L'interview exclusive de Charles Blé Goudé à France 24 n'est pas spécialement du goût de Joël N'guessan, ex-ministre des droits de l'Homme, dignitaire du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), parti au pouvoir. « Il est en liberté provisoire. Il gagnerait à se taire », a émis M. N'guessan, interrogé par nos soins vingt-quatre heures après la diffusion de l'interview de M. Blé sur la chaîne de télévision française.
Dans l'entretien diffusé, mercredi 5 juin 2019, l'ex-leader des jeunes patriotes, dernier ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo, ne cachait pas son ambition de diriger un jour son pays. « Je suis leader du Congrès panafricain pour la justice et l'égalité des peuples. Je ne m'en cache pas du tout. Oui, j'ai des ambitions pour un jour diriger mon pays avec une équipe qui comprendra ou qui aura compris qu'il faut faire la politique autrement en Côte d'Ivoire. Nous avons une offre politique pour les Ivoiriens », a énoncé Charles Blé Goudé. L'interviewé, accusé de crimes contre l'humanité, par la Cour pénale internationale dans les événements post-électoraux en Côte d'Ivoire (2010-2011), a été acquitté en première instance. Il bénéficie de la liberté conditionnelle, depuis le 1er février 2019, et vit, pour l'instant, aux Pays-Bas.
Joël N'guessan estime que l'ex-leader estudiantin ne devrait pas « s'étaler » au risque de frustrer les « victimes ». « Il ne faut pas qu'il soit amnésique. Les Ivoiriens ont trop souffert de la crise. Il ne faut pas narguer les victimes à travers des déclarations politiques qui pourraient créer d'autres frustrations », a signifié M. N'guessan, actuel président du conseil de gestion du Fonds de développement de la formation professionnelle (Fdfp). « Quand M. Blé Goudé aura fait acte de repentance et que les Ivoiriens auront accepté son pardon, il pourra oser avoir des ambitions », a jugé le cadre du parti houphouëtiste. « Tous ceux qui sont à la base de cette crise, nous leur demandons de se taire. Il n'y a pas d'ambition quand on n'est pas capable de repentance », devait insister Joël N'guessan.
Lorsqu'il lui est signifié que l'ancien bras droit de Laurent Gbagbo a été acquitté en première instance des crimes qui lui sont reprochés, M. N'guessan rétorque : « Ceux qui doivent, en définitive, acquitter MM. Gbagbo et Blé Goudé, ce sont les Ivoiriens ». « Sans repentance, ils n'ont aucun avenir politique », a mentionné le collaborateur d'Alassane Ouattara.
Faisant un commentaire qui semblait s'appliquer, aussi bien à Charles Blé Goudé qu'à d'autres leaders politiques du moment, l'ancien cadre du Mouvement des forces d'avenir, a déclaré : « ce n'est pas une affaire de Fédération estudiantine et scolaire. Tous ces gens qui pensent que la politique, c'est du syndicalisme estudiantin, se trompent ».
Joël N'guessan a été un des témoins de l'accusation dans le procès conjoint Laurent Gbagbo-Charles Blé Goudé devant la Cpi. Il n'est pas opposé au retour en Côte d'Ivoire de Charles Blé Goudé mais appelle l'ex-chef des jeunes patriotes au « respect des victimes ». « Notre souhait est qu'il rentre mais dans le respect des victimes », a tenu à relever M. N'guessan.
Kisselminan COULIBALY
Joël N'guessan à propos de Blé Goudé : « Il gagnerait à se taire » - Photo à titre d'illustration