Les cas Blé Goudé, Mme Gbagbo, les gendarmes arrêtés à Agban et Azito, les 41 jeunes extradés du Liberia, ce sont là quelques sujets brûlants abordés courageusement par la présidente de la section ivoirienne d'Amnesty International, Nathalie Kouakou Yao. Interview vérité d'une militante des droits de l'homme.
Evoquant les procédures judiciaires engagées en Côte d'Ivoire dans le cadre de la crise post-électorale, une organisation des droits de l'homme a parlé récemment de « justice sélective ». Partagez-vous ce jugement ?
Bien sûr, nous partageons ce jugement. Parce que nous avons vécu une guerre post électorale opposant deux camps rivaux. Un rapport d’enquête sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire a dénombré 3248 morts et identifié les présumés coupables composés des forces dites pro-Gbagbo, les FRCI(forces pro-Ouattara), les militaires, les groupes d’auto-défenses et autres.
Le constat est qu’à ce jour, seule les personnes liées à l’ex-président, qu’elles soient civiles ou militaires, sont arrêtées et détenues à Abidjan et à la Haye. Pourtant, le gouvernement ne cesse de dire que l’impunité est au centre de la réconciliation nationale. Comment pouvons-nous ressouder le tissu social si tous les auteurs de crimes ne sont pas poursuivis, si certains bourreaux continuent de narguer leurs victimes. Il est vraiment important que la lutte contre l’impunité ne soit pas à double vitesse.
Il faut que la recherche de la justice pour les victimes ne soit pas dans un seul sens ; toutes les victimes doivent sentir cette sorte de réparation morale que de voir leurs bourreaux mis aux arrêts et jugés. Le ministre de la Justice ne cesse de marteler que tous les auteurs de crimes liés à la crise post-électorale seront poursuivis, nous attendons toujours les arrestations et les inculpations des commandants de zones, de leurs éléments et de certains dozos qui continuent de semer la terreur dans les villes et villages.
Après l'ancien président, Laurent Gbagbo, c'est Mme Gbagbo, puis Charles Blé Goudé que la Cour pénale internationale( Cpi) a décidé de poursuivre. En ne visant que les pro-Gbagbo, la Cpi n'apporte-t-elle pas de l'eau au moulin de ceux qui parlent de justice sélective ?
De prime abord, on pourrait penser que la Cpi s’acharne sur les personnes dites pro-Gbagbo, mais nous devons savoir qu’elle a ses procédures internes. Nous savons que des mandats d’arrêt ont été émis contre certains chefs de guerres pro-Ouattara, mais ces mandats sont encore sous scellés jusqu’à ce que la Cpi juge opportun de lever les scellés. Je puis vous assurer qu'elle poursuivra les forces pro-ouattara qui auraient commis des crimes contre l’humanité. Il y a les événements de Duékoué où près de 816 personnes d’une même ethnie ont été massacrées.
Il faut que la vérité éclate pour qu’on sache qui a fait quoi et pourquoi. La Cpi se doit de poursuivre les présumés coupables pour que la vérité puisse éclater et surtout pour que les victimes soient réhabilitées et que leurs parents aient réparation. Il y a aussi toutes les exactions qui ont été commises dans le Nord avec l’histoire des conteneurs pendant la guerre de 2002.
En mission en Côte d'Ivoire, l'expert indépendant des Nations Unies, Doudou Diène, a préconisé que Mme Gbagbo bénéficie d'une liberté provisoire. C'est également votre avis à Amnesty International ?
Nous pensons qu’il y a, dans notre pays, des lois encadrant les gardes à vue et les détentions provisoires. Il est donc temps que le gouvernement mette en application ces lois. Cela fait un peu plus de deux ans que l’ex-Première dame est détenue, et elle attend toujours son jugement. Représente-elle un danger pour l’Etat ? Nous pensons qu’elle doit bénéficier de la liberté provisoire, tout comme ses camarades militants du FPI qui ont été libérés par vagues. Elle doit faire partie de la prochaine vague de libération, car tout cela concourt à la décrispation du climat politique et social.
L'avez-vous rencontrée depuis qu'elle est détenue dans le Nord ? Quelles sont les dernières nouvelles que vous avez d'elle ?
Oui, des responsables de notre mouvement l’ont rencontrée dans le cadre de la dernière enquête. Les dernières nouvelles ne paraissent pas bonnes, en ce qui concerne son état de santé.
Avez-vous rencontré Charles Blé Goudé depuis son extradition au pays ?
Non, personne ne connaît officiellement son lieu de détention.
Pour vous, Amnesty International, Blé Goudé et Mme Gbagbo doivent-ils être traduits devant la Cpi ?
La question ne se pose plus, puisque tous les deux ont fait l’objet de demande de transfèrement à la Cpi. La question est que l’Etat de Côte d’Ivoire a refusé le transfèrement de l’ex-Première dame, arguant que notre justice est suffisamment outillée pour la juger en Côte d’Ivoire ; alors l’Etat va-t-il transférer Blé Goudé ? Nous n’en savons rien. Amnesty International pense que ces deux personnalités doivent être jugées par la Cpi, parce que la cour offre plus de garantie et a plus de moyens pour offrir une justice impartiale, juste et transparente.
Les dossiers de citoyens ordinaires et de corps habillés détenus dans le cadre de la crise post-électorale sont encore pendants au tribunal. Ils sont près de sept cent quarante deux qui croupissent dans nos prisons, quand est-ce que ces dossiers seront vidés ? La justice ivoirienne a-t-elle la capacité de juger tout ce monde-là ? Dans tous les cas, avec la justice des vainqueurs que nous constatons, nous pensons qu’il est préférable que Blé Goudé et Simone Gbagbo soient jugés par la Cpi, puisque poursuivis pour crimes contre l’humanité.
Vous parliez tantôt des personnes détenues dans le cadre de la crise post-électorale, combien sont-elles et où sont-elles exactement ?
D’avril 2011 à aujourd’hui 24 octobre 2013, selon les informations à notre disposition, ce sont 742 personnes qui sont en détention dans les lieux officiels, dont les 41 jeunes dont nous avons parlé tout à l’heure. D’avril à décembre 2011, il y a avait 83 personnes ; de janvier à décembre 2012, ce sont 426 personnes qui ont été arrêtées.
De janvier 2013 à aujourd’hui 24 octobre 2013, 148 autres personnes ont été mises aux arrêts. C’est ce qui donne le chiffre de 742. De ces 742, on est sans nouvelles de 67 personnes ; on peut les considérer comme des personnes portées disparues.
Nous avons par ailleurs 233 forces de sécurité et 509 civils, dont des élèves et des étudiants. Ceux qui ont été arrêtés juste après la guerre ont été inculpés pour génocide, meurtre. Tous les autres arrêtés après l'ont été pour atteinte à l'autorité de l'Etat, atteinte à la sûreté de l'Etat, atteinte grave à la défense nationale, enlèvement, séquestration, assassinat. Douze juges ont en charge tous ces dossiers et un seul a sous sa responsabilité, environ 443 détenus. 66 dossiers sont devant le tribunal militaire, du moins pour les informations en notre possession.
Les lieux de détention officiels sont : Maca( Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan), Mama( Maison d'arrêt militaire), prison civile de Toumodi, Séguéla, Man, Bouna, Boundiali et le Compagnie territoriale de Korhogo( Ctk).
A ces lieux, il faut ajouter des sites de détention non officiels comme l'ancienne résidence de Marcel Gossio( ex-Dg du Port d'Abidjan, ndlr) à la Riviera Bonoumin, la place de la liberté à Yopougon, le camp génie militaire à Adjamé, le camp Frci de Marcory, d'Anyama, le camp commando d'Abobo, le camp Frci de Douékoué, San Pedro, Man( ex-peloton mobile), l'IIAO de Grand-Bassam, le camp Frci de Sokabo à Bonoua.
Amnesty International se préoccupe par ailleurs du cas d'un secouriste mis aux arrêts le 11 avril à l'ex-résidence privée de Gbagbo. De qui s'agit-il ?
Le secouriste en question s’appelle Ziza, il a été arrêté le 11 avril à la résidence du chef de l’Etat. Il faisait partie de l’équipe des secouristes du Chu de Cocody. Pendant les événements, l'ambulance du Chu a évacué certains blessés et promis de venir le chercher à la résidence privée du président de la République d’alors. C’est dans l’attente qu'il a été mis aux arrêts, quand la résidence est tombée.
Et depuis deux ans, il est détenu à Korhogo. Sa femme n’a aucune nouvelle de lui. On lui a collé les accusations de génocide et meurtre, pour avoir porté secours à autrui. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’amnistie pour ce genre de cas.
Hormis ce cas, avez-vous connaissance d’autres personnes détenues dans le Nord ?
Il y a le cas des 41 jeunes extradés du Liberia et qui sont incarcérés dans les différentes prisons de Côte d’Ivoire. Certains sont à la Macaet les autres ont été transférés au Nord. Nous en avons à Bouna, à Boundiali et à Katiola. Aujourd’hui, pour ce que nous savons, ce sont ces jeunes gens qui sont encore détenus dans le Nord.
On peut dire qu’ils sont livrés à eux-mêmes, parce que quand les détenus du Fpi( l'ancien parti au pouvoir sous Laurent Gbagbo, ndlr) y étaient encore emprisonnés, c’est eux qui s’occupaient de ces jeunes gens, leur donnaient à manger, leur procuraient des médicaments quand ils étaient malades et les sécurisaient. Mais aujourd’hui, ils sont livrés à eux-mêmes. Il y a des endroits où ils ne mangent qu’une fois par jour. Il faut donc que le ministère de la Justice se penche sur la situation de ces jeunes gens.
Que savez-vous de ces jeunes gens ?
Je dirai que leur histoire est dramatique : ils ont fui la guerre en 2010 pour aller se réfugier au Liberia. Et là-bas, ils ont été jetés en prison où ils ont passé un an. Le Liberia étant en période électorale, les autorités municipales de la ville où ils étaient ont eu peur que des gens les utilisent pour semer des troubles. C’est ainsi qu’ils ont été emprisonnés pendant une année.
Et lorsqu’il y a eu l’attaque de Taï, au cours de laquelle des casques bleus ont été tués, l’on recherchait des coupables. L’Etat de Côte d’Ivoire a tout de suite mis en cause ces jeunes, qu’on a dit être venus des camps de réfugiés du Liberia pour lancer l’attaque qui a coûté la vie aux casques bleus. Ils ont donc sollicité le rapatriement de ces jeunes gens, alors qu’ils étaient en prison pendant l’attaque de Taï. Et jusqu’à ce jour, aucun d’entre eux n’a été entendu par un juge. Leurs parents ne savent pas où ils sont.
Et au niveau d’Amnesty Côte d’Ivoire, vous n’avez pas eu accès à eux ?
Par nos propres voies, nous avons réussi à avoir des informations sur eux. Quand le chercheur (Gaëtan Mootoo, chercheur pour Amnesty International, ndlr) était là, il a pu rencontrer certains d’entre eux, lors de sa visite au Nord du pays. Par ailleurs, nous avons pu entrer en possession d’un document qu’ils ont produit depuis leur lieu de détention et qui retrace leur histoire. En prenant connaissance de ce document, vous vous rendrez compte qu’il y a beaucoup d’oubliés dans nos geôles. Nous pensons qu’ils méritent d’être libérés.
A propos justement d’oubliés, avez-vous des nouvelles des gendarmes qui avaient été arrêtés suite à l’attaque de la centrale thermique d’Azito ?
Ils sont onze gendarmes. Il y a trois jours ( l'interview a eu lieu le jeudi 24 octobre, ndlr) j’étais avec leur avocat, qui venait de recevoir la lettre du juge d’instruction leur refusant la liberté provisoire qu’ils avaient demandée. C’était d’abord dix gendarmes qui étaient commis à la sécurisation de la centrale thermique d’Azito. Suite à l’attaque, ils ont été entendus et ceux qui les ont arrêtés disaient qu’ils les gardaient pour violation de consigne. C’était donc le premier chef d’accusation.
Mais aujourd’hui, on est passé à douze chefs d’accusation. Ils sont inculpés d’atteinte à la défense nationale, complot contre l’autorité de l’Etat, constitution de bandes armées, direction ou participation à une bande armée, participation à une force insurrectionnelle, atteinte à l’ordre public, tentative d’assassinat, vol en réunion armée, destruction de biens d’autrui. De violation de consignes, on est passé à tout ce que je viens de vous citer. Quelles sont les preuves qui expliquent qu’on passe de violation de consigne à toutes ces charges ? Le onzième gendarme est le chauffeur de l’équipage, il s’appelle Blanchard. Ce jour-là, il n’était pas de garde, mais il devrait faire la patrouille dans la ville. C’est alors qu’il était en patrouille qu’il est passé voir ses camarades à Azito. Il a été lui aussi arrêté parce qu’il était sur le site. Il est également emprisonné à la Maca.
Avez-vous de leurs nouvelles depuis leur incarcération ?
Oui. J'ai rencontré certains d’entre eux une fois, à la Maca. Et grâce à leur avocat, j’ai des nouvelles d’eux. Nous suivons donc leur dossier.
Vous faisiez état de gendarmes arrêtés, avez-vous des informations sur ceux qui étaient sous la responsabilité du commandant Noël Abéhi ?
Ils sont toujours en prison. Comme ils étaient sous la responsabilité d'Abéhi, on les a arrêtés parce qu'on estime qu'ils sont des éléments dangereux. Depuis, ils sont sans jugement.
Un autre dossier qui préoccupe Amnesty International, c’est celui de l’attaque du camp des réfugiés de Nahibly. Suite à cette attaque, les autorités avaient pris l’engagement d’ouvrir une enquête. Avez-vous, à ce jour, les résultats de cette enquête ?
Pour dire vrai, nous n’en savons rien. Nous ne savons pas si une équipe d’enquête avait été constituée, quelle est la mission qui lui a été confiée, encore moins à quel niveau ils en sont. Nous avons publié récemment un rapport en guise de rappel pour dire que nous avons réclamé une commission internationale d’enquête et nous attendons toujours. Il y a une action que nous menons à ce sujet : un courrier est envoyé régulièrement au ministre de la Justice, Coulibaly Gnénéma, pour lui rappeler que nous attendons toujours de savoir qui sont les auteurs de l’attaque du camp de Nahibly, à quand la commission d’enquête et comment justice peut être rendue aux victimes.
Pensez-vous qu’il y a une volonté manifeste de ne pas faire la lumière sur l’attaque de Nahibly et traduire leurs auteurs devant la justice ?
On observe, en tout cas, que cela fait un an que ce camp de réfugié a été attaqué, que des gens y ont été tués et jetés dans des puits ; un an que des personnes qui ont fui cette attaques ne savent pas où aller. Cela fait un an qu’on nous a annoncé une mission d’enquête et que nous ne savons pas où on en est. Nous notons que les actes ne suivent pas les paroles, ce qui nous fait dire que la volonté n’y est pas.
A notre niveau, nous avons des éléments nous indiquant clairement qui sont ceux qui ont brûlé le camp de Nahibly, comment cela s’est passé et qui sont ceux qui étaient là pendant que le camp brûlait. Le rapport l’a clairement dit. On ne peut nous dire que l’Etat n’a pas les moyens pour mener une enquête, donc moi je crois que c’est plutôt un manque de volonté politique.
Votre organisation se préoccupe également du sort d’un certain Mdl Damoué...
Effectivement. Damoué Assane est un gendarme qui avait été arrêté lors des événements post-électoraux, et déporté à la prison de Man. C’est là-bas qu’il a fait une dépression mentale. Il n’a pas pu bénéficier des soins que nécessite son état. Aujourd’hui, il a été ramené à la Maca, dans le même état. Il faut que les autorités prennent très au sérieux ce genre de cas, car Damoué était en possession de toutes ses facultés physiques et mentales quand il a été arrêté.
Il est important qu'il rentre en possession de toutes ses facultés physiques et mentales en sortant de prison. Son épouse doit pouvoir retrouver un mari tel qu’il était avant d’être emprisonné, ses enfants également doivent pouvoir retrouver un papa en possession de toutes ses facultés. C’est l’Etat qui l’a jeté en prison, et donc il se doit de garantir tous ses droits, y compris le droit à la santé.
A propos des prisonniers de la crise post-électorale détenus à la Maca, quelles sont les dernières nouvelles que vous avez d’eux, surtout après les récurrentes émeutes qu’a connues cette prison ?
Suite aux émeutes causées par le fameux Yacou le Chinois, qui est encore à la Maca, on ne sait pourquoi, on a enregistré deux décès de détenus liés à la crise post-électorale. C’était lors de la première émeute. Il n’y a pas eu d’enquête. Ils sont morts et il n’y a rien eu ; ils sont donc passés par pertes et profits. C’est tout cela qui constitue l’impunité.
D’abord, ils sont détenus sans qu’on ne sache pourquoi, ensuite ils ne sont pas jugés et finalement ils meurent sur leur lieu de détention. A la deuxième émeute, certains détenus liés à la crise post-électorale ont été copieusement battus par les gardes et les éléments Frci venus casser l’émeute. Ces faits sont restés sans suite. Vous voyez donc que chaque fois qu’il y a des émeutes à la Maca, les détenus liés à la crise post-électorale sont en danger.
Certaines organisations internationales s’inquiètent de la cessation d’activité de la cellule spéciale d’enquête qui avait été mise sur pied au sortir de la crise post-électorale. Cela préoccupe-t-il Amnesty International aussi ?
Nous pensons qu’avant de mettre fin aux activités de cette cellule spéciale d’enquête, il faut d’abord qu’ils vident ces affaires. Pour ce que nous savons, ce sont 12 juges qui avaient en charge ces dossiers et le 8e et le 10e cabinet s’occupaient des gros dossiers ; le 10e cabinet seul avait près de 60 % de ces dossiers. S’il venait à cesser brutalement ses activités, qui s’occupera de toutes ces affaires ? Il y avait un premier juge qui a été remplacé par un autre, lequel est en train de reprendre de zéro toutes les procédures, or il suit plus de 400 dossiers lui seul.
Combien de temps prendra-t-il pour éplucher tout cela ? Donc si la cellule spéciale d’enquête vient à cesser ses activités, il faut craindre que le juge qui reprendra les dossiers ne vienne faire la même chose. Nous pensons que la cellule doit aller jusqu'au bout de sa mission avant qu’on mette fin à son existence. Si on pense qu’on doit libérer toutes les personnes concernées par ces dossiers, alors qu’on les libère et dans ce cas, leur libération va justifier la fin de la mission de la cellule spéciale d’enquête. Par ailleurs, le fait de vouloir dissoudre la cellule traduit-il l’impuissance des juges à se prononcer clairement sur ces dossiers ? Certains ont d'ailleurs déclaré le non-lieu partiel pour des dossiers à et ont recommandé aux détenus de faire la demande de liberté provisoire qui, malheureusement, a été rejetée.
D’aucuns pensent qu’au nom de la réconciliation, on devrait cesser toutes les procédures judiciaires en cours. Quelle est la position d’Amnesty International ?
Au niveau d’Amnesty, nous ne sommes pas pour l’arrêt de toutes les procédures judiciaires. Nous pensons même que c'est dangereux, car cela va à l’encontre du droit des victimes à la justice. On peut procéder à des libérations provisoires, pendant que la procédure judiciaire suit son cours. Mais, il est important que justice soit rendue pour mettre fin à l’impunité, mais pas de la façon que nous voyons.
Dans un de ses rapports sur la crise post-électorale, Amnesty International dénonçait des tortures infligées à certains détenus. Qu'en est-il ?
Effectivement, des détenus subissent des sévices corporels comme les décharges électriques, la bastonnade. On verse de l'acide sur leur corps, on les blesse par balles, on vous casse le bras intentionnellement, on essaie de vous noyer, on étouffe, on brûle des sachets sur votre corps. Il faut que l'Etat soit regardant sur cette question et évite qu'un de ces détenus meure en prison sans avoir été jugé, c'est-à-dire sans que l'Etat ait prouvé qu'il méritait d'être en prison au point d'y mourir.
Interview réalisée par Assane NIADA
Interview : La présidente nationale d'Amnesty Internationale parle - Photo à titre d'illustration