Consommer du cannabis, c'est désormais légal au Canada. Le pays devient le premier du G20 à autoriser la consommation de cette drogue douce à des fins récréatives. Les amateurs, tout comme les marchés financiers, sont ravis.
Justin Trudeau s'y était engagé, il a tenu sa promesse. Après quasiment un siècle de prohibition, le Canada devient, mercredi 17 octobre, le premier pays du G20 à légaliser le cannabis récréatif. Le Canada est seulement le deuxième État de la planète à autoriser la marijuana récréative, après l'Uruguay en 2013.
Dès minuit (6 h en France mercredi), la première boutique légale de cannabis ouvrait ses portes à Saint-Jean-de-Terre-Neuve, dans l'Atlantique nord. Au Québec, les boutiques d'État de la Société québécoise du cannabis (SQDC) doivent accueillir leurs premiers clients dans la matinée. La SQDC démarre avec 12 magasins, mais en vise jusqu'à 150 d'ici trois ans. À l'inverse, les provinces du Manitoba (centre) et de l'Alberta (ouest) ont décidé de libéraliser cette industrie et une poignée de points de vente privés vont être inaugurés mercredi.
Le gouvernement a voulu permettre à chaque province d'organiser le commerce de l'herbe. De Montréal à Vancouver en passant par Toronto et Winnipeg, chaque région a retenu sa propre recette pour organiser ce marché juteux évalué à environ six milliards de dollars canadiens (quatre milliards d'euros) par an.
Attaques contre Trudeau
Mais Doug Ford, le bouillant Premier ministre de la province de l'Ontario (centre), a accusé mardi Justin Trudeau d'avoir abandonné les pouvoirs locaux face à cette réforme inédite. Comme lui, l'opposition conservatrice au Parlement d'Ottawa a multiplié les attaques ces derniers jours contre cette mesure qui, selon les adversaires du Premier ministre mais aussi selon des médecins, a été précipitée et a occulté plusieurs dangers pour la santé et la sécurité publiques.
"Cela fait au moins deux ans qu'on travaille avec les différents gouvernements", a répondu mardi Justin Trudeau, répétant que la légalisation doit permettre de restreindre l'accès de cette drogue douce aux mineurs et "enlever l'argent des poches des organisations criminelles".
Du Pacifique à l'Atlantique, des dizaines de fêtes ont été spécialement prévues mercredi, en particulier à Toronto et à Montréal. Cette légalisation est également célébrée à la Bourse de Toronto, où des milliards de dollars ont été investis dans cette nouvelle industrie au cours des derniers mois. Le leader du marché, Canopy Growth, a par exemple gagné 448 % en un an et valait mardi soir 13,88 milliards de dollars.
Quatre ans avant la disparition du marché noir
Selon les statistiques officielles, 16 % de la population canadienne a fumé du cannabis en 2017, ce qui représente 773 tonnes de drogue douce. Il semble inévitable que les 120 producteurs autorisés actuellement ne soient pas en mesure de satisfaire toute la demande dans l'immédiat. Mais pour Bill Blair, ministre chargé de la Réduction du crime organisé, il est envisageable de ravir 25 % du marché noir d'ici la fin 2018 et environ la moitié d'ici un an.
"De nombreuses personnes pensent que la légalisation est un événement, mais c'est un processus", a-t-il déclaré à l'AFP. "Pendant près d'un siècle, les groupes criminels contrôlaient entièrement le marché, 100 % de sa production et de sa distribution, et ils en ont tiré des bénéfices de plusieurs milliards de dollars chaque année", rappelle-t-il. "Ils ne vont pas disparaître tranquillement du jour au lendemain." Selon le ministère de la Justice, éradiquer le marché noir prendra ainsi au moins quatre ans.
© Lars Hagberg, AFP | Une manifestante fume du cannabis devant le Parlement d'Ottawa, le 20 avril 2018.