Le Nigeria menacerait de quitter la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qu’elle a contribué à fonder en 1975 pour promouvoir l’intégration économique, parce que l’Organisation n’embauche pas ses citoyens.
Selon des rapports émanant du siège de l’organisation, basé à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria, la nation la plus peuplée d’Afrique menace de se retirer si la gouvernance de l’Organisation n’est pas réformée.
Pourquoi ?
Des politiciens nigérians de haut rang affirment que les personnes qui travaillent au sein des structures de l’organisation se voient refuser des promotions.
Dans un scénario qui ne correspond pas à sa taille et à sa population (216 millions d’habitants) en Afrique de l’Ouest, le Nigeria dit avoir constaté avec frustration, du fait que ses candidats sont constamment « ignorés » pour des emplois qui devraient leur revenir au vu de leur mérite.
Les représentants nigérians au Parlement de la Cedeao ont fait cette menace après que certains dirigeants du bloc régional ont prétendument défié les directives leur demandant d’arrêter de recruter leurs proches et leurs amis à des postes de haut niveau.
The Vanguard a rapporté lundi que les législateurs nigérians ont fait référence aux énormes engagements financiers de leur pays envers l’organisme régional, malgré ses problèmes de sécurité interne.
Selon eux, il n’y a pas de retour sur investissement proportionnel pour le Nigeria dans la Cedeao pour tout ce que le pays a fait et continue de faire pour la région depuis sa création en 1975.
Le vice-président de la Chambre des représentants du Nigeria, qui est également le premier vice-président du Parlement de la Cedeao, Ahmed Idris Wase, aurait déclaré qu’il était devenu impératif que son pays revoie sa position sur la pertinence de rester au sein de la Cedeao.
« Si vous êtes dans un système, et vous n’obtenez pas de bons résultats, alors que vous y investissez votre argent, il est préférable de le quitter. Dans une situation où nous avons un déficit d’infrastructures et où nous sommes confrontés à des problèmes de sécurité, pourquoi devrions-nous continuer à investir notre argent là où il ne profitera pas à notre pays ? Oui, nous nous retirerons si nous n’obtenons pas le résultat souhaité », a déclaré M. Wase.
« Nous demandons justice non seulement pour les Nigérians, mais aussi pour l’ensemble de la communauté de la Cedeao. C’est ce que demandent les députés. Il y a quelques pays qui veulent diriger la Cedeao selon leur propre plan, mais nous ne tolérerons pas cela », a-t-il averti.
Le Représentant permanent du Nigéria auprès de la Cedeao, Musa Nuhu, avait déjà écrit au président du parlement régional, Sidie Mohamed Tunis, au sujet d’un scandale de népotisme présumé dans les recrutements au sein de l’organisation.
La lettre de M. Nuhu, datée du 20 juillet 2022, était intitulée « plainte officielle concernant le traitement injuste et la confirmation du personnel au Parlement de la Cedeao ».
Le ministère des Affaires étrangères du Nigeria, l’Assemblée nationale et la Présidence n’ont pas fait de commentaires sur ces allégations.
Suspension des recrutements
Les institutions du bloc ouest-africain ont été accusées par le Nigeria de « manipulations et de favoritisme en termes d’emplois et de promotions », dont les conditions ne sont pas strictement appliquées dans la plupart des cas, selon les sources.
Les allégations de népotisme sont si répandues au sein des institutions de soutien de l’organisation des 15 que des responsables de premier plan comme le président du parlement régional ne peuvent plus les ignorer ou rester réticents alors que les spéculations abondent.
Le Président du parlement de la Cedeao, Sidie Mohamed Tunis, a depuis annoncé que les recrutements dans les différentes institutions de l’organisation étaient temporairement suspendus pendant qu’un groupe d’experts vérifiait la justesse des allégations du Nigeria selon lesquelles certaines des personnes recrutées avaient bénéficié de favoritisme de la part de relations travaillant dans ces institutions.
Le panel devrait rendre ses conclusions dans quelques jours et Tunis a déclaré qu’entre-temps, le parlement de la Cedeao souhaitait faire savoir qu’il restait attaché aux principes protégeant les droits de tous les citoyens ouest-africains à trouver du travail dans ses différentes institutions lorsque des postes sont disponibles.
Mais le Nigeria peut-il se permettre de quitter Cedeao dont le siège se trouve dans son pays (Abuja) et qu’il soutient depuis sa création ?
De nombreuses personnes avisées affirment que la menace de quitter le bloc n’est qu’une stratégie utilisée par la deuxième plus grande économie d’Afrique pour tester son influence au sein du bloc et forcer les autres membres à respecter son potentiel inégalé en tant que membre important du bloc.
Sujet de campagne ?
D’autres cadres de l’Organisations des autres pays membres, estiment que ces allégations relèvent de la « politique du dessous de la ceinture », à un moment où le Nigeria est pris dans la fièvre des élections pour désigner le successeur de Muhammadu Buhari à la présidence du pays l’année prochaine.
Le rapport du journal Vanguard cite les réactions des députés de la Cedeao qui accusent leurs homologues nigérians de déformer les faits et de bluffer pour s’attirer les faveurs de l’électorat nigérian avant les élections générales de l’année prochaine.
Le chef de la délégation libérienne au parlement régional, Edwin Snowe, a déclaré que ceux qui ont fait ces allégations font de l’obstruction pour impressionner les Nigérians avec un œil évident sur les élections.
Il a averti les législateurs nigérians de ne pas jeter des calomnies inutiles sur le Parlement et son président en déformant les faits.
« La Cedeao est fondée sur la solidarité ; il n’y a rien qui rende la puissance juste dans la communauté. La délégation nigériane qui remet en cause le processus de recrutement déforme les décisions qui émanent de la plénière. Je comprends que nos frères se présentent aux élections et parfois ils font de l’obstruction parce qu’ils veulent le vote et le soutien de leurs circonscriptions électorales pour sentir qu’ils représentent les intérêts du Nigeria au Parlement. Mais nous ne permettrons pas que le Parlement soit utilisé comme un tremplin pour la réélection de politiciens », a-t-il averti.
Le Nigeria, en tant que membre fondateur du bloc, estime qu’il continue à jouer un rôle essentiel dans le succès des institutions de l’organisation, en apportant son poids aux efforts régionaux de médiation de la paix ou de résolution des crises politiques et sécuritaires dans la région, surtout ces derniers temps.
Sous l’égide de Lagos, la Cedeao a été créée en 1975 pour favoriser l’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest – une région de 5.114.162 km2, une population estimée à 450 millions de personnes et un Pib de 675 milliards de dollars, selon une estimation de 2015.
GIK/as/fss/cgd/APA
Le Nigeria menacerait de quitter la Cedeao - Photo à titre d'illustration