À la veille d'une séance plénière du Sénat espagnol qui pourrait décider de la mise sous tutelle de la région, le parlement catalan va siéger.
La tension arrive à son comble ce jeudi en Catalogne. La région est peut-être sur le point de déclarer son indépendance jeudi, avec des conséquences incalculables, avant même que le Sénat à Madrid n'entérine la mise sous tutelle prévue a priori vendredi. La présidente du parlement catalan, l'indépendantiste Carme Forcadell, a annoncé que son assemblée siégerait à partir de 17 heures (15 heures GMT). Elle n'a pas choisi ce timing au hasard : au même moment, à Madrid, une commission sénatoriale comptant 27 membres commencera à débattre sur la suspension d'autonomie de facto de la Catalogne, où vivent 16 % des Espagnols, demandée par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.
Le Sénat doit décider vendredi en séance plénière s'il accorde au chef du gouvernement conservateur, au titre de l'article 155 de la Constitution, le pouvoir de destituer l'exécutif indépendantiste catalan, la mise sous tutelle de sa police, son parlement, ses médias publics, pour six mois, le temps d'organiser dans la région des élections qui remettent tout à plat, début 2018. Ce vote lui est en principe acquis : les conservateurs disposent d'une confortable majorité au Sénat. Ils devraient pouvoir compter sur le soutien du Parti socialiste et des libéraux du parti Ciudadanos, né en Catalogne contre l'indépendance.
« Déclaration formelle d'indépendance »
Le président de l'exécutif catalan, Carles Puigdemont, avait prévenu le 19 octobre que, si le gouvernement espagnol « continuait à empêcher le dialogue et à poursuivre la répression, le parlement de Catalogne pourrait, s'il l'estime opportun, voter une déclaration formelle d'indépendance ». Mercredi soir, le président catalan a réuni d'urgence son cabinet, selon des médias catalans. Et le quotidien La Vanguardia indiquait qu'il penchait pour la rupture, alors que l'exécutif régional serait divisé. La Catalogne, dont les relations avec Madrid n'ont cessé de se dégrader depuis six ans, est au cœur de la plus grave crise politique qu'ait connue l'Espagne depuis le retour à la démocratie en 1977, après la tenue, en octobre, d'un référendum d'autodétermination non reconnu par Madrid et interdit par la justice. Et les deux camps semblent désormais irréconciliables.
Mariano Rajoy espère que les Catalans, divisés à parts presque égales sur l'indépendance, tourneront le dos aux indépendantistes, sans appuis internationaux et provoquant la fuite des entreprises, touristes et emplois. Les séparatistes au pouvoir en Catalogne tablent sur le soutien de nombreux citoyens se sentant méprisés depuis plusieurs années par Madrid et écœurés par les violences policières qui ont émaillé le référendum qu'ils estiment avoir emporté. Ils ont d'ailleurs prévu de mobiliser leurs partisans massivement à partir de vendredi, par le biais des puissances associations indépendantistes ANC et Omnium capables de rassembler à chaque manifestation des dizaines, voire des centaines, de milliers de partisans pacifiques. Les étudiants se sont quant à eux donné rendez-vous jeudi à 12 heures (10 heures GMT) sur les campus de Barcelone, Girone, Lleida et Tarragone pour dire non à l'article 155 et oui à la République catalane.
Mise sous tutelle
Mercredi, la mise sous tutelle semblait inéluctable, tout espoir de dialogue entre Barcelone et Madrid semblant disparu. Dans la matinée, Mariano Rajoy avait refermé tout espoir d'un dialogue avec le président de l'exécutif catalan. « Vous me dites que les institutions catalanes ont demandé le dialogue et que ma réponse a été l'article 155 » de la Constitution qui permet cette mise sous tutelle « et c'est vrai », a dit devant le Congrès Mariano Rajoy à un élu indépendantiste catalan, avant d'insister : « C'est la seule réponse possible, la seule. » Carles Puigdemont a riposté en annonçant qu'il n'irait pas s'exprimer devant le Sénat comme celui-ci l'y invitait avant de prendre des mesures de mise sous tutelle de la région.
L'article 155 entraînera une suspension de facto de l'autonomie, restaurée après la fin de la dictature de Francisco Franco (1939-1975) et à laquelle les Catalans tiennent beaucoup. Craignant ce scénario, plusieurs membres du gouvernement catalan se sont exprimés mardi soir contre une déclaration unilatérale d'indépendance et pour des élections régionales anticipées, selon une source du gouvernement catalan. Ces élections permettraient à tous les Catalans de s'exprimer et renouvelleraient un parlement dominé par les indépendantistes. La mise sous tutelle et une éventuelle déclaration d'indépendance ainsi que l'instabilité qui en découlerait font craindre des retombées très négatives pour l'économie de cette région représentant 19 % du PIB espagnol, où vivent 16 % des Espagnols. Déjà 1 500 entreprises catalanes ont délocalisé leur siège social par crainte de l'instabilité.
La Catalogne va-t-elle déclarer son indépendance ? - Photo à titre d'illustration