Des proches du couple et du parti présidentiels obtiennent de juteux marchés: travaux, transport, immobilier, mines, carburants. Les appels d’offres se suivent et se ressemblent.
A Abidjan, la bonne fortune économique d’Adama Bictogo énerve jusqu’aux caciques du parti présidentiel. Cet ancien ministre de l’Intégration africaine, limogé du gouvernement en mai 2012 après un scandale financier, est pourtant intouchable. En moins de cinq ans, ce proche du clan Ouattara est devenu l’homme clé du business ivoirien.
Il faut dire qu’Adama Bictogo, secrétaire général adjoint du Rassemblement des républicains (RDR, parti au pouvoir), a des dons multiples et variés. A côté de sa carrière politique, l’homme a monté des entreprises dans les secteurs les plus divers. Avec un égal succès sur les marchés publics, au grand dam des autres hommes d’affaires ivoiriens.
La dernière opération en date est l’attribution à son entreprise, SNEDAI, du marché de construction et d’exploitation d’une centrale à charbon à San Pedro. Un projet dont le montant n’a pas encore été rendu public. Mais l’annonce de ce choix, annoncé en décembre 2016 par le gouvernement, a aussitôt provoqué un tollé dans le pays.
L’entreprise unique
Déjà concepteur des passeports biométriques et présent dans l’immense projet de la Couverture maladie universelle du pays, SNEDAI-Groupe a aussi acquis, en septembre 2016, le marché de la construction de logements pour les 4000 athlètes attendus aux Jeux de la Francophonie de juillet 2017 à Abidjan pour 21 millions de francs suisses. Quelques mois plus tôt, elle raflait le transport lagunaire devisé à 32 millions de francs suisses. Sa société de transport (STL) doit débuter ses activités le 3 mars.
«C’est à croire qu’il n’y a qu’une seule entreprise qui sait tout faire dans ce pays, peste Arnold Niangoran, patron d’une société du bâtiment. D’abord les appels d’offres sont rarement publics, et lorsqu’on en apprend le lancement d’un, il est déjà attribué à ce Monsieur. C’est franchement déplorable.»
L’aveu du ministre
Si, parmi les proches du pouvoir, le nom Bictogo est en tête d’affiche des bénéficiaires des marchés, derrière lui se positionnent également d’autres acteurs, notamment Zoumana Bakayoko, le frère aîné du ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko. Avec M. Bictogo, ils sont les seuls opérateurs privés à disposer d’une concession pour exploiter le transport lagunaire dans la capitale économique ivoirienne.
Zoumana Bakayoko a, lui, acquis son marché pour 20 millions de francs suisses et l’a présenté en grande pompe en août 2016, au cours d’une cérémonie de lancement de ses activités, relayée par la télévision nationale.
Plusieurs mois auparavant, le marché de contrôle et de vérification des importations était revenu à Dubaï Webb Fontaine, dont la filiale à Abidjan est dirigée par Benedict Senger, époux de Fanta Catherine Ouattara, la fille du chef de l’Etat. Café, cacao, énergie, la liste des marchés remportés par des piliers du régime ou par leurs proches est longue.
Amer, Jean-Louis Billon, ancien ministre ivoirien du Commerce, débarqué en janvier dernier, s’est lâché dans un tweet: «Les problèmes de gouvernance, la corruption et le vol des deniers publics gangrènent nos pays. Nous devons lutter contre ces pratiques», écrit, sans citer nommément aucun pays, celui qu’on présentait comme un possible dauphin d’Alassane Ouattara. Mais de nombreux autres observateurs désignent du doigt la Côte d’Ivoire et ses passations de marchés de gré à gré qui profitent aux pontes du régime d’Abidjan.
Mauvaise gouvernance
«On ne peut pas accuser M. Adama Bictogo d’affairisme. Les marchés sont obtenus dans les règles de l’art. Les appels d’offres sont toujours lancés et c’est l’offre [la moins chère] qui l’emporte», réplique de façon laconique, dans un communiqué, la direction de la communication de SNEDAI-Groupe...
La bonne fortune économique d’Adama Bictogo énerve jusqu’aux caciques du parti présidentiel