Faut-il, oui ou non, au camp de Laurent Gbagbo, présenter un candidat au scrutin présidentiel de 2015 ? Le camp Gbagbo dans un dilemme
Faut-il, oui ou non, au camp de Laurent Gbagbo, présenter un candidat au scrutin présidentiel de 2015 ? La question, à première vue, paraît prosaïque. La réponse, pourtant, reste peu évidente eu égard à un ensemble de considérations inhérentes au Front populaire ivoirien (Fpi), parti de l’ex-président, et à ses soutiens. L’interrogation sur une candidature du « camp Gbagbo » en 2015 en appelle, au moins, deux autres : qui sera ce candidat de l’ex-majorité présidentielle face à un Alassane Ouattara, candidat à sa propre succession et peut-être, porte-étendard de la coalition houphouétiste ? Est-ce Laurent Gbagbo dont le retour de la prison de Scheveningen est annoncé à longueur de rhétoriques par les hiérarques du Fpi ou est-ce quelque autre candidat putatif qui affrontera l’actuel locataire du palais présidentiel ? Le sujet, fort gênant, devient tabou, avec le risque pour celui qui l’aborde, d’être taxé de parricide. Il s’agit, au fond, d’une posture morale, sorte de ligne de conduite que s’imposent certains partisans de l’ex-chef d’Etat : aborder, aussi directement, la succession du leader, « en détention illégale » à la Cour pénale internationale (Cpi), offre le sentiment d’une trahison. Et la polémique née des propos de Pascal Affi N’guessan, en meeting, à Mbatto, n’a strictement rien d’un hasard. « Je suis sorti de la prison pour aller prendre le pouvoir en 2015 » (in Notre Voie du samedi 14 septembre 2013).
Cette phrase associée à une autre : « Affi, tu seras président de la République ! », prononcée par un chef traditionnel de Mbatto, Nanan Kacou Koua (chef de Kouakro), n’a pas été spécialement félicitée par les irréductibles du camp. La cote de popularité du président du Front populaire ivoirien, boostée par son statut « d’ex-prisonnier » sous le régime d’Alassane Ouattara, a subi un léger revers au sein d’une catégorie de partisans. Il a rectifié, aussitôt, le tir : « travaillons pour que les prisons soient vidées, que les exilés rentrent, que Laurent Gbagbo revienne » (in Notre Voie du lundi 16 septembre 2013).
Y aller sans Gbagbo ?
Le débat autour de la succession de l’ancien chef d’Etat est ce qu’il y a de moins fédérateur dans l’ex-majorité. Entre partisans d’une stratégie qui implique une absence de Laurent Gbagbo dans le jeu électoral, au moins pour les cinq prochaines années et défenseurs d’un retour de l’ex-président en tant que condition non négociable à toute forme de re-conquête du pouvoir, les lignes sont apparentes.
Le discours d’Aboudramane Sangaré, vieux compagnon de Laurent Gbagbo, affublé par les siens du précieux qualificatif de « gardien du temple », est fort évocateur. Reçu, avec une vingtaine d’autres prisonniers élargis, au Qg du Fpi, Sangaré, 1er vice-président, livrait ce discours en forme d’orientation de leur lutte commune : « Camarades (…), nous vous demandons de sécher vos larmes car tout comme il est parti en exil en 1982 pour en revenir en septembre 1988, tenir le Congrès constitutif de son parti, se présenter à l’élection présidentielle d’Octobre 1990, se posant ainsi en leader incontesté et incontestable de l’opposition ivoirienne, le président Laurent Gbagbo reviendra très bientôt parmi nous. Il appartiendra aux militants de son parti et aux démocrates épris de paix, de liberté, de justice et de démocratie, de lui conférer le statut qui sied à ses nouvelles dimensions » (in Soir Info du lundi 2 septembre 2013).
La lutte pour que Laurent Gbagbo sorte de prison est bien au cœur du discours. Elle se heurte- aujourd’hui et avec davantage d’intensité- à la question de la participation du Fpi et de ses alliés au scrutin présidentiel de 2015. Comment concilier l’ambition de « redresser les politiques tordues », à travers une reconquête du pouvoir et l’obligation morale qu’on se donne de ne pas lâcher le « camarade Laurent » ? « Il n’y a pas d’énigme. Concrètement, il est utopique d’envisager une présence à la prochaine élection sans intégrer ce cas de figure : que le président Laurent Gbagbo ne sera pas de retour », commente un cadre du parti à la rose.
A deux ans du scrutin présidentiel, les partisans de Laurent Gbagbo se cherchent une voie, une stratégie. Ils sont un certain nombre qui ont compris qu’à trop s’inscrire dans la procrastination, ils ressortiront gros perdants.
Kisselminan COULIBALY
Le camp Gbagbo dans un dilemme - Photo à titre d'illustration