Laurent Gbagbo a hâte de rentrer en Côte d'Ivoire pour prendre part au débat politique. Certains membres de son parti lui prêtent d'ores et déjà de nouvelles ambitions présidentielles. Mais à mesure que les jours avancent, les chances de l'ancien président ivoirien de revenir aux affaires s'amenuisent, et les choses ne sont pas prêtes de s'arranger.
Laurent Gbagbo, la CPI comme premier adversaire
Transféré à la Cour pénale internationale (CPI), le 5 décembre 2011, Laurent Gbagbo a été acquitté, le 15 janvier 2019, à la suite d'un procès marathon jusqu'ici sans épilogue. Poursuivi en même temps que Charles Blé Goudé, le ministre de la Jeunesse de son dernier gouvernement, l'ancien Chef d'État ivoirien est accusé par Fatou Bensouda d'avoir concocté, avec ses proches, « un plan commun en vue de conserver le pouvoir » par tous les moyens.
La mise en œuvre dudit plan a abouti, selon la Procureure gambienne, à la commission de « crimes de guerre » et «crimes contre l'humanité » lors de la crise postélectorale de 2010 et 2011.
Lors de cette crise, il avait pour adversaire les alliés de l'époque: Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Guillaume Soro (l'ancien chef rebelle aujourd'hui en exil en France suite à des accusations de tentative de coup d'État contre le régime du Président Alassane Ouattara).
Cependant, après la déposition des 82 témoins à charge, les juges de la Chambre préliminaire I, à la majorité des deux tiers, ont décidé de prononcer l'acquittement et la mise en liberté immédiate de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.
« L’accusation n’a pas donné la preuve de la culpabilité des accusés », avait soutenu le Magistrat italien Cuno Tarfusser, juge-président de ladite Chambre.
À la suite d'un appel du Bureau du procureur, la Chambre d'appel n'a accordé qu'une liberté sous conditions à l'ex-Président ivoirien et à son filleul Charles Blé Goudé (ex-chef des jeunes patriotes).
Mais après avoir été astreint à l'obligation de rester confiné dans les frontières bruxelloises où il vit depuis le 1er février 2019, en compagnie de Nadiana Bamba, sa seconde épouse, la CPI a levé, le 28 mai dernier, certaines mesures de restriction liées à l'interdiction de voyage et de déplacement à eux imposées.
Un retour incertain pour l'ex-président ivoirien avant la Présidentielle de 2020
Dès la levée des restrictions, l'époux de l'ex première dame Simone Gbagbo a envoyé son avocat auprès du greffe de la CPI en vue de récupérer son passeport et autres documents confisqués par la Cour.
En vertu de cette décision, le Woody de Mama pourrait désormais voyager dans tous les États signataires du Statut de Rome, à condition que les autorités du pays sollicité, donnent leur accord préalable.
Nous apprenons à cet effet que des émissaires de la Cour basée à La Haye ont été dépêchés auprès du pouvoir d'Abidjan afin de favoriser le retour de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire dans un bref délai.
C'est son souhait et il l'a inscrit dans son dernier livre « Pour la justice et la vérité » coécrit avec feu François Mattei. Mais les autorités de Côte d'Ivoire soutiennent ne pas avoir été officiellement saisies d'une demande concernant l' ancien président ivoirien.
Tout porte donc à croire qu'à un peu plus de 100 jours de l'élection présidentielle du 31 octobre 2020, le retour de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire, ainsi que celui de Charles Blé Goudé, semblent pour l'instant pas à l'ordre du jour.
Même si son parti le Front populaire ivoirien (FPI) indique qu'il sera candidat à ce scrutin, et que les responsables du parti continuent les tractations pour obtenir son retour au bercail dans de meilleurs délais, rien n'assure de sa présence sur la ligne de départ pour cette élection.
La star internationale du reggae, Tiken Jah Fakoly, a d'ailleurs déclaré sur une radio allemande : « Si Gbagbo et Blé Goudé n’ont plus de problème avec la justice, mon souhait est qu’ils rentrent en Côte d’Ivoire. On n'est mieux que chez soi. Je souhaite qu’ils rentrent pour jouer leur rôle. » Mais, entre le souhaitable et la réalité, il y a bien un fossé qui n'a pour l'instant pas été franchi.
Le syndrome Jean-Pierre Bemba pour "Opah" ?
Avec la Constitution de la 3e République, le verrou de la limite de l'âge a été sauté. Et donc malgré ses 75 ans révolus, Laurent Gbagbo pourrait bien prétendre à la Magistrature suprême en déposant en bonne et due forme son dossier de candidature.
La Commission électorale indépendante (CEI) a d'ailleurs ouvert la période de dépôt des dossiers le 16 juillet jusqu'au 31 août 2020. Et même si, par extraordinaire, Laurent Gbagbo (Opah) se portait candidat à ce scrutin présidentiel, son dossier aurait-il des chances d'être validé ? À noter qu'il risque toujours 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité à cause des troubles liés à la crise post électorale de 2011.
Cette interrogation est d'autant plus pertinente que la jurisprudence Jean-Pierre Bemba est encore toute fraîche dans la mémoire collective. En effet, la candidature de l'ancien Vice-président congolais a été écartée pour la Présidentielle de décembre 2018 « suite à sa condamnation par la CPI à un an de prison et au paiement de 300 000 euros pour subornation des témoins. »
Mais la partie ivoirienne accusée de crimes, n'a pour l'heure fait l'objet d'aucune condamnation. Ce qui permet de nuancer les comparaisons. Dans le cas de Gbagbo, il a certes été acquitté en première instance, mais son jugement n'a pas encore acquis l'autorité de la chose jugée car en vertu de l'appel interjeté par Fatou Bensouda, l'affaire est toujours pendante devant la CPI.
En pareille occurrence, l'issue de cette affaire devient incertaine et aucun cas de figure n'est à exclure. Toutes ces circonstances font donc planer une véritable menace sur la candidature de Laurent Gbagbo.
Dans le même temps, Pascal Affi N'Guessan, Président de l'autre tendance du FPI, affirme qu'en l'absence d'une candidature de Laurent Gbagbo, il se portera bien candidat au nom du Front Populaire Ivoirien (FPI), leur parti dont il assure toujours la présidence légale.
FPI: Voici ce qui bloque le retour et la candidature de Laurent Gbagbo - Photo à titre d'illustration