la mairie, quelques demandeurs décident de rester sur place pour s'inscrire sur la liste du lendemain. Photo: (H. ADOU)