Une peine d'un an de prison avec sursis et une amende de 50.000 euros ont été demandées mercredi devant le tribunal correctionnel de Bourges contre un septuagénaire accusé d'avoir fait travailler sur sa propriété un Ivoirien, pendant plus de 15 ans, sans autorisation et une rétribution inexistante.
Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 23 décembre.
Pour Juliette Vogel, avocate du Comité Contre l'Esclavage Moderne (CCEM) et de l'Ivoirien, l'homme âgé de 75 ans, "dont 47 ans en Afrique" selon ses déclarations à la barre, s'est rendu coupable de "traite d'être humain commise en échange d'une rémunération ou d'un avantage et soumission d'une personne vulnérable ou dépendante à des conditions de travail indignes". Elle a réclamé 163.000 euros pour tenir compte "des heures supplémentaires et de la rémunération non payées ainsi que des congés non pris".
Le parquet s'est borné de son côté à reprocher au prévenu l'"emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail, exécution de travail dissimulé et rétribution inexistante ou insuffisante du travail d'une personne vulnérable ou dépendante".
L'homme âgé de 40 ans a été recruté en Côte d'Ivoire en 1996 et durant plusieurs étés il a accompagné ses employeurs pendant leurs séjours en France, dans leur vaste propriété de campagne à Neuvy-sur-Barangeon (Cher), où il continuait à s'acquitter des tâches qui lui étaient assignées.
À partir de 2011, alors que la femme du couple d'employeurs était tombée gravement malade, il est resté en France où il est devenu selon le CCEM le véritable homme à tout faire en travaillant de 8 heures à 21 heures, six jours sur sept et un dimanche sur deux, sans congés. Logé et nourri, son travail allait du ménage au jardinage, en passant par la cuisine et des tâches de garde-malade.
Sa rémunération a été des plus irrégulière. Selon les éléments, assez confus, recueillis à l'audience il n'a perçu aucun salaire hormis des sommes remises de la main à la main, sauf durant une période d'environ dix mois durant lesquels il a perçu en moyenne 795 euros par mois sur un compte en banque en France.
A l'audience le septuagénaire a assuré que son épouse, décédée en octobre 2012 était son véritable employeur et qu'il n'était pas au courant de la gestion du personnel.
Me Vogel a estimé que son client avait été "volontairement totalement isolé, maintenu dans un état de dépendance de ses employeurs, dans un climat de peur et de menace" jusqu'à ce qu'il prenne la fuite en novembre 2013.
Le prévenu, de son côté, a exposé un étrange mélange des genres entre les conditions d'emploi en Côte d'Ivoire et en France.
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