Les Etats-Unis ont levé, mercredi 14 septembre, les sanctions économiques qu’ils avaient instaurées à l’encontre de la Côte d’Ivoire. Celles-ci avaient été décidées par George W. Bush en février 2006 pour obstruction au processus de paix engagé en 2003. Le pays était alors en proie à une profonde division depuis la guerre civile provoquée, en 2002, par une rébellion contre le président de l’époque, Laurent Gbagbo.
Pour justifier cette levée des sanctions, Ned Price, porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche, a indiqué que « la Côte d’Ivoire avait fait des progrès importants en vue de renforcer ses institutions politiques et économiques, et de trouver des solutions aux problèmes qui l’avaient entraînée dans la guerre ». Ces sanctions visaient plusieurs personnes, dont Laurent Gbagbo, actuellement jugé par la Cour pénale internationale (CPI). Elles concernaient un embargo sur les armes, des gels d’avoirs et des interdictions de voyager.
Le président Alassane Ouattara doit participer, mercredi 21 septembre, au forum US-Africa Business de New York. Seuls deux autres pays africains ont été conviés à cette conférence très prestigieuse, à laquelle participe notamment le président américain Barak Obama : le Nigeria et la Tunisie. Le chef d’Etat ivoirien va notamment y présenter le nouveau plan de développement économique de son pays, qui a enregistré une croissance de 8,4 % en 2015 et dont la capitale est devenue la Bourse la plus performante du continent toutes monnaies confondues, avec une progression de 17,77 % de son indice sur l’année.
Christian Bouquet, professeur émérite à l’université Bordeaux-Montaigne et chercheur au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM) décrypte l’embellie que connaît l’économie ivoirienne.
Pourquoi les Etats-Unis ont-ils décidé de lever maintenant leurs sanctions à l’encontre de la Côte d’Ivoire ?
Christian Bouquet Je pense qu’il y a eu un lobbying intense de la part des autorités ivoiriennes auprès des Etats-Unis avec lesquels les relations sont excellentes, afin d’épurer ce dossier vieux d’une dizaine d’années. Les relations sont en ce moment tellement bonnes que l’on prévoit même pour bientôt l’ouverture d’une ligne aérienne entre les deux pays.
Sur le plan économique, la Côte d’Ivoire a t-elle vraiment le vent en poupe ?
Absolument. Depuis que le pays s’est stabilisé, c’est-à-dire assez rapidement après la fin de la période de tensions post-électorales, et grâce notamment à Alassane Ouattara. En tant qu’ancien des institutions financières internationales [il a dirigé le secteur Afrique du FMI en 1984], il est rapidement apparu comme un bon élève. Il a donc bénéficié dès son accession au pouvoir d’une grande bienveillance de la part de tous les bailleurs de fonds et d’investisseurs d’horizons divers, pas seulement français, comme l’américain Cargill [société spécialisée dans le négoce de matières premières].
Ce n’est donc pas surprenant que la Côte d’Ivoire soit actuellement dans le vert économiquement. Elle suit un régime économique très libéral, avec un code des investissements qui est relativement facile et donc propice aux bonnes affaires.
C’est vrai qu’on a l’impression que tous les signaux sont positifs pour investir en Côte d’Ivoire, à l’exception peut-être de ce qui concerne la bonne gouvernance. Il y a encore de la corruption dans les tuyaux [le pays est passé de la 136e à la 107e place entre 2013 et 2015 au classement de Transparency International qui est calculé sur 168 pays] et il ne faut pas oublier que seuls ceux qui ne décrochent pas les marchés la dénoncent…
La période difficile que traverse le Nigeria sur le plan économique peut-elle affecter la Côte d’Ivoire ?
Les deux pays sont relativement concurrents. Mais si l’on regarde bien, on s’aperçoit que le Nigeria est en train de souffrir pour deux raisons : l’instabilité sur le plan sécuritaire dans le nord du pays et l’effondrement des cours du pétrole. La Côte d’Ivoire, qui n’est pas un pays pétrolier, puisqu’il produit seulement de 45 000 à 50 000 barils par jour, ne le concurrence pas directement, mais elle raffine le pétrole nigérian. Cela ne me paraît toutefois pas suffisant pour impacter l’économie ivoirienne.
Je ne pense pas non plus que la Côte d’Ivoire puisse profiter de l’affaiblissement du Nigeria. Sa richesse repose d’abord sur le cacao, les produits pétroliers et quelques cultures très attractives comme l’anacarde [le pays est le premier producteur mondial de noix de cajou], plus une relance du coton. Elle est donc endogène.
Propos recueillis par Pierre Lepidi
La Côte d’Ivoire est propice aux bonnes affaires - Photo à titre d'illustration