"Le Président est au travail et nous le soutenons. Tout le monde bouge. Vous voyez comme les ministères de la Défense et de l’Intérieur bougent pour garantir de bonnes fêtes aux populations. C’est du jamais vu. J’ai 74 ans. Je suis à Abidjan depuis ma naissance. Ce que je vois, c’est du jamais vu."Tels sont les propos de l'Honorable Diawara Mamadou,Président de la CAGI
Le Patriote : Peut-on avoir une idée des lois qui ont été soumises depuis la mise en place de la deuxième législature de la deuxième République ?
Diawara Mamadou : En 2012 déjà, il y a la première loi sur laquelle nous avons légiféré. Il s’agit de la loi portant abrogation de l’article 53 et modifiant les articles 58, 59,60 et 67 de la loi no64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage, telle que modifiée par la loi No 83-800 du 2 août 1983. Il s’agit de la loi sur le mariage qui a fait beaucoup de bruits. Ensuite, il y a la loi modifiant l’article 2 de l’ordonnance No 2011-258 du 28 septembre 2011 relative à l’enregistrement des naissances et des décès survenus pendant la crise. Il y a eu ensuite une loi constitutionnelle insérant au titre VI de la Constitution un article 85-bis et relative à la Cour pénale internationale.
LP : Tantôt, vous évoquiez le vote de la loi sur le mariage. Nous avons tous suivi les débats qui ont eu cours lors de son vote. Comme vous le dites, c’est une loi qui a fait beaucoup de bruit et qui a même emporté le gouvernement Ahoussou. Dans un Etat démocratique, le vote ou non d’une loi peut-elle agir sur le gouvernement ?
DM : Ne disons pas qu’une loi a emporté le gouvernement Ahoussou. Non ! Le Premier ministre Ahoussou est une grande personnalité du monde juridique dans la sous région. C’est un éminent avocat très connu. Mais ce ne sont pas les lois qui emportent les gens. Le Premier ministre appartenait au gouvernement qui a été mis en place par le Président de la République, Alassane Ouattara. Vous savez bien que notre régime est un régime présidentiel fort. Le Président de la République est le chef de l’Administration. Il nomme à toutes les fonctions, y compris le poste de Premier ministre. Il arrive des moments où il a besoin de faire des aménagements. Il a fait un aménagement à cette époque donnée. Maintenant, je ne suis pas dans le secret des dieux. Je suis au Parlement. Mais je pense que c’était un réaménagement normal.
LP : N’empêche que lors du vote de cette loi, on a vu des empoignades entre députés PDCI et RDR. Alors que vous êtes tous de la grande famille politique baptisée RHDP. Comment expliquez cela ?
DM : nous sommes dans un parlement qui n’est pas monocolore comme on veut le faire croire. C’est un parlement où il y a tout. C’est vrai que nous appartenons à un groupe, à une tendance qui est majoritaire. Mais avant tout, nous sommes des députés. Chacun à son mot à dire sur telle question ou telle autre. Maintenant, il arrive qu’avant de parvenir à un consensus, on bavarde et on discute.
LP : Jusqu’à vous empoigner ?
DM : Nous nous empoignons, c’est normal. Entre alliés, on discute. Il faut se comprendre. Il faut se comprendre, parce que nous nous exprimons en français. Il y a plusieurs façons de comprendre une expression. Mais, il s’agit d’une empoignade tout à fait amicale, fraternelle. Nous nous empoignons pour nous comprendre. Finalement, nous nous entendons toujours. Parce que nous sommes obligés de nous entendre. Nous sommes dans la même mouvance. Il n’ y a pas de problème particulier. Nous dialoguons pour trouver finalement un consensus. Le consensus fait aussi partie de la démocratie.
LP : En plus de la loi sur le mariage, il y a eu la loi sur le foncier et sur la nationalité. Certains d’entre vous ont émis tellement de réserves qu’on a eu l’impression que les députés avaient peur de ces deux lois.
DM : Nous sommes dans un pays démocratique. Il y a des dispositions qui ont été prises depuis longtemps et qui n’ont pas été appliquées pours diverses raisons. Aujourd’hui, nous avons à la tête de ce pays un homme d’Etat moderne, qui ne peut pas voir des choses anormales et rester indifférent. Certaines lois ont été soumises à notre sagacité pour que nous planchions dessus. Les députés sont allés plus loin. Ils sont allés depuis plusieurs années en arrière pour voir ce qui s’est passé. En réalité, rien ne s’était passé, parce que ce sont des lois qui avaient été votées, mais il y avait des problèmes de délai.
LP : Vous n’avez donc rien inventé ?
DM : Nous n’avons rien inventé. Nous avons apporté des améliorations. Nous avons apporté quelques petites choses pour faciliter la compréhension. Ce sont des choses qui existaient, des lois qui avaient été votées depuis 1998. C’est la raison pour laquelle le vote a été facile. Parce que nous avons expliqué. Il y avait quelques députés parmi nous qui avaient entendu parler de cette loi. Ils ont entendu des gens intervenir dans les villages.
LP : Vous faites allusion à la loi sur le foncier rural ?
DM : Effectivement. Nous avons dit, par exemple que si vous êtes propriétaire, il vous faut le prouver. Pour cela, il vous faut un titre. Nous avons fait en sorte que la personne qui se dit propriétaire d’une terre ait un titre. Pour avoir le titre, on n’a plus besoin de mettre beaucoup de temps comme par le passé. Nous avons raccourci les délais. Nous avons permis aux gens d’avoir les géomètres pour recadrer les parcelles. Nous avons facilité la tâche à la population. Je pense que maintenant, les populations ont compris.
LP : De façon précise, y a-t-il de nouvelles dispositions entre la loi de 98 et celle que vous venez de voter ?
DM : Non, pas de grande différence. Nous avons seulement permis aux populations d’avoir un délai supplémentaire. La loi de 98 donnait un délai de 10 ans aux populations. Le délai est arrivé à expiration. En principe, toutes les terres qui n’ont pas été attribuées reviennent à l’Etat. Mais nous n’avons pas voulu exproprier les populations. Nous leur donnons un nouveau délai pour se mettre à jour.
C’est la même chose pour la question sur la nationalité. Nous avons voté la loi portant modification des articles 12 ; 13 ; 14 et 16 de la loi No 61-415 du 14 décembre 1961 portant Code de nationalité, telle que modifiée par les lois No 72-852 du 21 décembre 1972 et 2004-662 du 17 décembre 2004 et les décisions No 2005-09/PR du 15 juillet 2005 et No 2005-09/PR du 26 août 2005 pour permettre à des Ivoiriens qui ignoraient leur statut d’Ivoirien de devenir Ivoirien légalement. Il y avait des Ivoiriens qui n’avaient pas de papiers, il y en a qui avait beaucoup de mal à se procurer les documents.
(Il sort une compilation du journal officiel datant du 2 janvier 1996, ndlr). Il s’agit comme je le disais, des Ivoiriens qui s’ignoraient. Il fallait voter une loi pour qu’ils rentrent dans leurs droits. C’est ce que nous avons fait. Il y a des gens qui sont en réalité Ivoirien. On ne peut pas dire à leurs enfants et à leurs petits-enfants qu’ils ne sont pas Ivoiriens, alors que leurs grands parents étaient Ivoiriens. On a donc demandé aux personnes qui sont concernées d’aller faire des déclarations pour redevenir ivoirien.
LP : Il était question après le vote de ces lois que des équipes de parlementaires aillent sur le terrain pour les expliquer aux populations. Où en êtes-vous avec ces missions d’explication ?
DM : En ce qui me concerne, moi personnellement, je suis député de la circonscription d’Adjamé. Nous, nous n’avons pas attendu qu’on nous donne les moyens pour aller expliquer les lois. Nous sommes différents des maires. Nous sommes des députés, nous avons été élus pour expliquer des choses aux populations. Avec nos propres moyens, mais ce n’est pas facile. Adjamé est une ville où il y a beaucoup d’entités.
C’est une ville où vivent beaucoup de populations. La loi, c’est pour toutes les populations. Nous avons commencé par les personnes les plus sensibles, notamment les chefs de communauté. Nous avons aussi rencontré des groupes sectoriels. Bientôt, à la faveur des vacances, nous allons organiser des rencontres plus ouvertes. Dans l’ensemble, la tournée d’explications se prépare. Le Gouvernement s’attelle à réunir les conditions pour que chaque député puisse, dans sa circonscription, organiser des tournées d’explication des lois. Notamment celles sur le foncier et sur la nationalité.
LP : A la lecture, on voit que vous avez voté plusieurs lois. Mais en même temps, d’autres sont en souffrance. Nous pensons à la loi sur le statut des rois et chefs traditionnels. Quand est-ce que cette loi sera votée ?
DM : Officiellement, la CAGI n’a pas encore ces lois-là sur sa table. Elles vont certainement arriver. Quand elles seront là, nous allons les analyser avec la plus grande diligence. Parce que nos chefs traditionnels sont des auxiliaires de l’administration qui attendent de voir leur statut reconnu. Le Président de la République leur a fait cette promesse là. Nous attendons. Personnellement, je ne vois pas de raison pour que cette loi ne soit pas votée si elle arrivait à notre niveau.
LP : Monsieur le président, peut-on dire que notre Assemblée nationale fonctionne normalement ?
DM : Je n’ai pas connu ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale ces dernières années. Mais en ce qui nous concerne, nous travaillons parfois même comme des élèves. La preuve, lorsque nous avons des dossiers, nous discutons avec nos assistants parlementaires. Ils sont des sachants. Nous discutons avec eux pour comprendre. Et nous-mêmes, nous faisons de la bibliothèque pour comprendre, pour ne pas être dépassés. L’Assemblée nationale est au travail. Nous avons un président dynamique qui a voulu, dès sa prise de fonction, que l’Assemblée se mette au travail. Que nous ne soyons pas une caisse de résonnance. La preuve, vous avez dit tout à l’heure qu’il y a eu des mouvements au moment du vote de la loi sur le mariage. C’est la preuve que cette Assemblée est dynamique.
LP : Avez-vous les moyens de votre politique ?
DM : Nous sommes des députés. Nous avons décidé d’être des députés. Nous ferons avec ce que nous avons. Je suis président de Commission, j’ai un bureau, j’ai mon ordinateur. Moi, je travaille librement. Beaucoup d’autres députés travaillent aussi librement.
LP : Il y un groupe de députés qui a mis en place le « G25 ». Ils sont pour une candidature unique au sein du RHDP. Qu’en pensez-vous ?
DM : Je vous ai dit tantôt que la concertation, le consensus, le dialogue sont des modes pour atteindre la démocratie. C’est à défaut de tout cela qu’il y a vote. Si des députés ont décidé de soutenir une candidature, notamment la candidature unique du Président Ouattara, je pense que c’est une bonne chose.
LP : Le RDR, votre parti, se porte-il bien aujourd’hui, à Adjamé ?
DM : Le parti se porte très bien à Adjamé. Le RDR se portera encore mieux à Adjamé, parce que le parti y a remporté toutes les élections. Mais évidemment, il y a quelques petits problèmes qui vont se résoudre d’eux-mêmes.
LP : Là où vous parlez de petits problèmes, d’autres voient un gros problème, notamment le bicéphalisme à la tête du secrétariat départemental.
DM : C’est une blague. Il ne peut pas y avoir deux secrétaires départementaux à Adjamé. Le RDR est un parti sérieux. Il y a un secrétaire départemental. C’est l’honorable Sidibé Abdoulaye. C’est lui qui a été élu. Moi-même, j’étais secrétaire départemental. A un moment donné, je me suis dit qu’il fallait céder la place. Je me suis retiré et il y a eu une compétition. Monsieur Sidibé était candidat. Il avait en face de lui deux ou trois autres candidats. Il y a eu des élections et il a été élu. Depuis, il est le secrétaire départemental. Il est le seul secrétaire départemental d’Adjamé.
LP : En cette fin d’année, un bilan de la gouvernance Ouattara ?
DM : Le Président de la République fait du bon travail. Il suffit simplement de circuler à Abidjan. Si vous quittez Adjamé pour aller vers la Riviera, vous verrez le travail qui se fait. De même si vous quittez le Plateau pour aller vers Port-Bouët vous voyez le travail qui est en train d’être fait. En allant vers l’intérieur, vous voyez ce qui a été fait. Avec lui, nous sommes en train de voter des lois saines pour qu’au plan international, on ne nous assimile pas à une caisse de résonnance. C’est pour cela que vous constatez qu’il y a des empoignades. Ce sont des empoignades amicales. Le Président est au travail et nous le soutenons. Tout le monde bouge. Vous voyez comme les ministères de la Défense et de l’Intérieur bougent pour garantir de bonnes fêtes aux populations. C’est du jamais vu. J’ai 74 ans. Je suis à Abidjan depuis ma naissance. Ce que je vois, c’est du jamais vu.
Réalisée par Thiery Latt
Honorable Diawara Mamadou (Président de la CAGI) : “L’Assemblée nationale n’est pas une caisse de résonance du pouvoir” - Photo à titre d'illustration