Le président français Emmanuel Macron a décrété lundi soir dans son allocution «l'état d'urgence économique et sociale».
Hausse du salaire minimum, annulation de la hausse de la CSG pour les retraités défavorisés et défiscalisation des heures supplémentaires: Emmanuel Macron a décrété lundi l'«état d'urgence économique et sociale», après trois semaines de crise des «gilets jaunes».
«Nous voulons une France où on peut vivre dignement de son travail, sur ce point nous sommes allés trop lentement», a estimé le chef de l'Etat dans une allocution télévisée de treize minutes. «Je demande au gouvernement et au Parlement de faire le nécessaire afin qu'on puisse vivre mieux de son travail dès le début de l'année prochaine».
«Le salaire d'un travailleur au smic augmentera de 100 euros par moins dès 2019 sans qu'il en coûte un euro de plus pour l'employeur», a-t-il annoncé. Les heures supplémentaires seront versées sans impôt ni charge dès 2019, comme cela avait été le cas sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Un geste pour les retraités
Le chef de l'Etat a aussi fait un geste en direction des retraités. La hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sera annulée pour ceux qui touchent moins de 2000 euros par mois (contre 1200 euros jusqu'ici). «L'effort qui leur a été demandé était trop important et n'était pas juste», a-t-il dit.
Emmanuel Macron a également demandé «aux entreprises qui le peuvent» de verser une prime de fin d'année qui sera elle aussi défiscalisée et sans charges sociales. Il a en revanche exclu un rétablissement de l'impôt sur la fortune (ISF), exigé par les «gilets jaunes», estimant que «revenir en arrière affaiblirait» le pays.
Mea culpa
Disant comprendre la «colère» et la «détresse», le président a fait son mea culpa, après les nombreux appels à sa démission qui ont fusé dans les rangs des «gilets jaunes» au cours des manifestations qui ont paralysée le pays depuis la mi-novembre et mis en lumière une profonde fracture sociale entre et son gouvernement et les Français modestes en révolte contre sa politique fiscale et sociale.
«Je prends ma part de responsabilité», a-t-il dit. Maintes fois considéré comme méprisant, voire arrogant, après des sorties contre les Français «réfractaires au changement», il a également reconnu avoir «pu donner le sentiment» que la colère des gilets «n'était pas (son) souci».
Il a assuré que «c'est en pressentant cette crise» qu'il s'était présenté à la présidentielle de 2017. «Je n'ai pas oublié cet engagement», a-t-il affirmé.
Pas d'indulgence pour les pillards
En revanche, il a exclu toute «indulgence» pour les auteurs des violences et pillages qui ont émaillé les diverses manifestations des gilets jaunes. «Aucune colère ne justifie qu'on s'attaque à un policier, à un gendarme... Quand la violence se déchaîne, la liberté cesse», a souligné M. Macron.
Au total, les forces de l'ordre ont effectué 4523 interpellations sur tout le territoire français depuis le 17 novembre, a-t-on appris lundi de sources policières. Ces interpellations ont donné lieu à 4099 gardes à vue.
Pour la seule journée de samedi dernier, près de 2000 personnes ont été interpellées, un record, dont 1709 ont été placées en garde à vue.
Premier recul
Cette crise est la plus grave traversée par le président. Il était resté mutique ou presque depuis les violentes manifestations du 1er décembre et les scènes d'affrontements sous l'Arc de triomphe qui avaient fait le tour du monde.
Avant de prononcer son allocution, Emmanuel Macron a reçu pendant quatre heures à l'Elysée les représentants des forces vives du pays, qui avaient regretté d'être ignorées depuis le début du quinquennat. Il les a écoutés affirmer leurs priorités.
Emmanuel Macron, au plus bas dans les sondages, avait déjà reculé la semaine dernière en acceptant d'annuler une taxe sur les carburants, et dénoncée par les «gilets jaunes». Il s'agissait alors du premier recul depuis son arrivée au pouvoir. Mais ce premier geste n'avait pas suffi à apaiser la colère des «gilets jaunes».
Lundi soir, les premières réactions de l'opposition, à droite comme à gauche, étaient à nouveau plutôt négatives.
Dans son allocution, Emmanuel Macron a dit avoir conscience qu'il lui était "arrivé de blesser" certains par ses propos. © Keystone/EPA/LUDOVIC MARIN / POOL