Le président de l’Union pour le développement et les libertés (UDL, opposition) Martial Ahipeaud, a affirmé dimanche que l’opposition ivoirienne n’excluait pas “la possibilité’’ de présenter un seul candidat face au Chef de l’Etat sortant Alassane Ouattara à la présidentielle prévue en 2015, dans une interview à ALERTE INFO.
Vous êtes candidat pour la présidentielle de 2015 alors que votre échec aux Législatives en décembre 2011 n’a pas fini de surprendre vos électeurs à Lakota. Quelles sont les motivations ?
Les motivations sont de trois ordres. Premièrement, j’ai estimé qu’il fallait se battre pour qu’il y ait des conditions pour des élections transparentes. Et en tant qu’individu ou en tant que parti qui ne serait pas effectivement intéressé, ce ne serait pas juste.
Deuxième raison, c’est qu’il y a eu un débat qui a même cours aujourd’hui dans le République, par rapport à l’unicité de la candidature de M. Ouattara au niveau du RHDP. Mais au-delà du RHDP, c’est en réalité une invite à lui permettre de briguer un deuxième mandat sans compétition aucune. Nous avons trouvé que vingt-quatre ans après le multipartisme, ce serait incongrue que ce genre de situation arrive.
La troisième raison, c’est qu’aujourd’hui nous considérons qu’il est important qu’il y ait une alternance générationnelle, idéologique, politique dans ce pays. Nous considérons que ceux qui portent les valeurs idéologiques, politiques et sociales de notre génération, ne sont pas les personnes qui sont actuellement au pouvoir. A partir de ce moment, nous voulons faire en sorte que ce pourquoi nous nous sommes battus depuis 1990 puisse être concrètement la gestion de la chose publique.
Votre candidature à la présidentielle, c’est juste pour interpeller ou vous y croyez réellement ?
Je travaille au quotidien et je ne suis pas un rêveur. Je pense avoir des chances de succès parce qu’aujourd’hui l’élite dirigeante a un certain nombre de caractéristiques qui sied à la situation de la Côte d’Ivoire. Nous travaillons sur l’évolution des mentalités pour un changement sociétale de fond.
Avez-vous les moyens financiers pour rivaliser avec “les grands bonnets’’ de la politique en Côte d’Ivoire ?
Aujourd’hui, nous avons une foi indéterminée et totale et nous savons que c’est la volonté de Dieu que la Côte d’Ivoire n’ait pas ce destin. Nous ne sommes pas dans une approche personnelle. Je ne veux pas être président pour être président. Il faut changer la société ivoirienne, il faut changer les valeurs. Nous sommes dans une société qui est gérée par des gens qui considèrent que l’Etat est un patrimoine personnelle. Nous menons un combat de l’opinion et nous sommes persuadé que nous allons remporter ce combat.
Quel bilan pouvez-vous faire de l’action du président Alassane Ouattara à la tête de l’Etat ?
Le président Ouattara, à son élection, a prôné l’émergence. Mais sur le terrain, en tant qu’Ivoirien, je n’ai pas ressenti cela. En plus, il y a une dérive ethniciste extrêmement grave. Ils font beaucoup de “shows’’ et de bruits mais la réalité de la Côte d’Ivoire n’est pas très reluisante.
Quelles sont vos propositions ou solutions pour la réconciliation ?
Nous sommes en train de travailler dans le cadre de notre plateforme avec cinq autres partis. Pour nous, la réconciliation doit être une réalité et non un moyen. La réconciliation suppose le débat, la concertation. Et débattre n’est pas forcement, se déculotter ou céder à la pression de l’opposition.
Nous ne sommes pas gênés que le gouvernement fasse des travaux publics, qu’il proclame des taux de croissance de 30 à 50 %. Cela n’est pas un problème. Ce qui l’est c’est comment faire pour ne pas que le pays explose.
La détention de l’ancien président Laurent Gbagbo à la Haye est-elle un obstacle à la réconciliation comme le soutiennent ses partisans ?
On ne peut détenir une personne sans avoir les éléments qui justifient cette détention. Il est important qu’on sache les fondements de sa détention. Si c’est parce qu’il y a eu des incidents à la suite de l’élection, ces incidents ne sont pas seulement imputables au camp de M. Gbagbo.
Si on opte pour la justice, toutes les procédures judiciaires doivent être mises en branle et doivent se faire de tous les côtés tant au plan national qu’international. On ne peut pas flageller un camp et laisser l’autre prospérer. Et M. Gbagbo a quand même eu 46% des voix selon les résultats de la Commission électorale indépendante (CEI) qu’il ne reconnait pas. Cela veut dire que la moitié de la population lui est favorable. On ne peut pas détenir dans les liens de la détention une telle personne sans raison.
Le Front populaire ivoirien (FPI) a mis récemment sur pied, avec onze autres partis politiques de l’opposition, “l’alliance des forces démocratiques’’ à la quelle votre parti l’Union pour le développement et les libertés (UDL) n’appartient pas. Quelles en sont les raisons ?
Nous sommes déjà avec Gervais Coulibaly, Kabran Appiah, Henriette Lagou et Mamadou Koulibaly dans une plateforme qui s’appelle l’alliance pour le changement démocratique depuis le 31 janvier.
Nous nous sommes retrouvés il y a quelques jours et nous avons convenu même de changer de nom. Sauf que Kabran Appiah et Gervais Coulibaly viennent de faire défection pour une raison simple. Nous estimons que cette plateforme a été mise en place pour aller aux élections. Eux, pensent qu’il ne faudrait pas mettre en avant la question électorale mais plutôt d’autres questions comme le dégel des avoirs.
Pour nous, ce sont des conditions secondaires qui ne justifient pas la création d’un parti politique. Dans les jours à venir, au niveau de la plateforme, nous allons rentrer en contact avec le FPI pour discuter afin de s’entendre sur un minimum qu’il faut tant du point de vue de la forme que du fond.
Une candidature unique de l’opposition est-elle envisagée ?
C’est possible. Si nous nous entendons sur le contenu du programme de gouvernement, il n’est pas exclu qu’un des responsables de l’opposition soit choisi par l’ensemble pour affronter le candidat du RHDP. Nous n’excluons donc pas la possibilité qu’il y ait une candidature unique de l’opposition contre celle du pouvoir.
Ce candidat pourrait-il être celui du FPI ?
Ce n’est pas à nous de déterminer aujourd’hui. Ce seront les conditions de négociations et de débats au niveau de l’opposition.
L’évocation de votre nom fait penser à la Fédération estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) dont vous avez été le premier secrétaire général en 1990.
Aujourd’hui quel regard jetez-vous sur la marche de ce syndicat ?
La FESCI est et restera un instrument de formation politique et syndicale des étudiants, de défense des intérêts matériels et moraux de cette composante sociale qui est extrêmement vulnérable et importante parce que c’est elle qui présage de l’avenir de toute une nation. C’est vrai, il y a eu une déviation fascisante qui était liée au contexte. Et qui a permis à des individus de transformer le syndicat en un instrument de répression, une espèce de force parallèle de l’ex-régime.
Tous les anciens leaders de la FESCI, sont pratiquement tous devenus des responsables politiques. Ce syndicat est-il une espèce d’antichambre des partis politiques ?
C’est peut-être parce qu’ils ont appris à gérer des hommes, à faire face à des pressions. Ils ont la capacité d’influencer des évènements.
L’un de vos successeurs à la tête de la FESCI, Charles Blé Goudé a été récemment transféré à la CPI. Le gouvernement a-t-il bien fait, selon vous ?
Nous, nous posons déjà la question de savoir s’il n’est pas possible de faire en Côte d’Ivoire ce qu’on entend de la CPI. J’ai le sentiment d’une justice à deux vitesses. Je ne vois pas pourquoi Charles Blé Goudé est avec Laurent Gbagbo, les seuls à avoir été transférés après une guerre qui a opposé deux camps. Sur quelle base le transfère-t-on en laissant en place d’autres ici ? On dit Blé Goudé a contribué aux violences en Côte d’Ivoire, mais où sont passés ceux qui ont commis ces violences ? Si le gouvernement veut la justice, il faut aller jusqu’au bout.
SKO
L’opposition n’exclut pas une candidature unique contre Ouattara en 2015 - Photo à titre d'illustration