La Côte d’Ivoire qui aspire à devenir émergente à l’horizon 2020 ne peut pas se permettre de laisser ce secteur important de son économie, le transport routier, dans l’informel. D’où la problématique qui ou quelle politique pour sauver cette filière ? Le secteur des transports routiers pourra-t-il quitter les sentiers battus caractérisés par le désordre, les grèves intempestives, le racket et divers autres maux ? Depuis lundi, ce domaine d’activité fait face à une énième grève des taxis-compteurs à Abidjan. Annoncé par une intersyndicale composée de douze organisations, cet arrêt de travail a d’abord été levé à la veille par certaines têtes de file de ces douze syndicats. Mais, le lendemain, le constat était tout autre sur le terrain. Les chauffeurs de taxis n’ont pas roulé. Hier, également, la grève a été totalement suivie. Comme à l’accoutumée, le gouvernement n’a pas trouvé les interlocuteurs idoines pour empêcher cette grève. «C’est toujours la même cacophonie. Ce matin, je suis surprise de ne pas avoir un taxi-compteur pour aller au travail, alors que le directeur de cabinet du ministère des Transports nous avait assurés du contraire», décrie Rose Golou, une fonctionnaire travaillant au Plateau et habitant le quartier d’Angré-Mahou.
Qu’est-ce qui explique cette situation ? Depuis plusieurs décennies, les ministres se succèdent à la tête de ce département sans trouver le bon remède aux différentes plaies. Selon le président du Groupement des professionnels de taxis-compteurs (Gptc), Adama Coulibaly, les syndicats dits représentatifs ne s’occupent pas des problèmes des acteurs. «Je suis venu au syndicalisme parce que je veux lutter pour que nos problèmes trouvent solution », a-t-il clamé, lundi dernier. Comme pour se démarquer d’autres syndicalistes qu’il accuse de mettre en avant leur intérêt personnel. Et pour cause, affirme-t-il, les problèmes sont réels. Il s’agit de la concurrence déloyale à eux faite par les taxis intercommunaux appelés ‘’wôrô wôrô’’. «Nos charges ont augmenté, mais nos recettes ne font que diminuer de façon drastique par la faute de certains acteurs qui ne paient aucune taxe», relève-t-il. Pour le président du Gie Djiguisso (entreprise de taxis-compteurs), Samaké Salif, il n’y a pas mille solutions. «L’Etat doit appliquer les textes régissant le transport urbain qui créent les taxis-compteurs, les mini-cars et les taxis communaux», fait-il savoir. Et de poursuivre pour dire que ce sont ces modes de transport autorisés qui doivent être perceptibles sur le terrain. «Si l’Etat n’arrive pas à faire respecter ses propres règles, cela n’est pas rassurant pour les investisseurs », analyse-t-il. Samaké Salif exhorte les pouvoirs publics à assainir cette filière. Le président des Associations de chauffeurs de taxis-compteurs (Actc), Mamadou Bakayoko, considéré comme l’épouvantail des taxis «wôrô wôrô», ne dit pas autre chose. Pour lui, il ne faut pas mettre sur le même pied d’égalité les taxis-compteurs qui contribuent à renflouer les caisses de l’Etat en s’acquittant de leur visite technique, de la patente, etc. et les taxis intercommunaux qui ne paient rien. En outre, il suggère que l’Etat contribue à la professionnalisation du métier de conducteur. « On doit nous aider à nous former. Aussi, les propriétaires de véhicules doivent déclarer les chauffeurs à la Cnps et leur permettre de bénéficier d’une assurance maladie», propose-t-il.
Si l’ensemble des transporteurs reconnaît que le racket des forces de l’ordre a quelque peu baissé depuis l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir, ils protestent, en revanche, vigoureusement contre le racket des «gnambros», des personnes qui par la force imposent des prélèvements aux chauffeurs. Selon Siaka Konaté, président des Associations de chargeurs et chauffeurs de minicars, dénommés «gbaka», ce sont près de 20.000 F par jour qu’ils sont obligés de donner aux «gnambros». «Notre plaie, ce sont les «gnambros». Nous travaillons pour eux. Car une partie importante de nos recettes va dans leur poche», déplore-t-il. Le président de la Coordination nationale des gares routières (Cngr), Touré Adama, a fustigé récemment l’attitude des «gnambros», à la suite des affrontements sanglants entre ceux-ci et des transporteurs à Aboisso. «Ces personnes qui ne comprennent que le langage de la violence doivent être extirpées de notre milieu», a-t-il conseillé.
Ahua K.
Grèves, racket, gnambros… : qui peut sauver le transport ivoirien ? - Photo à titre d'illustration