Le président haïtien effectue en ce moment sa première visite en Europe depuis son arrivée au pouvoir en février dernier. Ce mardi 12 décembre, il a participé au sommet sur le climat, organisé par la présidence française. En marge de cette rencontre d’une cinquantaine de chefs d’Etats et de gouvernements, RFI a pu s’entretenir avec Jovenel Moïse pour évoquer quelques-uns des grands thèmes qui agitent en ce moment la société haïtienne.
RFI : Un grand sujet agite en ce moment la société haïtienne : la corruption. Pour prendre un exemple : un rapport d’une commission d’enquête du Sénat pointe du doigt une quinzaine d’anciens ministres et deux ex-Premiers ministres pour la mauvaise gestion, voire le détournement des fonds du programme Petrocaribe. On parle de milliards de dollars initialement censés financer des projets économiques et sociaux en Haïti. Et vous, monsieur le président, vous affirmez être le seul à avoir la solution contre ce fléau qui empêche votre pays à se développer. Concrètement, quelle est cette solution ?
Jovenel Moïse : La corruption est un mal endémique dans mon pays. La lutte contre la corruption ne peut pas et ne doit pas être utilisée pour régler les comptes personnels ou pour faire la chasse aux sorcières contre des ennemis politiques. Pendant les vingt-cinq dernières années, Haïti a connu beaucoup de problèmes. De la surfacturation dans l’acquisition des biens de l’Etat, aux fonctionnaires qui reçoivent leur salaire mais ne sont nulle part. Parfois, ces fonctionnaires sont même à l’étranger. Des contractuels inactifs qui ne fournissent aucun service, et ce système dur depuis des générations. La corruption est devenue si endémique qu’elle infecte presque toutes les institutions du pays. C’est pourquoi je dis : la corruption est un crime contre le développement.
Il faut s’armer de courage, de volonté politique : si l’Etat et doté de feuilles de routes avec des objectifs précis, si à tous les échelons les dirigeants appliquent les lois, si les ressources sont utilisées pour fournir des services au peuple, si les routes sont bien construites et à des cours réels, si les fonctionnaires utilisent bien les ressources de l’Etat, Haïti changera d’avenir. Tout ceci requiert la volonté et le courage politiques, ainsi que la compétence administrative et technique.
Sous mon administration, la lutte contre la corruption ne peut pas être une posture pour tromper les gens. Elle est dans le vote et la publication des lois contre la corruption, le renforcement de la justice, la réforme de l’administration publique. Elle est dans la révision des procédures de passation de marché, dans l’établissement du système du prix de référence pour empêcher les situations de surfacturation. Depuis mon arrivée au pouvoir, le coup de travaux a été dans certains cas divisé par dix. J’entends poursuivre ce chemin pendant l’ensemble de mon quinquennat...
Le président haïtien Jovenel Moïse lors d'une conférence de presse à l'Elysée, à Paris, le 11 décembre 2017. LUDOVIC MARIN / POOL / AFP