Interview-vérité: Dosso Sory (Pdt des Dozos de CI) martèle: "Abidjan nous appartient..."

 

Dosso Sory : Pourquoi voulez-vous que les Dozos quittent Abidjan ? Les Dozos ont toujours été à Abidjan, où voulez-vous qu’ils aillent ?

 

 

D.S : Je vous rappelle que du temps du président Houphouët-Boigny, lorsqu’il est venu du Liberia, ce sont les Dozos qui l’ont accueilli. Donc, qu’on ne dise pas que les Dozos sont seulement au nord du pays. Les Dozos sont des cultivateurs, des éleveurs, ils sont partout. Récemment, à Anyama, nous avons découvert une statue de Dozo qui date de plusieurs siècles.

A Grand-Bassam aussi, les Dozos sont installés depuis longtemps, avant même l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, nous nous battons pour qu’ils ne se promènent plus avec leurs tenues et leurs armes dans la rue.

C’est cela notre combat. Parce qu’ici, nous ne partons pas au champ. Ce n’est pas un endroit où porter la tenue pour se promener. Sinon, on ne peut pas demander aux Dozos de quitter Abidjan parce que nous sommes des Ivoiriens et comme tous les Ivoiriens, Abidjan nous appartient aussi.

 

D.S :Ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, tout le monde y a participé. On ne peut pas accuser seulement les Dozos. Si les Dozos ont combattu, c’est uniquement pour se défendre, défendre leurs familles et protéger les biens des personnes. Mais, aujourd’hui, la crise est terminée. Donc, les Ivoiriens n’ont plus rien à craindre des Dozos qui font aussi partie de la population.

 

D.S :Ces problèmes n’ont pas impliqué seulement les Dozos. Les Frci ont aussi eu des histoires avec les populations. Après la crise post-électorale, tout était désordonné. Chacun était touché mentalement. Dans ce genre de situation, beaucoup ne savent pas vraiment ce qu’ils font. Beaucoup de choses se sont passées. Mais, aujourd’hui, je vois beaucoup de changements dans notre confrérie.

Donc, je demande encore une fois à l’Etat et à la population de nous faire confiance. Nous avons promis que les Dozos aussi seront émergents. Vous allez voir cela. On ne verra plus les Dozos dans leurs tenues sauf s’il y a danse traditionnelle. Lors des danses, je veux voir beaucoup de Dozos dans leurs tenues. C’est notre culture, on ne peut pas l’abandonner.

 

D.S : Les Dozos ont quoi à voir avec les élections ? Ceux qui disent cela n’ont pas d’arguments. La Côte d’Ivoire est indépendante depuis 53 ans. Il y a eu plusieurs élections. Un fusil calibre 12 n’est jamais allé voter. Après le vote, il y a des gens qui déclarent le nom du vainqueur. Vous voyez que nous n’avons rien à voir dans tout le processus. Comme je vous le dis, les Dozos font partie de la population.

Il ne faut pas que les Dozos soient ciblés. C’est aussi leur pays. Les Dozos n’ont même pas en tête de créer des troubles. Celui qui a cette intention n’est pas un vrai dozo. Le Dozo est juste. S’il doit aller voter, il le fait et rentre chez lui. En ce qui concerne l’Onuci, nous sommes prêts à livrer aux autorités ceux qui ont commis des exactions. Nous tous, sommes soumis à la Loi. Sanctionner un dozo, c’est sanctionner un citoyen. Nous sommes satisfaits que la Loi soit revenue en Côte d’Ivoire.

 

D.S :Le désarmement est important. Mais, on ne peut pas désarmer les Dozos parce que leurs armes ne sont pas comptées parmi les armes de guerre, ce sont des armes traditionnelles. On les fabrique ici. A Abobo par exemple, on peut fabriquer cent (100) armes traditionnelles par jour. C’est pareil à Adjamé et à Anyama. Ce qu’on peut leur demander, c’est de ne pas porter leurs armes n’importe comment. Maintenant, c’est à l’Etat de décider s’il faut donner des permis de port d’armes à ces gens.

 

D.S :Oui, ce sont des armes traditionnelles et non des armes de guerre. Ce sont des armes que nous fabriquons.

 

D.S : Oui, c’est vrai. Mais, même un bâton peut aussi tuer.

 

D.S : Vous savez, les gens n’aiment pas dire la vérité. J’ai eu le temps de sillonner le pays et d’aller même à l’extérieur au cours de ma vie. Dans le passé, des gens venaient voler les bœufs en Côte d’Ivoire pour les conduire au Mali.

C’est à la suite de cela que les gens ont sollicité les Dozos pour faire de la sécurité. Tout est parti de là. Mais, si aujourd’hui, l’Etat demande qu’on arrête cela, on le fera. Nous suivons l’Etat. Quand un pays veut être émergent, il faut que la sécurité soit confiée aux Forces régaliennes. Il faut des gens qui ont été formés pour faire cela. Je suis d’accord pour que les Dozos laissent la sécurité aux Forces de l’ordre pour prendre le chemin des champs et de l’élevage.

 

D.S : Nous avons fait des sondages. Après avoir parlé avec les dépositaires de la tradition Dozos, nous pouvons dire que nous avons aujourd’hui, 491 Dozobas (chef Dozo : Ndlr) à l’intérieur du pays. Vous savez, le Dozoya existe depuis la nuit des temps dans toutes les ethnies. Ce sont les Malinkés qui ont voulu en faire quelque chose de sacré. Donc, après avoir écouté tous ces Dozobas, nous avons obtenu un chiffre de 141.100 Dozos. Mais, nous avons recensé près de 30.000 Dozos. Maintenant, ce sont plus de 5000 qui sont inscrits dans le logiciel. C’est lent parce que les moyens ne sont pas suffisants.

 

D.S : Nous faisons cet enregistrement pour pouvoir donner aux Dozos des activités génératrices de revenus. Parce que, quand tu veux aider quelqu’un, il faut le localiser. Cela permet de sécuriser les fonds. Ce logiciel va permettre d'aider, en toute confiance, tous les Dozos qui veulent être opérateurs économiques. Quand quelqu’un est caché, ce n’est pas facile de l’aider. Ce n’est pas pour autre chose que nous le faisons.

 

D.S : Les moyens nous viennent de notre carte d’adhésion. Cette carte est vendue. Chaque année, nous faisons le bilan moral et financier de nos activités. En cas de problèmes, nous faisons cotiser nos membres. C’est ainsi qu’on fonctionne. L’argent ne vient de nulle part.

 

D.S :La Chine qui était fermée avant, s’est ouverte. Vous voyez aujourd’hui où elle est ? La culture n’empêche pas le développement. Les Dozos sont des citoyens qui doivent aussi mener leurs activités pour vivre.

La sécurité est déjà là. Nous voulons que les Dozos deviennent des opérateurs économiques et culturels. C’est-à-dire, qu’ils aillent au champ et quand ils sont contents, qu'ils sortent leurs fusils pour s’amuser un peu. Parce que, lorsque quelqu’un ne s’amuse pas, il pense trop à ses problèmes. Il faut qu’on laisse chacun faire sa culture. Tout cela apporte la paix et la cohésion sociale parce que, chacun est content.

Je souhaiterais qu’on laisse la riche culture dozo s’épanouir. Je demande aux Dozos de nous faire confiance et de comprendre que l’avenir sera meilleur. Aux autorités, je demande de penser à aider notre organisation.

Aujourd’hui, il ne faut pas qu’on se limite à chasser les animaux. Il faut aussi chasser l’argent, ce qui peut te rendre heureux demain. Que les Dozos soient des acteurs de cohésion sociale. Qu’on nous aide à nous organiser. Le président (Alassane Ouattara, Ndlr) est là depuis 3 ans, nous voyons beaucoup de changements. D’autres pays vont prendre exemple sur nous. Je félicite le président pour cela.

 

Réalisé par Abraham KOUASSI