Contentieux avec DP World, présence chinoise, relations avec l’Éthiopie, démocratie… Le chef de l’État djiboutien Ismaïl Omar Guelleh joue cartes sur table avec JA.
Mieux que des phrases, les chiffres disent ce que Djibouti représente aujourd’hui sur la carte géopolitique du monde : 23 200 km², soit un peu plus qu’Israël et un peu moins que le Rwanda ; 1 million d’habitants – entre les îles Fidji et Chypre – mais une localisation éminemment stratégique : dans ses eaux territoriales du détroit de Bab el-Mandeb transitent chaque jour près de 5 millions de barils de pétrole, soit 35 % des flux mondiaux d’or noir.
Sur cette vigie aride se sont implantées les bases ou les facilités de sept armées étrangères, installations durables (Français, Américains, Chinois, Japonais) ou provisoires, dans le cadre de l’opération Atalante de lutte antipiraterie (Italiens, Espagnols, Allemands) : un record planétaire !
Au pouvoir depuis 70 ans
Dans un rayon de 500 km autour de cet épicentre, de moins en moins francophone et chaque jour un peu plus anglophone, Turcs, Émiratis, Saoudiens, Iraniens ont posé leurs propres jalons militaires. Sans compter, au sud, le drapeau noir des Shebab somaliens, au nord une dictature érythréenne ouvertement hostile et, en face, à portée de vue sur l’autre rive, le Yémen, en guerre civile depuis trois ans et demi.
C’est dire si le président Ismaïl Omar Guelleh (IOG), 70 ans, au pouvoir depuis 1999, est à la fois courtisé et conscient de la fragilité d’un État que ses voisins ont longtemps considéré comme une anomalie.
Une démocratie strictement encadrée
Avant-poste dans la lutte contre le terrorisme, Djibouti est aussi une démocratie strictement encadrée, à l’image du Rwanda de Paul Kagame – les deux hommes, qui s’apprécient, partagent les mêmes opinions en matière de stratégie de développement, même s’il reste du chemin à parcourir aux Djiboutiens pour éradiquer la corruption, le clientélisme et le tribalisme.
À la tête d’un pays dont le PIB par habitant est supérieur à la somme de ceux de ses trois voisins – Éthiopie, Érythrée, Somalie – et qui, porté par un taux de croissance de 7 %, se rêve en plateforme commerciale et logistique régionale, c’est un IOG aminci, débarrassé de ses problèmes de genoux et toujours aussi avide de lecture qui a reçu JA au palais (made by China) d’Haramous le 5 avril.
"Nous avons perdu beaucoup de temps et d’argent dans l’affaire DP World. Il fallait y mettre un terme
Jeune Afrique : Il y a quelques semaines, le 22 février, votre gouvernement a fait état de la résiliation du contrat de concession du terminal à conteneurs de Doraleh, attribué en 2006 à la société émiratie DP World. Depuis, Dubaï ne décolère pas. Pourquoi en est-on arrivé là ?
Ismaïl Omar Guelleh : Cela faisait six ans que nous tentions en vain de renégocier treize articles de ce contrat léonin, conclu – et mal conclu à l’époque, de par notre faute – avec DP World. Nous avons perdu beaucoup de temps et d’argent dans cette affaire. Il fallait y mettre un terme. Nous avons donc adopté une loi, en novembre 2017, qui autorise l’État à renégocier tous les contrats stratégiques, et celui-ci en fait partie, puisque cette installation est le premier employeur de Djibouti...
Ismaïl Omar Guelleh, président de la République de Djibouti