Interview / Benoit Yobou Djirabou (député de Yopougon) réaffirme son appartenance au Pdci et prend position : ‘‘Le Pdci peut revenir au pouvoir mais il serait plus sage de donner 5 ans pleins à Ouattara’’

  • 02/12/2013
  • Source : L'Intelligent d'Abidjan
Le 12 novembre 2013, le député Benoit Yobou Djirabou a rencontré le président du Pdci Henri Konan Bédié. Il lui confié qu’il n’est jamais parti du Pdci. Le parlementaire qui a été élu sur la liste Rdr à Yopougon en 2011 lève dans cette interview toute équivoque que pourrait susciter sa démarche.

Monsieur le député le mardi 12 novembre 2013, vous avez été chez le président Bédié à qui vous avez signifié votre présence au PDCI. On est confus quand on sait que vous aviez été élu député sur une liste Rdr. Voudriez-vous lever toute confusion sur cette affaire ?
Je suis Benoît Yobou Djirabou. J’étais membre du bureau politique du Pdci-Rda jusqu’au dernier congrès et délégué communal. J’ai atteint à mon sens le summum de la hiérarchie au Pdci-Rda. Lorsqu’on a une responsabilité de ce genre, on ne joue pas avec sa vie. Ce que je voudrais que vous sachiez c’est qu’il y a eu en son temps les quatre leaders des quatre partis politiques dont le PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié, le RDR du président Alassane Ouattara, le MFA de Anaky Kobénan et de l’UDPCI de Dr Mabri Toikeuse. Ils ont signé une alliance comme cela existe dans le monde entier qu’on appelait le Rassemblement des houphouëtistes pour la paix et la démocratie (RHDP).

C’est dans ce conteste qu’il faut voir ce qui s’est passé en 2011 où M. Yobou s’est trouvé sur une liste qu’on baptise « liste du RDR ». Mais au cours de cette campagne pour les législatives dans la plus grande commune de Côte d’Ivoire, au cours de notre meeting d’ouverture je me suis présenté avec les 5 autres députés comme étant un candidat du RHDP et non du Rdr. Le ministre d’Etat Koné Kafana l’a dit à plusieurs reprises et si mes souvenirs ne me trompent pas, il a même dit que la vraie liste du RHDP est celle sur laquelle figure Yobou Djirabou puisque j’ai été député et plus ancien parmi eux, ayant déjà fait trois législatures. J’avais déposé mon dossier de candidature dans ma famille d’origine et un mal pernicieux m’a éloigné de la Côte d’Ivoire. Je me trouvais en France pour des raisons de santé.

J’ai été contacté par le ministre d’Etat Kafana Koné me disant : « M. Yobou mais sais-tu que ton vieux parti t’a récusé ? ». J’ai dit « oui je le sais et alors ?». Moi mon vieux parti m’a récusé mais hier nous étions tous dans le même parti. Vous, ce vieux parti vous a trôlé en prison en 2001. Vous étiez candidat à la mairie, vous avez fait votre campagne étant cloué à la MACA. Donc qu’on me récuse ou pas, je préfère ça que la prison. Il dit : « Yobou je suis au sérieux, c’est le président de la République Alassane Ouattara qui m’a demandé de vous contacter ».

Il ne comprenait pas qu’un monsieur comme Yobou qu’il ne connaît pas, mais dont il a entendu parler et qui a quand même trois législatures à Yopougon, membre du bureau politique et délégué communal d’un parti puisse être récusé au profit d’autres personnes. Alors le président Alassane Ouattara demande de te contacter. C’est pourquoi mon cher ami je t’appelle. Nous nous connaissons il y a très longtemps. Nous avons commencé notre RHDP dans la clandestinité et tous les deux nous avions voulu être ensemble pour dégager les élus du FPI à Yopougon à l’époque. Je lui ai répondu de mi laisser le temps de contacter mon parti d’origine. C’est ce que j’ai répété à l’audience avec le président Bédié. 

Vous avez donc contacté le PDCI avant de vous décider ? 
Oui bien sur. Un proverbe me revient à la tête. On dit que celui qui a vu la panthère n’a pas peur du tigre. Je veux dire qu’être député pour moi n’est pas un fait nouveau où je vais me précipiter parce qu’on me propose d’être candidat à un poste de député. J’ai eu la chance avec le président Bédié puis avec le président Charles Donwahi à aller trois fois à l’assemblée générale des Nations Unies, ce qui n’est pas donné à n’importe quel élu. Donc pour moi j’ai fait mes classes. Donc quand cette nouvelle est tombée, c’était le permanent de ma délégation, M. Koffi Kouassi Maxime qui m’a appellé pour me dire qu’il est dans le bureau de M. Guikahué. C’est lui qui m’apprend que j’ai été récusé et je lui ai demandé de me remettre mon dossier.

Après plusieurs tracasseries, j’ai contacté M. le président Bédié pendant 45 mn. Il m’a simplement répondu que quand tu viendras à Abidjan, tu chercheras à me voir. J’ai voulu le voir avant de démarrer cette campagne, le rendez-vous était impossible. Donc j’ai pris mon mal en patience et il fallait donner une dernière réponse à nos amis du RDR. Moi j’ai fait la campagne à outrance du président de la République Alassane Ouattara à Yopougon avec mon matériel et mon argent. Je n’ai rien reçu du candidat Alassane Ouattara, je le dis bien fort.

J’ai fait sa campagne parce que c’était la décision de nos quatre leaders. Après son élection il fallait lui donner la majorité parlementaire. Kafana me dit que j’ai besoin d’une réponse urgente. La clôture des candidatures, c’était pour le premier novembre. Je ne pouvais pas faire autrement que d’accepter cette proposition. Le choix était difficile mais ils m’ont pris, pas parce que je m’appelle monsieur Yobou mais parce que je connais le terrain politique à Yopougon depuis 1980. Voilà comment je me suis retrouvé là. Après notre élection il fallait former les groupes parlementaires. 

Et quel groupe parlementaire avez-vous choisi ? 
C’est le RDR et c’est normal. Puisque c’est sous cette bannière que les six députés ont été élus. Mais ce que je voudrais vous faire comprendre, c’est qu’un député ne vote pas une loi par rapport au parti politique. Il y a aussi des députés qui, étant d’un groupe parlementaire, prennent le contre de la position du groupe parlementaire. Étant un ancien, ce n’est pas parce que vous êtes dans un groupe parlementaire, quand bien même on aura fait des réunions avant et après une loi que vous devez voter les lois d’une manière mécanique. Je dis à qui veut m’entendre et à monsieur Kafana que moi j’ai un mandat impératif et non un mandat de soumission.

Vous dites que vous n’avez pas quitté le PDCI, mais lors de cette campagne pour les législatives, on vous a entendu tancer le Pdci et son président. Vous avez même dit que le Pdci n’appartient à personne. N’est-ce pas ? 
Si vous m’aviez vraiment suivi vous devriez savoir que j’étais dans une tenue Pdci. C’est parce que j’ai voulu me distinguer depuis la campagne que je reste et je demeure PDCI. Mais étant donné qu’il y a une alliance entre les quatre partis politiques je ne trouvais aucun problème à être sur une liste Rdr. Et j’ai aussi dit que le PDCI n’appartient à personne. C’est une association où chacun est venu adhérer. Mais j’ai aussi dit que je n’irai pas ailleurs parce qu’au fond, il faut avoir la reconnaissance du ventre. C’est moi qui ai dit au président Bédié que je suis au PDCI et j’y reste et que ce PDCI n’appartient à personne. 

Voulez-vous donc dire que votre acte a été guidé par une certaine frustration, celle de ne pas voir votre dossier validé ?
Mais non. Je voudrais que vous enleviez ce mot frustration. Je ne suis pas frustré et ceux qui me connaissent savent que je ne cultive pas la langue de bois. Ce n’est pas une question de frustration. Par rapport à quoi serais-je frustré ? J’ai été député pendant trois mandats, il y en a qui ont fait un seul mandat ou qui ont eu un mandat qu’ils n’ont pas terminé. Seulement je cherche à voir le président Ouattara pour quelque chose. Je dis que lorsqu’un de ses lieutenants, de surcroit membre de son gouvernement avec rang de ministre d’Etat, au moment des faits, vient me dire que c’est le Président Ouattara qui m’a envoyé vers toi, la moindre des civilités c’est d’aller lui dire ‘’merci Monsieur le président de la République de m’avoir copté sans me connaître’’. Et vous connaissez ma sensibilité politique. J’ai posé cela comme l’une des conditions à M. Koné Kafana. C'est-à-dire aller saluer le président Ouattara dès qu’on gagne les élections. On a gagné et j’attends toujours. 

Si vous n’êtes pas parti du PDCI quelle place revendiquez-vous aujourd’hui dans ce parti ? 
Je n’ai pas de revendication à faire, aujourd’hui. Le PDCI au 12ème congrès a été restructuré. Quand on m’avait suspendu dans ma fonction de délégué, je n’étais plus prêt à accepter encore cette fonction. Je veux être un militant tout court. Pas un militant de base, j’ai dépassé ce stade. Je veux être un cadre militant qui a offert sa petite expertise de 34 ans de carrière politique, qui a fait 11 ans au poste de délégué, qui a une expérience à partager avec celui qui sera dans sa délégation et qui viendra me consulter pour demander Monsieur l’ancien délégué du Toit Rouge, est-ce que vous pouvez m’aider pour tel ou tel chose. 

Comment voyez-vous l’avenir du PDCI qui s’apprête à affronter les élections présidentielles de 2015? 
Je vois un PDCI radieux, un vieux parti combatif, qui peut revenir au pouvoir à la seule condition que ses fils et ses filles s’entendent sur un seul idéal. Qu’on ne peut pas être tous têtes de liste, chefs à la fois. Il faut l’union et la discipline. Et en 2015, même si on prend le plus minable, d’entre nous pour être candidat à la présidentielle, que nous nous unissions tous autour de ce candidat. Il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas gagner les élections.
Maintenant si on pense que, puisque c’est celui-là, c’est un petit il n’est rien, moi j’ai un doctorat quatrième cycle ou dixième cycle, donc c’est moi qui doit être là, il y a des risques de lézarder le mur. Et quand le mur est lézardé, le cafard y pénètre.

Un autre raisonnement consterait à dire que le président de la République actuel a hérité d’une situation difficile depuis son élection. On a perdu du temps, on a frôlé la catastrophe, malgré cela, il a pris la Côte d’Ivoire comme un brasier de feu dans sa paume. il est en train de réussir à éteindre petit à petit le feu. Aujourd’hui je me demande même s’il n’est pas plus sage, dès lors où nous serons comptables de son bilan, puisqu’on est dans son gouvernement, de lui laisser au moins cinq ans pleins. 
 
S.Debailly (coll : MPK)