Quatorze ambassades, qui avaient salué le scrutin du 8 août annulé par la Cour suprême, ont appelé à des élections « libres, justes et crédibles » le 26 octobre.
Ces dernières semaines, le parti présidentiel Jubilee et la coalition d’opposition NASA, les deux principales forces politiques kényanes, n’étaient d’accord sur rien. Les critiques émises par les diplomates en poste à Nairobi leur auront enfin offert un point d’entente. Lundi 3 octobre, quatorze ambassadeurs et représentants de pays occidentaux, dont les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, ont pressé les leaders politiques de tout mettre en œuvre pour garantir des élections « libres, justes et crédibles » dans trois semaines, critiquant l’attitude des deux camps.
Par la voix de l’ambassadeur américain Robert Godec, ils ont appelé à l’abandon du processus visant à modifier en urgence la loi électorale, actuellement en cours au Parlement. Ce texte porté par le parti du président Uhuru Kenyatta touche notamment au fonctionnement de la Commission électorale (l’IEBC, organe chargé d’organiser les élections) et au mode de décompte des voix. « Il est d’usage selon les meilleures pratiques internationales en la matière d’éviter de changer les lois électorales juste avant une élection », a déclaré au nom de ses pairs le diplomate américain devant la presse, précisant qu’une telle réforme demandait une « réflexion approfondie » et un « consensus politique ».
« Ce que les puissances occidentales pensent ne reflète que leur propre opinion », a balayé le député Jubilee William Cheptumo, coprésident du groupe parlementaire chargé d’examiner ce texte. D’autres élus de la majorité présidentielle sont allés plus loin, reprenant ironiquement les tournures diplomatiques pour dénoncer ce qu’ils voient comme un parti pris : « Nous aurions été heureux que les distingués diplomates prennent en compte que les meilleures pratiques internationales ne recommandent pas de souscrire aux provocations et aux menaces de la NASA », ont-ils réagi dans une déclaration commune.
Critique de surface
La coalition menée par Raila Odinga s’est elle aussi élevée contre les récriminations des Occidentaux, qui condamnent les pressions exercées sur la Commission électorale. La NASA (Super Alliance nationale) exige une profonde réforme de cet organe, au cœur de l’annulation par la Cour Suprême du précédent scrutin, sans quoi elle menace de boycotter le vote du 26 octobre. Ses partisans se sont rassemblés dans ce sens à Nairobi et dans d’autres villes du pays, des manifestations au cours desquelles un homme est décédé lundi. « Si nous organisons des manifestations, c’est dans le strict respect des droits garantis par la Constitution et c’est un droit dont nous continuerons à profiter sans aucune contrainte, intimidation ou chantage », a tancé James Orengo, sénateur et bras droit de Raila Odinga, dans des propos rapportés par les médias kényans.
La prise de position des diplomates, restés discrets depuis l’annulation par la Cour suprême du vote du 8 août dont ils avaient globalement salué le bon déroulement et le résultat, ne devrait pas avoir de conséquence immédiate sur le blocage politique en cours.
« Les ambassadeurs jouent certes un rôle en mettant la pression en même temps sur les deux camps, mais la solution au blocage actuel tiendra moins à des facteurs internationaux qu’à des facteurs locaux », estime Nic Cheeseman, professeur de politique africaine à l’université de Birmingham. Et, pour ce spécialiste du Kenya, les deux bords devront, au-delà de cette critique de surface, trouver au plus vite un terrain d’entente. Au risque, dans le cas contraire, de voir la NASA boycotter l’élection.
A Nairobi, le 19 septembre 2017, des partisans du président Uhuru Kenyatta manifestent pour un recomptage des votes du scrutin du 8 août, annulé par la Cour suprême kényane. CRÉDITS : BAZ RATNER/REUTERS