L’ancien ministre d’Etat sénégalais, ministre des Affaires étrangères, Cheick Tidiane Gadio a soutenu vendredi à Abidjan au cours d’un séminaire sur le rôle des médias dans les Etats en post-conflits que « l’Afrique de l’ouest est déstabilisée depuis que la Côte d’Ivoire est déstabilisée », estimant qu'il « faut un Mandela et un De Clerk» en Côte d'Ivoire pour la paix.
« La Côte d'Ivoire est la véritable locomotive de l'Afrique de l'ouest » a dit Tidiane Gadio qui ajoute que « la Côte d'Ivoire est un Etat fondamental, incontournable de l'Afrique de l'Ouest ». Pour lui donc, « c'est dans l'intérêt de tout le monde de voir la Côte d'Ivoire redressée et réconciliée avec elle-même ».
Connaissant bien le pays, pour avoir été un des principaux artisans de la signature du cessez-le-feu entre le gouvernement et la rébellion en octobre 2002 au début de la crise, Cheick Tidiane Gadio a suggéré qu' « en Côte d'Ivoire, si vous voulez sortir de cette crise, il faut qu'il y ait un Mandela et un De Clerk. Cette paix se construit à deux » a-t-il caricaturé, soulignant la nécessité de « construire la paix à deux ».
M. Gadio exhorte également les politiques à « faire toutes les concessions possibles, tous les compromis possibles » et surtout en toute situation, « que la classe politique sache se fixer des limites à ne pas dépasser dans ses actions » en suivant l'exemple sénégalais qui a toujours su éviter les coups d'Etat.
Le séminaire organisé par la fondation allemande Friedrich Naumman Stiftung en partenariat avec la radio allemande Deutsche Welle, avait pour objectif de faire ressortir la mission que les journalistes dans les pays en situation de post-conflit devraient accomplir ou encore le rôle qu'ils pourraient jouer pour accompagner leurs Etats respectifs.
Les intervenants ont insisté sur le rôle déterminant joué par les médias en période de crise du fait de leur « politisation ».
Frédéric Grah-Mel, qui a à cet effet, dénoncé les « dérives des journalistes ivoiriens depuis les années 90 » avant de qualifier la presse ivoirienne de « délinquante » eu égard à un nombre pléthorique d'infractions enregistrées par l'organe de régulation.
A en croire, M. Grah-Mel, le pays a connu toutes ces crises du fait de « l'engagement politique incontestable » des organes de presse ivoiriens. Il affirme mordicus que les journalistes ivoiriens «font de la politique plutôt que du journalisme ». C'est pourquoi, il souhaite « la pénalisation » des délits de presse.
Des intervenants comme l'ancien ministre guinéen de la Communication, Boubacar Yacine Diallo ou le journaliste malien, Adam Thiam, ont à leur tour dépeint la situation dans leur pays respectif en témoignant du rôle que jouent les médias en situation de crise et après cette crise.
Le directeur général de l'Agence de presse PanaPress, Babacar Fall a pour sa part témoigné de l'expérience sénégalaise, où des professionnels du milieu se sont associés pour ouvrir un journal, une radio et une école de formation en journalisme.
Au terme des échanges avec un public composé d'étudiants, de journalistes et d'autres acteurs de la Communication, les conférenciers sont convenus sur le fait que tant que ce ne seront pas des journalistes professionnels qui sont les propriétaires des titres de journaux, ou des stations radio et autres organes de presse, « l'on n'est pas encore sorti de l'auberge, des dérives dans le milieu ne prendront pas fin ».
Ils préconisent ainsi, « la formation des journalistes », « une loi sur la presse plus robuste », « la réduction des titres de journaux sur le marché » et la « rupture du cordon ombilical qui lie les journalistes aux hommes politiques ».
En Côte d'Ivoire, depuis la libéralisation du secteur des médias plus connue sous l'appellation du printemps de la presse, les journaux et les journalistes en particulier sont accusés à tort ou à raison d'être la cause de tous les maux ou crises politiques dont souffrent le pays.
« Il faut un Mandela et un De Clerk» en Côte d'Ivoire pour la paix, selon un ancien ministre Sénégalais - Photo à titre d'illustration