Selon un rapport de Global Financial Integrity, les pays en développement ont vu près de 1 000 milliards de dollars sortir illégalement de leur territoire en 2011. Pour l’Afrique subsaharienne, ces flux ont représenté 5,7 % du PIB.
Les flux financiers illicites dans les pays en développement ont atteint 946,7 milliards de dollars en 2011 selon le dernier rapport de Global Financial Integrity (GFI), une organisation non gouvernementale basée à Washington. Cela représente une hausse de 13,7 % par rapport aux 832,4 milliards de 2010 et de 250 % par rapport à 2002. Entre 2002 et 2011, l’étude estime que le monde en développement a perdu un total de 5 900 milliards de dollars.
« Les sociétés écran anonymes [société fictive créée pour dissimuler des transactions financières, NDLR], l’opacité des paradis fiscaux, et les techniques de blanchiment d’argent basées sur le commerce, ont drainé presque 1 000 milliards de dollars des pays les plus pauvres du monde en 2011, à un moment où les États pauvres comme riches luttent pour stimuler la croissance économique […] Cette étude devrait servir de sonnette d’alarme pour les dirigeants mondiaux », a déclaré Raymond Baker, le président de GFI.
Si l’Occident injecte de l’argent en Afrique par le biais des IDE, des importations et de l’aide au développement, le continent est en situation de créancier net par rapport au reste du monde une fois les flux financiers illégaux intégrés aux études, indique le communiqué de GFI.
Une croissance supérieure à celle du PIB
L’Afrique subsaharienne, qui enregistre une fuite de capitaux équivalente à 5,7 % du PIB chaque année, est la région qui souffre le plus de cette tendance en termes de rapport au PIB. Sur l’ensemble des pays, ces sorties illégales représentent en moyenne 4 % du PIB. Sur le continent, c’est le Nigeria qui fait figure de mauvais élève en se classant 10e à l’échelle mondiale en termes de fuites moyennes annuelles, suivi de l’Afrique du Sud, qui se classe 13e. Sur les 50 premiers, neuf pays africains sont classés.
Durant la dernière décennie, la croissance des sorties de capitaux illicites a significativement dépassé celle du PIB. De plus, le montant des fuites en 2011 est environ dix fois plus élevé que l’aide publique au développement nette qui a été accordée la même année aux 150 pays qui ont fait l’objet de l’étude. Ce qui signifie que pour chaque dollar d’aide qui entre dans un pays en développement, 10 dollars en sortent de manière illicite.
La région Mena (Moyent-Orient et Afrique du Nord) a enregistré la plus grande croissance des flux financiers illicites (31,5 % par an), suivi de l’Afrique subsaharienne (19,8 %). Le continent asiatique est quant à lui celui qui enregistre le plus de flux illicites – 39,6 % du total des pays en développement.
« Les estimations fournies par notre nouvelle méthodologie sont encore susceptibles d’être extrêmement sous-estimées », explique Dev Kar, économiste en chef chez GFI, qui précise que les transactions en espèces ne peuvent être prises en compte. « Cela signifie qu’une grande partie des revenus du trafic de drogue, du trafic d’êtres humains, ainsi que d’autres activités criminelles, qui sont souvent réglées en espèce, n’est pas prise en compte dans ces estimations. »
Conséquences
« Les flux illicites ont des conséquences majeures sur les économies en développement », explique Brian LeBlanc, co-auteur du rapport. « Les pertes auraient pu être investies dans des entreprises locales, dans la santé, dans l’éducation, ou encore dans les infrastructures. »
Pour Dev Kar, limiter ces flux financiers devrait être une priorité pour les dirigeants africains comme pour l’Occident car ils entraînent – et sont entraînés par – une mauvaise gouvernance et un mauvais climat des affaires, ce qui entrave la croissance économique.
« Les efforts menés par l’Union africaine et la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique – qui ont donné naissance au Groupe des personnalités de haut-niveau (GPHN) contre les flux financiers illicites présidé par l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki – sont vitaux pour la prospérité à long-temre du continent. Mais les puissances occidentales et les pays africains eux-mêms ont encore beaucoup à faire pour réellement traiter le problème. »
Parmi les solutions proposées, GFI préconise notamment d’exiger des rapports, pays par pays, sur les ventes, les profits, les effectifs d’employés et les impôts payés par toutes les sociétés multinationales et de réformer les services douaniers afin de mieux détecter et prévenir les falsifications des transactions commerciales.
L’organisation propose également de s’attaquer aux problèmes posés par les sociétés écran ainsi que les sociétés d’investissement en demandant confirmation de la propriété effective de tous les comptes bancaires et valeurs mobilières, et en exigeant que les informations sur les propriétaires physiques de toutes les sociétés soient divulguées et disponibles dans des registres publics.
Les pays africains qui ont enregistré le plus de flux illicites entre 2002 et 2011 (sorties annuelles moyennes en dollars)
1. Nigeria (10) – 14,2 milliards
2. Afrique du Sud (13*) – 10,1 milliards
3. Égypte (26) – 3,6 milliards
4. Soudan (30) – 2,6 milliards
5. Côte d’Ivoire (37) – 2,3 milliards
6. Éthiopie (39) – 2 milliards
7. Zambie (41) – 1,9 milliard
8. Togo (42) – 1,8 milliard
9. Algérie (50) – 1,5 milliard
10. RD Congo (52) – 1,5 milliard
Les 10 pays africains les plus affectés par les flux financiers illicites…La Côte d’Ivoire 5ième - Photo à titre d'illustration