Le foyer polyvalent de Gagnoa s’est mué mercredi dernier en un tribunal, pour avoir abrité la palabre entre chefs de village et agents recenseurs de l’opération du Recensement général de la population et de l’habitat (Rgph).
Pour ce face à face entre les chefs traditionnels, accusés de saboter le recensement dans leurs villages respectifs et les employés de l’Institut national de la statistique (Ins) déployés sur le terrain, des vérités ont été dites. Et ceci en présence du président du Conseil régional, Djédjé Bagnon, par ailleurs chef de village et initiateur de la rencontre. A en croire ce dernier, il voulait lever les obstacles au bon déroulement du recensement dans la région du Goh. Prenant la parole en premier, Yao Daniel, coordonateur de l’Ins qui a ouvert les hostilités, a tiré à boulets rouges sur les garants des valeurs ancestrales.
«
Sur le terrain, nous avons de véritables problèmes. Il y a un refus au niveau de la population autochtone. Dans des quartiers comme Soleil, Libreville, Zapata, Garahio, nos agents sont victimes de menaces. On lâche des chiens sur les agents pour les intimider. Des propriétaires de maison intimident les locataires. Les oppositions sont devenues radicales. Dans les villages noyaux, on accueille nos agents, mais on refuse de leur donner les informations. », a-t-il témoigné.
Du côté des chefs traditionnels, la réplique ne s’est pas fait attendre. Tour à tour, ils se sont expliqués. «
On ne peut pas dire que les chefs de village ne font pas leur travail. Cette situation résulte de la crise post-électorale. Quels sont les moyens que l’Etat met à notre disposition pour contraindre nos administrés qui sont récalcitrants ? Nous avons fait notre travail. », a indiqué l'un d'eux. Et une autre tête couronnée d’ajouter : «
les chefs font ce qu’ils peuvent. C’est à l’Etat de chercher à régler les problèmes de la crise. On fait comme s’il n’y avait rien. Des maisons de nos parents sont encore occupées, qu'on libère nos maisons ; ceux qui subvenaient aux besoins des familles sont emprisonnés ou leurs comptes gelés. Comment dire à quelqu’un qui vient de perdre un parent, ''allons on va s’amuser'' ? Nous n’avons pas d’argument devant les personnes récalcitrantes. Sinon, nous ne nous reconnaissons pas dans ces accusations énumérées par les agents recenseurs. », a-t-il confié.
«
C’est faux ce qui se raconte sur nous et nos administrés. Toute la Côte d’Ivoire sait que le peuple Bété a une réputation légendaire pour son sens de l’hospitalité. On ne peut pas croire que pour exprimer notre mécontentement au Rgph, nous puissions lâcher des chiens sur les agents recenseurs. Et puis, parlez à vos enfants, quand ils viennent dans les villages, qu’ils se comportent bien. On les aperçoit puis après, ils disparaissent. J’ai moi-même logé certains. Chaque matin, nous leur remettons leur argent pour la nourriture, mais depuis des jours, je ne les vois plus. Ils ne veulent pas faire le travail et après, ils appellent pour dire que les populations refusent de se faire recenser », a accusé un autre chef.
La rencontre du foyer polyvalent a enregistré, en plus de la participation des chefs de village, des leaders de partis politiques, des présidents de jeunes et de femmes ainsi que des organisations de la société civile. Eux aussi n’ont pas fait de cadeau au Coordonnateur régional de l’Ins et ses agents recenseurs.
«
Ils se comportent sur terrain comme des hommes politiques. Ils en font à leur tête dès qu’ils s’introduisent dans des cours. Souvent, ces agents sont aperçus dans les cabarets en train de boire. Ils ne font pas le travail pour lequel ils sont payés », a décrié un responsable d’une organisation de la société civile.
Conciliant, le président du Conseil régional, Djédjé Bagnon a exhorté ses pairs à faire leur l’opération de recensement pour sortir la région de sa léthargie.
«
Insistez auprès de vos administrés, on peut se parler et se comprendre. Il y a beaucoup de problèmes politiques, c’est vrai, mais il y aura d’autres tribunes pour en parler. Donnez-moi les « armes » pour vous défendre auprès des autres. Je suis en train de négocier des projets avec les bailleurs de fonds pour développer notre région. Pardonnez, ne les bloquer pas. », a supplié M Djédjé Bagnon. Quant aux agents recenseurs, ils ont été a invités à plus de professionnalisme dans le travail.
Venance KOKORA à Gagnoa
Gagnoa / Boycott du RGPH : Chaudes empoignades entre chefs de village et agents recenseurs - Photo à titre d'illustration