Après la réussite de l’Eurobond 2017, une partie de l’opinion s’est émue du niveau de la dette extérieure du pays. Le gouvernement rassure toutefois, quant à l’éventualité d’un surendettement.
La question de la dette publique suscite beaucoup de débats même si les pouvoirs publics ne cessent de rassurer le contribuable ivoirien. En effet, les données statistiques du ministère en charge de l’Economie et des Finances indiquaient que le stock global de la dette publique ivoirienne s’élevait à 8 156,6 milliards F Cfa, comprenant 4 249,3 milliards de dette extérieure (soit 52,1% du stock) et 3 907,3 milliards de dette intérieure (environ 47 ,90 % du stock) à la fin juin 2016. Ce qui représentait 38,5 % du Produit intérieur brut (Pib).
Le constat est que le poids de cette dette publique est largement en dessous de la norme de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), relative aux critères de convergence multilatérale sur l’endettement, fixée à 70% du Pib. Une telle situation met les autorités ivoiriennes à l’aise pour dire que le niveau de la dette publique est acceptable et pas aussi alarment que certains analystes le pensent. Elles soulignent, par ailleurs, que la Côte d’Ivoire a encore une bonne marge de manœuvre pour s’endetter davantage, en se fiant toujours à cette norme communautaire. Et la plupart des bailleurs de fonds et particulièrement les institutions de Bretton Woods à savoir la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (Fmi) sont du même avis que l’Etat ivoirien sur cette question de la dette publique ivoirienne.
MAIS, OÙ SE TROUVE LA DIVERGENCE ?
Il y a des économistes et observateurs qui, eux, estiment que le niveau d’endettement du pays est inquiétant. Parce qu’il a évolué de façon extraordinaire en l’espace de cinq ans. Après l’achèvement de l’initiative Ppte, le stock global de la dette publique avait considérablement chuté de 79% à 36,2% du Pib.
En valeur nominale, «l’achèvement du Ppte a permis un allègement global de 4 090 milliards de francs Cfa. Soit un taux de 64,2%.
C’est ce qui a fait chuter le fardeau de la dette extérieure à seulement 2 283,9 milliards de francs Cfa’’ indiquait l’ex-argentier ivoirien, Charles Koffi Diby, au lendemain du Ppte. Une année après, il ressort du communiqué du Conseil des ministres du 19 décembre 2013 que ‘’la Côte d’Ivoire enregistre une baisse de sa dette publique qui est passée de 8 442 milliards à 6 175 milliards F Cfa». En 2014, un autre communiqué précise que la dette globale est estimée à7 804 milliards F Cfa. Le taux est alors passé à 45,8% du Pib. Ces données montrent bien l’évolution remarquable du poids de la dette ivoirienne, et particulièrement celle de la dette extérieure passant de 2 283,9 milliards (juste après le Ppte) à 4 249,3 milliards F Cfa, en fin juin 2016. Soit un accroissement de l’ordre de 1 965,4 milliards F Cfa en moins de cinq ans. Une dette qui a presque doublé, donc.
Ces économistes prétendent que la croissance serait un peu exagérée et que le pays n’a pas réellement besoin de s’endetter de la sorte. Ils argumentent que la Côte d’Ivoire dispose de plus en plus de ressources, avec les ressources pétrolières qui alimentent désormais le budget de l’Etat. Ce qui n’était pas le cas par le passé. En plus, à les en croire, les potentialités naturelles et économiques seraient tellement énormes que le pays devrait générer plus de ressources à l’interne plutôt que de se tourner vers l’extérieur. Les partenaires au développement et autres bailleurs de fonds, qui ne sont pas des philanthropes, se disent toujours prêts à apporter leur appui financier. Mais, pour cette catégorie d’économistes, les autorités ivoiriennes ne sont pas obligées d’accepter tous les gâteaux offerts. Surtout que la plupart des emprunts (mêmes concessionnels) doivent être remboursés tôt ou tard. Bon nombre de ces prêts ont des différés et leurs remboursements se feront par les générations futures.
Un vrai débat s’est instauré dans l’opinion et les avis sont bien partagés sur la l’efficacité et l’efficience des dettes contractées ces derniers temps.
D’un côté, les pouvoirs publics qui s’appuient sur leur Stratégie nationale de gestion de la dette à moyen terme (Sdmt) 2015-2019, soutiennent avoir une parfaite maîtrise de la dette publique (surtout extérieure). Laquelle dette est soutenable, selon les autorités. Et de l’autre côté, des économistes qui portent un regard assez critique sur le rythme auquel évolue la dette publique du pays. Leur crainte est que la Côte d’Ivoire retombe un jour sous le poids de sa dette extérieure, ce qui annihilerait les efforts déjà consentis… Les Ivoiriens ont douloureusement vécu l’épisode du Ppte et ne souhaitent plus jamais retomber dans pareille situation.
Face au patronat, début juillet, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly a dissipé ces inquiétudes, en mettant en exergue une «gestion prudente des finances publiques, qui a permis de rétablir, depuis 2012, les grands équilibres financiers de l’Etat». Le Chef du Gouvernement a ajouté «cette gestion prudente est couplée à une politique d’endettement mesurée, en vue d’assurer la soutenabilité de la dette. Le ratio dette publique sur Pib de la Côte d’Ivoire est aujourd’hui de 42,1%, projeté à 42,7 à la fin de 2017 en prenant en compte les ressources mobilisées dans le cadre de l’Eurobond 2017». Ce ratio, l’un des plus faibles de l’Uemoa classe la Côte d’Ivoire «parmi les pays à risque de surendettement modéré selon le Fmi», a poursuivi le Chef du gouvernement ivoirien.
Guy-Assane Yapy
Finance ivoirienne: le poids de la dette est largement en dessous de la norme Uemoa - Photo à titre d'illustration