Le plus dur ne fait que (re)commencer pour la Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci), maintenant que presque tous les masques sont tombés. Ainsi, la direction de l’ancien parti unique ira étaler toutes ses divergences à son prochain congrès. Outre le président sortant, Henri Konan Bédié, candidat à sa propre succession, ses principaux lieutenants, Alphonse Djédjé Mady et Bertin Konan Kouadio sont dans la course. En faisant valoir leurs arguments, ils promettent même de faire mordre la poussière à l’ancien chef de l’Etat. Chacun joue son avenir politique dans ce XIIème congrès, prévu en octobre prochain. Les enjeux, ainsi clairement énoncés, font donc craindre une possibilité de scission du vieux parti. A l’évidence, cette scission pourrait venir des challengers d’Henri Konan Bédié, puisqu’ils estiment qu’avec le Sphinx de Daoukro, toujours à la barre, leur parti court à sa perte. Ils se posent donc en sauveurs et, ils sont, selon toute vraisemblance, prêts à aller jusqu’au bout. Une détermination, loin d’être un coup de bluff puisque la coalition anti-Bédié, est essentiellement constituée de ‘’frustrés’’ qui estiment avoir trop attendu leur heure de gloire. C’est notamment le cas du secrétaire général sortant, Alphonse Djédjé Mady qui pense être mal récompensé, après être allé au charbon, durant ces dix dernières années où le front politique était particulièrement en ébullition. Juste derrière, en deuxième rideau, se trouvent ceux qui pensent qu’Henri Konan Bédié n’a plus rien à démontrer. Pis, ils font remarquer que son éviction du pouvoir, en décembre 1999, est la preuve par dix de son échec à gérer l’héritage à lui légué par Félix Houphouet-Boigny. Tout en lui exigeant un bilan de sa gestion, ces cadres, au nombre desquels l’ancien ministre Jean Konan Banny et l’ancien directeur du Protocole d’Etat, Georges Ouégnin, souhaitent vivement qu’Henri Konan Bédié prenne sa retraite maintenant. En troisième rideau, se positionne le groupe conduit par Bertin Konan Kouadio qui se pose également en sauveur d’un Pdci, menacé, selon lui par son allié, le Rassemblement des républicains (Rdr), bien disposé à le phagocyter.
Une coalition anti Bédié contre Ouattara
C’est donc en démontant, pièce après pièce, le puzzle mis en place par Henri Konan Bédié pour conserver son fauteuil, que ces ‘’sauveurs’’ se préparent à aller au congrès. « (…) le congrès se prépare en dehors des dispositions prévues à cet effet par les statuts et règlement intérieur en vigueur. (…) Les institutions fortes reposent sur le respect des textes qui gèrent la société. Respectons nos propres textes », soutient Alphonse Djédjé Mady, qui rejoint en cela, KKB. Tous deux promettent de faire revenir le Pdci au pouvoir, très, très vite. Ils ne peuvent, en effet, pas trouver meilleur argumentaire que cela. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que ça emballe déjà les militants. Tous les challengers du Sphinx de Daoukro, se posent donc, au-delà de leur parti, en potentiels adversaires d’Alassane Ouattara, au scrutin présidentiel de 2015. «Je vous annonce ma volonté de me mettre à la disposition de mon Parti et par son biais, à celle de la Côte d’Ivoire: je suis candidat à la présidence du Pdci-Rda au XIIème congrès. Je suis candidat pour rendre au Pdci-Rda et à la Côte d’Ivoire ce que j’ai reçu d’eux », décline l’ancien ministre de la Santé, Alphonse Djédjé Mady. Une option qui renforce l’analyse de ceux qui pronostiquent une possible scission de l’ancien parti unique. « Pour solliciter le suffrage des Ivoiriens à la magistrature suprême, en 2015, les challengers de M. Konan Bédié ont forcément besoin d’un appareil politique. Et, aller avec l’étiquette du Pdci, même si juste un petit morceau, ferait déjà l’affaire. S’ils prennent le risque de sortir du Pdci pour créer leur propre parti, ils perdraient beaucoup de plumes », analyse le politologue, Mamadou Konaté. « S’il n’y a pas d’autres candidats venant du Rhdp (Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix, la coalition politique au pouvoir, ndlr), le Président Ouattara pourrait aller en roue libre et rempiler facilement pour un second mandat, car les chances que le Fpi (Front populaire ivoirien, ndlr) se remette vite sur pied pour participer à la présidentielle de 2015, sont bien minces », poursuit-il son décryptage. « En franchissant tous ces Rubicon, les challengers de Konan Bédié se poseraient en interlocuteurs incontournables en cas de discussions », ajoute Mamadou Konaté, avant de nuancer : « mais, n’allons pas plus vite que la musique du Pdci parce que la politique, c’est avant tout la saine appréciation des réalités du moment. Hier, le Pdci ne s’est pas cassé malgré qu’il a connu une saignée. Nous devons être prudents et observer. Avant le congrès, beaucoup de choses peuvent se passer et, encore plus, avant la présidentielle de 2015 ».
Marc Dossa
Le front anti-Bédié se met en place Le Pdci va-t-il imploser ? - Photo à titre d'illustration